RAPPORT SUR L’ENQUÊTE DES IMPÔTS DES ULTRA-RICHES : QUE SE PASSE-T-IL ET QUELLES SONT LES SOLUTIONS ?

Aujourd’hui, les 1% les plus riches de la planète possèdent près de la moitié des richesses mondiales, mais ne seraient imposés qu’à un faible taux. Ce constat suscite de nombreux débats et justifie l’enquête visant l’imposition des “ultra-riches”.

Selon l’association “l’Observatoire des inégalités”, dans l’édition 2022 du Rapport sur les riches en France : 

  • 4,5 millions de personnes vivent au-dessus du seuil de richesse fixé à 3 673 €/mois par adulte après impôt ;
  • Les 10% des plus riches reçoivent 28% de l’ensemble des revenus français avant imposition ;
  • 1% de la population vit avec plus de 7 180 €/mois par adulte après imposition ;
  • Les 1% les plus fortunés disposent d’un patrimoine brut de 1 914 600 €. 

Il est possible de distinguer les divers seuils de richesse par mois et avant imposition selon les données de 2018 de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) :

  • 10% les plus riches : 3 283 €
  • 1% le plus riche : 7 180 € 
  • 0,1% le plus riche : 17 538 €
  • 0,01% le plus riche : 54 497 € 

I/ L’origine de l’enquête sur l’imposition des ultra-riches

Le litige réside dans le fait que diverses études ont démontré que les contribuables qualifiés de riches en raison de leurs revenus et de leurs patrimoines arrivaient à échapper massivement au paiement de l’impôt. 

Comme énoncé par le professeur d’économie, Gabriel Zucman, au Forum Économique Mondial de Davos qui s’est tenu en Suisse, le taux d’imposition en France des 370 ménages avec les revenus les plus élevés serait de l’ordre de 2%. 

Ce phénomène s’explique principalement par le fait que la majorité des plus fortunés perçoivent des revenus de leurs entreprises, qui sont indépendants de l’imposition sur les ménages. Par conséquent, ces grandes fortunes parviennent à faire usage de montages fiscaux dans un objectif d’optimisation fiscale. Par ailleurs, ces dernières années, il a été constaté que les pays tendent à délaisser progressivement l’impôt sur la fortune et sur le capital. 

II/ La suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF)

En 2017, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été supprimé afin de laisser place à la création d’un nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI). Depuis 2018, l’IFI est exigible pour les foyers fiscaux dont la valeur nette du patrimoine immobilier, non affecté à l’activité professionnelle, excède 1 300 000 €.

La différence entre l’ISF et l’IFI repose principalement sur l’assiette fiscale. En effet, l’ISF portait sur l’ensemble des actifs du foyer fiscal qu’ils soient mobiliers ou immobiliers, alors que l’IFI se limite au seul patrimoine immobilier non professionnel des contribuables. Sont donc exclus du champ d’application de l’IFI, la totalité des actifs mobiliers tels que l’épargne non réglementée (comptes courants, livrets bancaires…), les placements financiers (plan d’épargne en actions, comptes-titres…) ou encore les bateaux de plaisance et les œuvres d’art. 

Par conséquent, depuis que l’actuel Président de la République, monsieur Emmanuel Macron et le gouvernement ont supprimé l’ISF pour le remplacer par l’IFI, les ultra-riches semblent tirer profit de cette imposition plus avantageuse, mise en place en 2018. C’est ce constat qui est à l’origine de la majeure partie des débats car la part la plus importante du patrimoine des ultra-riches reste financier (titres, actions…). Corrélativement, le seul impôt qu’ils supportent est l’Impôt sur les Sociétés (IS) au titre des sociétés dont ils sont actionnaires. D’après “l’Observatoire des inégalités”, le passage de l’ISF à l’IFI n’aurait bénéficié qu’aux « très très riches ». 

III/ Les solutions envisagées 

Le député européen Pascal Canfin lance un appel à une négociation internationale afin de créer un impôt mondial sur les grandes fortunes. Il dénonce le fait que les plus fortunés évitent l’impôt dans tous les pays du monde, mais qu’aucun n’ose davantage les taxer par crainte de l’exil fiscal. La solution que ce député apporte serait de remettre en place l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) ou un impôt sur le revenu minimum, et ce, dans tous les pays. 

D’un autre côté, dans le cadre d’une tribune, 130 eurodéputés et économistes ont appelé l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) et l’Organisation des Nations Unies (ONU) à instaurer un impôt international progressif sur les ultra-riches. Le but serait de réduire les inégalités et de participer au financement de la transition écologique et sociale. Leur demande consiste à taxer au taux de 1,5% les patrimoines de 50 millions d’euros, et de décider « collectivement et démocratiquement » le niveau exact de l’impôt. 

De plus, lors du Forum Économique Mondial à Davos de janvier 2023 en Suisse, 200 millionnaires ont expressément demandé à être taxés davantage. A la suite de la pandémie du Covid-19, les dix personnes les plus riches du monde ont doublé leur patrimoine, alors que les revenus de 99% de la population ont baissé. L’objectif de cette demande serait alors d’investir pour le bien commun et d’assurer l’avenir des populations défavorisées. En réponse à ce débat, l’Oxfam (mouvement mondial de personnes qui luttent contre les inégalités pour mettre fin à la pauvreté et aux injustices) propose un impôt exceptionnel sur la fortune, une taxe sur les dividendes et une hausse de l’imposition sur les revenus du travail et du capital des 1% pour les plus riches. Cette idée a déjà fait ses preuves aux Etats-Unis notamment, en revanche, l’Etat français semble avoir du mal à se positionner et instaurer ce dispositif de taxation.  

Enfin, l’OCDE a élaboré un projet de taxation des bénéfices des grandes entreprises au taux minimum de 15%. Le 15 décembre 2022, les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne ont approuvé la mise en place de cet impôt mondial sur les multinationales qui devrait entrer en vigueur au 31 décembre 2023.

L’économiste Antoine BOZIO, directeur de l’Institut des Politiques Publiques (IPP, École d’Économie de Paris) va prochainement publier une étude inédite sur les revenus et les impôts payés par les ultra-riches en France, attendue en mai 2023. Pendant deux ans, quatre économistes ont travaillé en étroite collaboration avec la Direction des finances publiques (DGFiP) afin d’obtenir une vision globale des revenus et du patrimoine des grandes fortunes françaises.

La publication de cette étude risque de susciter une grosse polémique, notamment en période de réforme des retraites où les opposants politiques et syndicaux réclament une contribution des plus fortunés, alors que le Gouvernement s’y est opposé. 

Pour aller plus loin : 

Camille CIROU

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