La réforme des retraites et le volet pénibilité

C’est dans un contexte de climat social tendu que la réforme des retraites a été adoptée dans le cadre de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 promulguée et publiée le 15 avril au Journal officiel.

Cette loi a été validée dans l’essentiel de ses mesures par le Conseil constitutionnel. Certains cavaliers sociaux ont fait l’objet d’une censure

La philosophie de cette réforme est, selon le gouvernement, d’atteindre un « équilibre » budgétaire du système des retraites, c’est à dire entre les cotisations perçues et les pensions versées. Selon un rapport du Conseil d’orientation des retraites, la balance des retraites est excédentaire en 2021 et 2022. Toutefois, la situation devrait se dégrader dans les 25 prochaines années. 

Un des éléments clés de cette réforme vise à améliorer la prise en compte de la pénibilité. Cela passe notamment par l’élargissement des droits de pénibilité du travail à un plus grand nombre de salariés. 

Présentation générale de la réforme des retraites.

Qui est visé par cette réforme ? 

Avant cette réforme, le régime général de retraite ne concernait pas tous les travailleurs puisque certains régimes spéciaux existaient. Cela concernait notamment les salariés de la RATP, de la branche industries électriques et gazières, de la Banque de France, les clercs de notaires et les membres élus du CSE (salarié ayant un mandat au comité social et économique).

Depuis cette réforme, les recrutés à compter du 1er septembre 2023 de ces cinq régimes spéciaux seront obligatoirement affiliés à l’Assurance vieillesse du régime général et donc soumis au nouvel âge légal de départ à la retraite.

Seuls quelques régimes spéciaux sont maintenus (les salariés marins, de l’Opéra de Paris et, enfin, de la Comédie Française notamment).

Le report de l’âge légal de départ à la retraite. 

Avant cette réforme, l’âge légal minimum de départ afin de bénéficier d’une retrait à taux plein était 62 ans.

A présent, l’âge légal à partir duquel il est possible de partir à la retraite augmentera à raison de trois mois par année de naissance. Il atteindra l’âge de 64 ans en 2030.

Les travailleurs qui atteignent l’âge de 67 ans pourront partir à la retraite même s’ils n’ont pas cotisé complètement. Ils bénéficieront de leur pension à taux plein, c’est-à-dire sans décote. 

Tableau récapitulatif de l’âge légal de départ à la retraite et du nombre de trimestres requis pour un taux plein hors dispositifs dérogatoires.

Les bénéficiaires de la retraite anticipée. 

Certaines situations permettent aux travailleurs de pouvoir prendre leur retraite avant l’âge légal mentionné dans le tableau ci-dessus :

  • Les assurés ayant eu une longue carrière pourraient prendre leur retraite entre 58 et 62 ans. 
  • Les assurés handicapés auront une retraite anticipée à 55 ans simplifiée. 
  • Les victimes d’AT/MP pourraient partir à la retraite 4 ans avant l’âge légal (soit à partir de 60 ans pour un âge légal fixé à 64 ans) lorsqu’ils sont touchés par une incapacité permanente
  • Les assurés invalides ou inaptes pourraient liquider leur pension de retraite à 62 ans.
  • Les assurés ayant cumulés des points pour pénibilité pourront partir entre 62 et 64 ans à la retraite.
  • Les victimes de l’amiante pourraient partir à 50 ans à la retraite.

Les progrès afin de garantir une retraite décente.

Le projet de retraite prévoit un minimum de pension qui augmentera de 100 € par mois pour une carrière complète. 

En guise d’exemple, un salarié au SMIC toute sa carrière aura une pension de 85 % du SMIC, soit 1200 euros net.

Les périodes de congé parental seront prises en compte pour le dispositif de carrière longue ainsi que dans le calcul du minimum de pension de ceux qui ont travaillé plus de 30 ans.

Les aidants familiaux, qui sont contraints de réduire leur activité pour s’occuper d’un proche parent ou d’un enfant bénéficieront de validations de trimestres. 

Focus sur la pénibilité

La pénibilité se réfère à la reconnaissance du fait que certains métiers ou activités sont plus physiquement ou mentalement exigeants que d’autres, ce qui peut affecter la santé et le bien-être des travailleurs et entraîner des risques professionnels. Dans le cadre d’accords, les branches professionnelles peuvent établir des listes de métiers ou d’activités particulièrement exposés aux facteurs de risques professionnels. Les employeurs auront donc un rôle important à jouer dans l’évaluation de l’exposition de leurs travailleurs aux facteurs de risques professionnels.

La prise en compte de la pénibilité au travail pour la retraite est relativement récente dans l’histoire de la sécurité sociale et des systèmes de retraite. En France, cette notion a été introduite dans la loi en 2010 à travers la création d’un dispositif de « retraite anticipée pour pénibilité ». Ce dispositif permettait aux travailleurs ayant été exposés à des facteurs de pénibilité de partir à la retraite avant l’âge légal, sous certaines conditions.

Suite à l’ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017, dite « ordonnance Macron » 4 critères sur 10 ont été supprimés : la manutention manuelle de charges, les postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux. 

Dans cette réforme du 15 avril 2023, afin de conjurer la pénibilité au travail, certains outils d’amélioration ont été prévus. Cela passe notamment par la création d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle et par l’amélioration du système de compte professionnel de prévention. 

Grâce à cette réforme, des points de retraite supplémentaires sont accordés aux travailleurs qui ont été exposés à des facteurs de risques professionnels pendant leur carrière. Le nombre de points accordé dépendra du niveau d’exposition aux facteurs de risque, de leur intensité et de leur durée. Ces points se cumuleront sur un compte professionnel de prévention de la pénibilité (C2P). Le gouvernement prévoit de supprimer le plafond de points cumulables sur le compte.

En guise d’information : 10 points acquis équivalent à 1 trimestre. Un assuré ne peut pas utiliser plus de 80 points de son C2P pour la retraite. Il est donc impossible de liquider ses droits à la retraite avant 62 ans sur ce critère de pénibilité. 

Les critères de pénibilité. 

La pénibilité est déterminée selon certains critères :

  • Le travail en nuitée 
  • Le travail en équipes successives 
  • Le travail répétitif 
  • Le travail dans un environnement hyperbare (lorsque la pression est plus élevée que la pression atmosphérique) 
  • Le travail avec des nuisances sonores 
  • Les travail avec des températures extrêmes.

En ce qui concerne les modes de calcul du C2P, le gouvernement souhaite les assouplir. A titre d’exemple, il a notamment pour objet de diminuer le seuil pour être considéré comme travailleur de nuit de 120 à 100 nuits par an. Celui du travail en équipes successives passerait également de 50 à 30 nuits par an.

Le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle

A défaut de rétablir les 4 critères supprimés en 2017, le gouvernement souhaite prévenir l’usure professionnelle pour assurer le maintien dans l’emploi et éviter l’exposition aux risques professionnels. 

Trois nouveaux risques sont pris en compte dans le fonds d’investissement : le port de charges lourdes, les postures pénibles ou les vibrations mécaniques (ayant été supprimés des critères de pénibilité en 2017).

Grâce à un budget d’1 milliard d’euro, les salariés exerçant des métiers exposés à ces risques ergonomiques bénéficieront d’un suivi médical renforcé. A partir de la mi-carrière afin de mieux repérer et prévenir l’inaptitude. Ils pourront, sur avis médical, bénéficier d’un aménagement de poste, de temps de travail, d’un accès renforcé à une reconversion, voire d’un départ anticipé à partir de 62 ans.  

Ce budget a également pour but de participer au financement par les employeurs :

  • d’actions de sensibilisation et de prévention ;
  • d’actions de formation éligibles au CPF ;
  • et d’actions de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle à destination des salariés particulièrement exposés aux risques professionnels.

La favorisation des congés de reconversion 

 Le compte professionnel de prévention (C2P) est conçu pour permettre aux personnes exposées à des risques professionnels de financer une formation, de passer à temps partiel ou de bénéficier d’un départ à la retraite anticipé. Le gouvernement a comme objectif de déplafonner le nombre de points cumulés sur le compte professionnel. Ainsi, les assurés pourraient grâce à la pénibilité de leur travail cumuler des points leur permettant de pouvoir se former et se tourner vers une reconversion professionnelle.

En guise d’information : 1 point acquis correspondrait à 500 euros de formation (contre 375 avant la réforme) 

60 points acquis permettraient de financer une formation longue et qualifiante de 30 000 euros

A retenir sur la réforme des retraites 2023 :

  • Un report de l’âge légal de départ à 64 ans à partir de 2030
  • Une accélération de l’allongement de durée de cotisation (43 ans maximum à compter de 2027) 
  • Une pension minimale pour carrière complète d’un montant égal à 85 % du SMIC 
  • Une amélioration du dispositif carrière longue 
  • Une meilleure prise en compte de la pénibilité 
  • La fermeture de nombreux régimes spéciaux pour les nouveaux entrants 

Pour consulter la loi : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047445077 

Fanny Belleguic

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