Le décret n° 2025‑461 du 26 mai 2025 s’inscrit dans la continuité des mesures de relance post‑Covid, notamment l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures durant cette même période. Ce décret permet de préserver juridiquement les droits à construire pour de nombreux porteurs de projets impactés par la conjoncture, en évitant des renouvellements complexes ou des caducités de permis en cours de validité.
– Quelques définitions :
Décret : Le décret est un acte réglementaire ou individuel relevant des pouvoirs réservés à l’exécutif par la Constitution (président de la République ou Premier ministre, art. 37 de la Constitution). On distingue deux types de décrets, ceux qui précisent l’application de normes législatives (décrets d’application) et ceux qui organisent des situations relevant du pouvoir réglementaire autonome (décrets autonomes). Ces deux types de décrets sont eux-mêmes hiérarchisés en trois catégories : les décrets en Conseil des ministres signés par le président de la République ; les décrets en Conseil d’État signés par le Premier ministre et les décrets simples, également signés par le Premier ministre. Le décret n° 2025-461 est un décret simple, pris par le Premier ministre, François Bayrou.
Autorisation d’urbanisme : Les autorisations d’urbanisme sont des actes administratifs individuels, nécessaires à la réalisation de projets impactant l’utilisation des sols. Elles permettent de vérifier la conformité des travaux au regard des règles d’urbanisme.
– Contexte : Le ralentissement marqué de l’économie et du secteur de la construction à compter de 2021, dans le contexte de la pandémie de Covid puis du conflit russo-ukrainien, a remis en cause de nombreux projets de construction de logements à travers la France. Un grand nombre d’autorisations d’urbanisme délivrées à compter de 2021 arriveront à leur terme prochainement, alors que les projets seraient susceptibles d’être menés à bien dès que les circonstances le permettront. La période retenue permettra notamment de mener à bien les projets de création de logement qui avaient permis à plus de 2 300 communes de bénéficier de l’Aide à la relance de la construction durable octroyée en 2021 et 2022.
| L’ARCD est une aide publique destinée aux communes, instaurée afin de soutenir la construction de logements innovants et économes en foncier, en cohérence avec l’objectif gouvernemental de « zéro artificialisation nette ». Elle a pour finalité : D’encourager la densification urbaine, en favorisant l’utilisation efficace du foncier urbanisé ou susceptible de l’être et d’accompagner financièrement les collectivités dans la création ou l’amélioration d’équipements publics (écoles, espaces verts, infrastructures…) favorisant la qualité de vie et l’accueil de nouveaux ménages. |
Régime juridique avant le décret n° 2025-461 du 26 mai 2025 :
- Délai de validité “classique” : Les autorisations d’urbanisme avaient une durée initiale de trois ans (art.R.424-17 Code de l’urbanisme). L’autorisation devenait caduque si les travaux n’avaient pas commencé dans les trois ans ou avaient été interrompus plus d’un an.
- Prorogation possible : Une prorogation pouvait être demandée deux fois maximum, pour un an à chaque fois, sur demande de son bénéficiaire, dès lors que les prescriptions d’urbanisme et les servitudes n’avaient pas évolué de façon défavorable à son égard (art.R.424-21 à R.424-23 Code de l’urbanisme). Elle devait être sollicitée au moins deux mois avant l’expiration de l’autorisation.
– Champ d’application : Le décret s’applique aux autorisations d’urbanisme valides au 27 mai 2025. Sont ainsi concernés : les décisions de non-opposition à une déclaration préalable de travaux, les permis de construire, les permis d’aménager et les permis de démolir. Si le décret s’applique à toutes les autorisations d’urbanisme, il convient de distinguer selon la date de délivrance de l’autorisation et selon le type d’autorisation.
I) Quel nouveau délai de validité pour les autorisations d’urbanisme délivrées entre le 28 mai 2022 et le 28 mai 2024 ?
S’agissant des autorisations délivrées entre le 28 mai 2022 et le 28 mai 2024, l’article 1 du décret porte leur délai de validité à cinq ans au lieu de trois ans comme le prévoient les articles R.424-17 et R.424-18 du Code de l’urbanisme.
Si, en application de l’article R.424-21 du Code de l’urbanisme, il est possible de proroger deux fois pour une durée d’un an le délai de validité, une telle faculté n’est plus possible.
Dans le cas où l’autorisation d’urbanisme qui a été délivrée vaut autorisation d’exploitation commerciale (AEC), sa durée est prolongée de deux ans.
| L’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) est un document administratif obligatoire pour ouvrir ou étendre un commerce de détail dont la surface de vente dépasse un certain seuil, généralement 1000m². Ce dispositif vise à réguler l’implantation des commerces, en tenant compte de l’équilibre économique du territoire et des besoins des consommateurs. Pourquoi une telle autorisation ? -Aménagement du territoire : L’AEC permet d’éviter une prolifération anarchique des commerces, en particulier dans les zones déjà saturées.-Protection des commerces de proximité : Elle vise à préserver les commerces de centre-ville et à éviter la concentration excessive de grandes surfaces en périphérie.-Impact environnemental : L’AEC peut être conditionnée à des mesures visant à limiter l’impact environnemental du projet, comme la réduction de la consommation énergétique ou la gestion des déchets. |
II) Quel nouveau délai de validité pour les autorisations d’urbanisme délivrées entre le 1er janvier 2021 et le 27 mai 2022 ?
S’agissant des autorisations délivrées entre le 1er janvier 2021 et le 27 mai 2022, l’article 2 du décret proroge leur délai de validité d’un an.
Enfin, s’agissant du permis de construire délivré valant autorisation d’exploitation commerciale (AEC), sa durée est prolongée d’un an.
III) Le décret peut-il également s’appliquer aux autorisations délivrées dans ces dates, mais qui ne sont plus en cours de validité ?
Ce décret a vocation à s’appliquer aux autorisations d’urbanisme en cours de validité au jour de la publication du décret, à savoir le 27 mai 2025.
Ce décret n’est pas étendu rétroactivement aux autorisations déjà échues, même si elles émanent de la période concernée.
| En droit de l’urbanisme, une autorisation déjà échue désigne une autorisation d’urbanisme dont la durée de validité est expirée. Concrètement, une autorisation est « échue » lorsque le délai de validité est dépassé, c’est-à-dire : trois ans après sa délivrance (art.R.424-17 du Code de l’urbanisme), le cas échéant, après la fin d’une prorogation (art.R.424-21 à R.424-23 du Code de l’urbanisme), aucun travaux n’ont été commencés ou les travaux ont été interrompus pendant plus d’un an (art.R.424-19 du Code de l’urbanisme). Une autorisation échue ne produit plus aucun effet juridique. Elle est caduque, le bénéficiaire ne peut plus commencer les travaux et pour relancer son projet, il doit déposer une nouvelle demande d’autorisation d’urbanisme. |
Ainsi, le décret n° 2025-461 modifie temporairement le régime juridique des autorisations d’urbanisme en vigueur pour certaines périodes, sans modifier le Code de l’urbanisme. Cette mesure vise à préserver les projets retardés sans engager une réforme structurelle. Mais cette mesure n’efface pas les autres conditions de validité (exécution des travaux, interruption d’un an…), elle n’ouvre pas de droit à nouvelle prorogation classique et elle n’est pas non plus rétroactive, ce qui limite grandement ses effets.
De Lima Lalie, Master 2 Métiers de l’Administration Publique-Territoriale
Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051661921
https://entreprendre.service-public.fr/actualites/A18359
https://maires51.fr/elementor-15466/
https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/aide-relance-construction-durable-2021
