La mise en valeur de la RSE et des enjeux climatiques dans la nouvelle version du code Afep-Medef.

Depuis plusieurs années, un acronyme a fait son entrée dans notre vocabulaire : la RSE. Ce dernier signifie « responsabilité sociale des entreprises ».  Selon la Commission européenne, la RSE se définit comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes ». Autrement dit, il s’agit de la prise en considération par les entreprises, dans leur activité, des questions environnementales et de développement durable.

La norme ISO 26000 définit le périmètre de la RSE autour de plusieurs critères : les droits de l’homme, les relations et conditions de travail, la loyauté des pratiques, les questions relatives aux consommateurs, les communautés et le développement local, l’environnement et la gouvernance de l’organisation.

Ce dernier critère, à savoir la gouvernance de l’organisation, est l’objet d’étude de deux codes : le code Afep-Medef et le code Middlenext. Si ces deux codes n’ont aucune portée contraignante pour les sociétés, ils occupent néanmoins une place centrale, à tel point qu’ils sont devenus des sources incontournables de la réglementation des sociétés cotées. Chaque mise à jour de ces codes est examinée avec précision par les différents acteurs et est souvent intégrée dans l’organisation des sociétés cotées.

Si depuis plusieurs mois les termes « RSE » et « sociétés cotées » sont présents au sein d’une même phrase, c’est grâce à la dernière révision du code Afep-Medef en date du 20 décembre 2022. En effet, lors de cette dernière mise à jour, les deux organisations patronales ont souhaité mettre l’accent sur la RSE et les enjeux climatiques en portant ces sujets au « plus haut niveau de l’entreprise » en assurant leur intégration dans les décisions des organes de gouvernance des entreprises.

Le code Afep-Medef, né de la consolidation de trois rapports (Viénot I, Viénot II et Bouton) avait déjà, lors de sa précédente mise à jour en janvier 2020, intégré des développements liés à la RSE et relatifs à la mixité femmes/hommes au sein des instances dirigeantes. Avec la dernière révision de 2022, dont les recommandations seront applicables aux assemblées générales statuant sur les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023, le code Afep-Medef se place à nouveau sous le signe de la RSE, sujet devenu incontournable dans notre société.

La révision du code Afep-Medef porte sur trois objectifs :

  • la place centrale du Conseil d’administration sur les questions relatives à la RSE ;
  • la mise en place d’un comité spécialisé des questions environnementales au sein Conseil d’administration ;
  • l’intégration des critères RSE dans la rémunération des dirigeants.

I – Les objectifs principaux de la révision 

Objectif n°1 – Placer la stratégie RSE au cœur des missions du Conseil d’administration 

La première volonté du code Afep-Medef est de placer la stratégie RSE au cœur des missions du Conseil d’administration (CA).

Pour se faire, le code a été révisé de façon à s’aligner avec l’esprit de la loi Pacte de 2019. Cette dernière a réécrit l’article 1833 du code civil afin d’insister sur le fait que la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux entre dans l’intérêt social de l’entreprise. La loi Pacte a également chargé le CA des sociétés anonymes de déterminer les orientations de l’activité de la société et veiller à leur mise en œuvre, conformément à son intérêt social. Il doit donc le faire en considérant les enjeux sociaux et environnementaux.

C’est pourquoi, le code Afep-Medef, dans sa nouvelle version, a renforcé les missions du CA des sociétés cotées. Le code souhaite réellement que le CA soit le garant de la stratégie RSE de l’entreprise.

Toujours afin de poursuivre cet objectif, le code Afep-Medef a ajouté une nouvelle section 5 intitulée: “Le conseil d’administration et la responsabilité sociale et environnementale” dans laquelle il recommande que ce soitle Conseil d’administration qui détermine les orientations stratégiques pluriannuelles à prendre dans le domaine de la RSE. 

Dans sa version révisée, le code évoque également la stratégie climatique. En effet, dans son paragraphe 3 de sa nouvelle section 5, le code prévoit que cette stratégie doit être assortie « d’objectifs précis, définis pour différents horizons de temps ». Il convient donc pour les sociétés cotées d’établir des objectifs en matière climatique leur permettant de réduire leur impact négatif sur l’environnement et ainsi de devenir des sociétés plus « vertes ». Ces objectifs doivent être précis et réalisables à terme.

Le code recommande ainsi que le Conseil d’administration examine chaque année les résultats obtenus en matière climatique. Le Conseil d’administration doit également être doté de la capacité de modifier le plan d’action de la société et les objectifs au vu de l’évolution de la stratégie. Ce pouvoir reconnu au Conseil permet donc à la société d’avoir des objectifs climatiques qui seront toujours en adéquation avec ses capacités.

Cette recommandation du code Afep-Medef s’inscrit dans une logique compatible avec l’accord de Paris en date de 2015 dont l’objectif, pour l’Union européenne et de tous ses Etats membres, est de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55% d’ici 2030 et de devenir la première économie et société neutre pour le climat d’ici 2050 (i.e atteindre la neutralité carbone).

Le code révisé préconise que « la stratégie climatique ainsi que ses principales actions engagées soient présentées à l’assemblée générale ordinaire de la société au moins tous les trois ans ou en cas de modification significative de la stratégie ».

Objectif n°2 – Le comité spécialisé du Conseil d’administration 

Dans un titre numéro 16 intitulé « les comités du conseil : principes généraux », les rédacteurs du code Afep-Medef recommandent que « les sujets relatifs à la responsabilité sociale et environnementale fassent l’objet d’un travail préparatoire réalisé par un comité spécialisé du conseil d’administration ».

Afin que cette recommandation soit effective et efficace, les administrateurs pourront bénéficier, à leur demande, d’une formation sur les enjeux environnementaux et climatiques. Le code révisé précise « en particulier sur les enjeux climatiques ».

A titre comparatif, ces recommandations figurent déjà dans le code Middlenext depuis septembre 2021. Ce dernier précise en effet : « alors que la prise en compte du dérèglement climatique provoque un bouleversement du cadre réglementaire européen et français induisant un contexte mouvant, heurté, exigeant, la formation des membres des Conseils présente désormais une dimension éthique, celle de leur nécessaire montée en compétences afin d’assurer leurs obligations fiduciaires ». La formation des administrateurs en matière RSE est donc devenue nécessaire afin que les enjeux climatiques et environnementaux soient étudiés et intégrés dans les plus hauts organes des sociétés cotées car ce sont ces derniers qui fixent la politique environnementale de la société. 

La recommandation du code Afep-Medef relative à la formation des administrateurs en matière climatique doit être perçue comme une mise en application de la nouvelle directive 2022/2464 dite « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui s’appliquera progressivement à compter du 1er janvier 2024. Avec cette nouvelle directive, les entreprises seront tenues de publier des informations détaillées sur les questions de durabilité. En vertu de la directive CSRD, c’est le conseil d’administration qui devra établir le rapport de durabilité, lequel devra présenter « une description du rôle des organes d’administration, de direction et de surveillance concernant les questions de durabilité ainsi qu’une description de leur expertise et de leurs compétences s’agissant d’exercer ce rôle ou des possibilités qui leur sont offertes d’acquérir cette expertise ou ces compétences ». On comprend alors pourquoi la formation des administrateurs sur les questions climatiques est d’une importance capitale et que celle-ci soit encouragée par le code Afep-Medef.

Les recommandations du code Afep-Medef relatives à la mise en place d’un comité RSE rejoignent celles de l’Autorité des marchés financiers qui, dans son dernier rapport sur le gouvernement d’entreprise a relevé que 82% des sociétés qui avaient été étudiées avaient mis en place un comité en charge de la RSE et dans 51% des cas, ce comité était dédié uniquement aux questions RSE. Dans les autres cas, il s’agissait d’un comité combiné.  

Objectif n°3 – L’intégration des critères RSE dans les rémunérations des dirigeants 

Tout dirigeant étant amené à s’interroger sur les enjeux sociaux et environnementaux lors des décisions de gestion, l’intégration des critères RSE dans la rémunération des dirigeants est : “ »un levier puissant pour porter ces préoccupations, et notamment les enjeux climatiques, au premier plan », selon le code. En effet, ce mécanisme va permettre de faire en sorte que les enjeux sociaux et environnementaux soient pris au plus haut niveau de décision en raison de leur importance, ce qui va faciliter la prise en considération de ces enjeux.  

Cependant, il paraît important de comparer l’ancienne et la nouvelle version du code Afep-Medef quant à ce mécanisme. L’ancienne version du code se basait sur la RSE. Il était prévu que la rémunération des dirigeants devait intégrer un ou plusieurs critères liés à la RSE. La nouvelle version quant à elle, s’appuie sur les objectifs climatiques de l’entreprise. Le champ de la RSE étant plus large que celui des objectifs climatiques (qui lui est plus spécifique et restreint), il est possible d’affirmer qu’il y a eu un durcissement des conditions quant à l’intégration des critères RSE dans la rémunération des dirigeants. 

Il est préférable que ces critères soient quantifiables afin d’objectiver la rémunération des dirigeants. En effet, le guide d’application du code précise: “qu’une simple référence à l’application de la politique RSE, le renvoi à un programme interne RSE ou à des enjeux généraux non définis ne sont pas suffisants » (HCE, Guide d’application du code Afep-Medef de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, juin 2022, p. 17).

II – Les critiques 

Quelques critiques peuvent être émises quant à la révision du code Afep-Medef. 

D’une part, le code ne se prononce pas sur l’instauration d’un dialogue entre les actionnaires et le CA. En effet, il n’est pas prévu de “say on climate”. Il s’agit de la consultation des actionnaires sur la politique climatique prise par le CA. Cependant cette consultation est risquée et peut s’avérer contra legem. En effet, dans l’hypothèse où le CA demande l’avis de ses actionnaires sur sa politique climatique et que ceux-ci s’y opposent, alors le CA devra se soumettre à redéfinir sa politique. Or, cela reviendrait à remettre en cause la compétence exclusive qu’a le CA pour définir la politique climatique qui est accordée par l’article L 225-35 du code de commerce. La seule solution pour faire face à cette problématique serait a priori de réviser le code de commerce. 

Cependant, le Haut Comité Juridique de la place de Paris (HCJP) semble avoir trouvé une solution plus abordable puisqu’il préconise de recourir à un vote consultatif. Cela permettrait in fine aux actionnaires de contester plus efficacement les refus d’inscription à l’ordre du jour des résolutions reçues par le CA.  

D’autre part, le code ne précise pas non plus le rôle du CA par rapport à la directive CSRD et les informations extra-financières qu’elle fournit.  

Pour aller plus loin :

https://afep.com/wp-content/uploads/2022/12/Code-AFEP-MEDEF-version-de-decembre-2022.pdf (lien du code Afep-Medef révisé)

https://www.middlenext.com/IMG/pdf/c17_-_cahier_14_middlenext_code_de_gouvernance_2021-2.pdf  (lien du code Middlenext 2021)

https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/private/2023-02/Rapport%20AMF%202022%20sur%20le%20gouvernement%20d%27entreprise%20et%20la%20r%C3%A9mun%C3%A9ration%20des%20dirigeants.pdf   (lien du rapport de l’AMF sur la gouvernance

Camille BRUNET et Aurore BODIN

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