L’impact de la loi PACTE sur les commissaires aux comptes

La loi PACTE (loi 2019-486 du 22 mai 2019, JO du 23), en son article 20, est venue modifier de manière substantielle les dispositions qui régissent la fonction de l’audit légal exercé par les commissaires aux comptes. Ainsi, le point qui a fait l’objet de nombreux débats est la modification des conditions relatives à l’obligation de nomination d’un commissaire aux comptes (I). Mais la loi PACTE a également d’autres impacts, que sont la création d’un audit allégé et l’assouplissement relatif au cumul des fonctions du commissaire aux comptes au sein d’une même société (II).

I – Les conditions de nomination d’un commissaire aux comptes

A. En présence d’une société seule

Les nouvelles conditions concernant l’obligation de nomination d’un commissaire aux comptes s’appliquent depuis le 27 mai 2019, cela suite à la publication du décret d’application définissant les nouveaux seuils de certification légale obligatoire (décret n°2019-514 du 24 mai 2019).

Ces nouvelles règles s’appliquent par conséquent à tout exercice ouvert à compter du 27 mai 2019. Par dérogation, ces règles s’appliquent pour l’exercice en cours, si l’assemblée générale n’a pas eu lieu avant le 27 mai 2019, et que le mandat du commissaire aux comptes arrive à expiration (l’exercice clôturé au 31 décembre 2018 est la dernière année du mandat du commissaire aux comptes). En revanche, pour les mandats en cours, les nouvelles règles prendront effet à l’expiration de ceux-ci. 

L’un des objectifs de la loi PACTE est la simplification. C’est en sens qu’elle met fin aux distinctions selon la forme de la société (SA, SCA, SNC, SCS, SARL, SAS). Les SA et SCA ne sont plus nécessairement obligées de nominer un commissaire aux comptes. Peu importe la forme de la société, ce sont désormais les mêmes seuils qui s’appliquent à chaque société. 

Est tenue de nominer un commissaire aux comptes toute société qui dépasse deux des trois seuils suivants (L. 225-218 du Code de commerce) :

  • Total bilan : ……………… 4 millions d’euros
  • Chiffre d’affaires : ……… 8 millions d’euros
  • Nombre de salariés : …………….. 50 salariés

Lorsqu’un commissaire aux comptes était déjà nommé dans la société, son non-renouvellement nécessite que deux des trois seuils ne soient pas atteints durant les deux derniers exercices (article L.225-218 alinéa 3 du CCom).

B.  En présence d’un groupe de sociétés

L’obligation pour les SAS de nommer un commissaire aux comptes dès lors qu’elle est contrôlée ou contrôle une ou plusieurs sociétés est supprimée. Il convient désormais de combiner cette notion de contrôle (au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce) avec la notion de seuils, et de distinguer deux situation selon qu’il s’agisse de la société tête de groupe ou d’une filiale : 

  1. Sur la société tête de groupe (L. 823-2-2 alinéa premier du Code de commerce)

Il y a une obligation de nommer un commissaire aux comptes dans la société tête de groupe si le cumul des bilans, chiffres d’affaires, et salariés de l’ensemble des sociétés du groupe dépasse deux des trois seuils précités (4 Millions de total bilan, 8 Millions de chiffre d’affaires, et 50 salariés). Il s’agit d’un cumul brut, il est donc impossible de retrancher du bilan de la société mère la valeur des titres de ses filiales, ni la partie du chiffre d’affaire correspondant aux prestations intragroupes. 

2. Sur les filiales significatives (L. 823-3-2 alinéa dernier du Code de commerce)

La notion de filiale significative fait son apparition dans le domaine de l’audit légal. Constitue une filiale significative celle qui dépasse deux des trois seuils définis à l’article D. 823-1-1 du Code de commerce :

  • Total bilan : ……………… 2 millions d’euros
  • Chiffre d’affaires : ……… 4 millions d’euros
  • Nombre de salariés : …………….. 25 salariés

En présence d’une situation intermédiaire qui ne dépasse pas les seuils relatifs aux filiales significatives, elle ne doit pas être considérée comme société tête de groupe, et donc il n’existe pas d’obligation de nommer un commissaire aux comptes même si les seuils groupe sont dépassés (L. 823-2-2 alinéa 2 du CCom).

L’article L. 823-3-2 du Code de commerce, prévoit que par dérogation à la durée de 6 ans du mandat des commissaires aux comptes, celui-ci peut être réduit à 3 ans lorsque le commissaire aux comptes est désigné par la société de manière volontaire ou en application des premier (société tête de groupe) ou dernier (filiale significative) alinéa de l’article L. 823-2-2 du Code de commerce.

II – Les modifications relatives aux missions du commissaire aux comptes

A. La création d’un audit allégé

La loi PACTE prévoit également un audit allégé pour les petites entreprises (L. 823-3-2 CCom). Celui-ci est désormais applicable avec l’arrêté du 6 juin 2019 homologuant la norme d’exercice professionnel (NEP) 911, celle-ci étant complétée par la NEP 912.

Toutefois il convient d’être vigilant, en matière d’audit légal, la définition de petite entreprise n’est pas identique à celle issue du décret du 29 mai 2019, qui pour rappel a relevé les seuils. Ici, les seuils de petite entreprise sont les mêmes que ceux mentionnés ci-dessus, à savoir 4 Millions d’euros de total bilan, 8 Millions d’euros de chiffre d’affaires, et 50 salariés.

L’audit légal des petites entreprises se retrouvent alors dans trois situations : 

  • Nomination volontaire par la société d’un commissaire aux comptes ;
  • La société est tête de groupe, elle ne franchit pas seule deux des trois seuils, mais l’ensemble cumulé des sociétés du groupe dépasse deux des seuils (cf. § I.B.1.) ;
  • La société est une filiale significative dépassant deux des trois seuils (cf. § I.B.2.).

Il existe une quatrième situation, provisoire, lorsque la société est une petite entreprise, et que celle-ci dispose déjà d’un commissaire aux comptes dont le mandat est en cours, elle peut convenir avec ce dernier que le mandat sera poursuivi jusqu’à son terme en appliquant les modalités de l’audit allégé.

La mission du commissaire aux comptes dans le cadre de l’audit allégé des petites entreprises est précisée par l’article L. 823-12-1 du Code de commerce et le paragraphe 6 de la NEP 911. Celle-ci comprend :

  • La certification des comptes annuels ;
  • L’établissement d’un rapport sur les risques financiers, comptables et de gestion auxquels est exposé la société. Ce rapport est adapté à la situation et l’activité de la société. Pour la société tête de groupe, le rapport porte sur l’ensemble de celui-ci. 
  • « Les autres diligences légales » auxquelles il convient de retirer une liste de diligences et rapports (énumération à l’article A. 823-27-1 du code de commerce), dans laquelle est dispensé le rapport spécial sur les conventions réglementées, le rapport sur le projet de réduction de capital d’une SARL, etc.)

Il s’agit par conséquent d’un audit proportionné à la taille et la complexité de la société, permettant d’obtenir de la certification des comptes une assurance raisonnable qu’il n’existe aucune anomalies significatives.

B.  L’assouplissement relatif au cumul des fonctions

La loi PACTE est également venue supprimer certaines restrictions déontologiques du commissaire aux comptes. Désormais, subsistent uniquement les restrictions européennes, les restrictions françaises qui s’ajoutaient à celles européennes ont été supprimées.

Désormais, le commissaire aux comptes pourra effectuer les mêmes activités commerciales accessoires que l’expert-comptable.

Il est nécessaire de distinguer l’audit des entités d’intérêt public, de l’audit des autres sociétés.

  1. Le nouvel audit des entités d’intérêt public

Le code de déontologie voit certaines restrictions supprimées, que sont :

  • L’élaboration d’une information ou d’une communication financière ;
  • La prestation de conseil en matière juridique, la rédaction des actes et la tenue du secrétariat juridique ;
  • Le cumul des missions de commissaire aux comptes et commissaire aux apports et à la fusion ;
  • La prise en charge, même partielle, d’une prestation d’externalisation ;
  • Le maniement ou le séquestre de fonds.

Seules perdurent les restrictions européennes prévues par l’article 5.1 du règlement UE 537/2014 du 16 avril 2014.

2. Le nouvel audit des autres sociétés

Là aussi les restrictions anciennement prévues par le Code de déontologie sont supprimées.

Désormais, le commissaire aux comptes, ne pourra pas accepter ou poursuivre une mission de certification si il existe de risque d’auto-révision ou que son indépendance est compromise, et que des mesures de sauvegarde appropriées ne peuvent être mises en œuvre.

Par conséquent, c’est au commissaire aux comptes lui-même qu’il revient d’apprécier s’il est en droit d’accepter ou non une mission de certification.

Il convient désormais de voir comment les commissaires aux comptes vont aborder cette ouverture. Est-ce une nouveauté, avec une copie de la réglementation européenne qui semblerait plus souple? Ou est-ce un retour en arrière, avec de nouveau le défaut de séparation entre l’audit et le conseil?

Sous toutes réserves,

Auteur : Alexis Tesson

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