LOI DU 24 JANVIER 2022 RELATIVE A LA RESPONSABILITE PENALE ET A LA SECURITE INTERIEURE

En réponse à l’affaire Sarah Halimi, la loi limite l’irresponsabilité pénale des individus en cas de trouble mental résultant de la consommation de produits psychoactifs. Elle contient également plusieurs mesures en matière de sécurité (nouveau délit de violences volontaires contre les policiers, surveillance par drones et caméras embarquées …).

Cette loi s’articule autour de deux volets : la responsabilité pénale et la sécurité intérieure.

  1. L’irresponsabilité pénale limitée en cas de prise de produits psychoactifs

Jusqu’à présent le code pénal prévoyait que n’était pas pénalement responsable « la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes » sans distinguer l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition du discernement.

Le texte exclut l’irresponsabilité pénale lorsque l’abolition temporaire du discernement provient de la consommation volontaire et dans un temps très proche de l’action, de substances psychoactives menant la réalisation d’un crime ou un délit.

Les députés ont également exclu l’atténuation de responsabilité pénale prévue en cas d’altération du discernement, lorsque cette altération provient de la prise volontaire de produits psychoactifs. L’altération du discernement résultant d’un trouble mental conduit normalement à une diminution de la peine de prison.

Dans les cas particuliers où il existe une divergence au sein des experts entre l’abolition et l’altération du discernement, le tribunal correctionnel ou la cour d’assises devra statuer, à l’issue d’une audience à huis clos, sur la seule question de l’irresponsabilité. Si la personne n’est pas déclarée pénalement irresponsable, le dossier sera examiné lors d’une audience ultérieure. Cette mesure, voulue par les sénateurs en réponse à l’émotion suscitée par l’absence de procès dans l’affaire du meurtre de Sarah Halimi, garantira qu’un procès ait lieu, pour les victimes et leurs proches.

Dans l’affaire Sarah Halimi, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait conclu à l’irresponsabilité pénale du meurtrier atteint d’un trouble mental, alors que ce trouble avait été provoqué par une « bouffée délirante aiguë » à la suite de la consommation habituelle de cannabis.

En conséquence, le texte crée deux délits d’intoxication volontaire. Ces infractions punissent la personne qui s’est intoxiquée délibérément avec des produits psychoactifs avant de perdre tout discernement et de commettre un meurtre ou des violences. À l’initiative des députés, ces nouvelles infractions sanctionneront aussi les actes de barbarie, les faits de torture et les viols.

Dans une telle situation, la personne pourra être poursuivie et sanctionnée. Selon le dommage causé, les peines varieront de 2 ans à 10 ans de prison, voire jusqu’à 15 ans de prison en cas de récidive dans les mêmes circonstances.

  1. Les mesures sur la sécurité

Les violences volontaires contre les policiers et une nouvelle réserve opérationnelle.

L’article 10 de la loi créé un délit spécifique de violences volontaires contre les agents chargés de la sécurité intérieure ainsi que leurs familles (policiers nationaux et municipaux, les gendarmes, les surveillants de prison, les militaires de l’opération Sentinelle).

Les peines encourues pour ce délit seront dans les cas les plus graves de 10 ans de prison. Les réductions de peine sont exclues.

L’usage des caméras et des drones par les forces de l’ordre

Plusieurs articles réécrivent certaines dispositions de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés :

  • L’usage de la vidéo dans les locaux de garde à vue et de retenue douanière : la vidéo ne pourra être utilisée que s’il y a un risque d’évasion ou de danger ; interdiction de dispositif biométrique ou de captation du son… ;
  • L’usage des caméras embarquées dans les voitures des policiers et gendarmes, et sur amendement, des douaniers est encadré par l’article 17 de la loi. De plus, dans le cadre de leur mission, les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires peuvent enregistrer leurs interventions dans leur véhicules d’intervention et autres moyens de transports 
  • L’usage de drones par les policiers et les gendarmes et les militaires de l’opération Sentinelle. Leur usage est prévu par l’article 15 de la loi pour des « finalités de police administrative »  en cas de risque de « troubles graves à l’ordre public »
    Par un amendement, le gouvernement a élargi l’usage des drones à « des finalités judiciaires » pour les nécessités d’une enquête ou d’une instruction portant sur les crimes et certains délits, sur une personne disparue ou en fuite… Un amendement a aussi permis l’emploi des drones par les douaniers dans leurs missions de prévention des trafics transfrontaliers.
  • Les images résultant des caméras individuelles ne pourront plus être conservées qu’un mois (contre six mois) au regard du titre III consacré aux dispositions relatives à la captation d’images

Dans une décision du 20 janvier 2022, le Conseil constitutionnel a émis deux réserves d’interprétation sur l’usage des caméras embarquées par les forces de l’ordre.

Sur l’usage des drones pour des opérations de police administrative, le juge constitutionnel a censuré la disposition qui autorisait les forces de l’ordre en cas d’urgence à recourir pendant quatre heures aux drones sans autorisation préalable du préfet. Il a, de plus, émis plusieurs réserves d’interprétation sur ce cadre : en particulier, le préfet, avant de donner son autorisation, devra s’assurer que le service ne peut employer d’autres moyens moins intrusifs que les drones. La disposition qui autorisait à titre expérimental, pendant cinq ans, la police municipale à recourir aux drones (pour la sécurisation des manifestations sportives ou culturelles…) a aussi été censurée.

Les autres mesures

  • Les peines et les mesures conservatoires applicables au délit de refus d’obtempérer à une sommation de s’arrêter sont doublées. Le refus d’obtempérer est désormais sanctionné des mêmes peines que les délits routiers les plus graves à savoir deux ans de prison et 15.000 euros d’amende. Cette peine peut-être portée à sept ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende en présence de circonstances exposant directement les forces de l’ordre à un risque de mort ou de blessure graves. En ce qui concerne les mesures administratives, la rétention immédiate par les officiers et agents de police judiciaire, à titre conservatoire, du permis de conduire est désormais prévue par le code de la route. 
  • La lutte contre la pratique des rodéos motorisés et le contrôle des armes sont renforcés. En outre, le code de la route (article L.236-1) prévoit la destruction du véhicule mis en fourrière après sept jours au lieu de quinze. 
  • Des dispositions améliorant et simplifiant la procédure pénale complètent le texte. Les prévenus présentés devant une juridiction pénale incompétente, du fait d’une erreur sur leur majorité ou leur minorité, pourront être gardés à la disposition de la justice, le temps de les présenter devant la juridiction compétente.
  • Pour améliorer l’identification des personnes suspectées d’avoir commis des infractions, le relevé des empreintes digitales est facilité. Si une personne refuse de donner son identité au cours d’une enquête, ses empreintes digitales peuvent dorénavant être recueillies sans son consentement. Ce recueil forcé ne peut se faire que dans certains cas limités et après accord du Parquet.
  • L’article 31 de la loi du 24 janvier 2022 ajoute à l’article L.130-4 du code de la route une nouvelle catégorie d’agents verbalisateurs pour les contraventions en matière de sécurité routière. Désormais, les grades particuliers assermentées seront compétents pour dresser un procès-verbal sur la propriété qu’ils sont chargés de surveiller. Il s’agit par exemple de gardes-chasse, gardes-pêche ou gardes forestiers. 

Pour aller plus loin :

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045067923%23:~:text=%252DEst%2520puni%2520de%2520dix%2520ans,%C3%A0%2520mettre%2520d%C3%A9lib%C3%A9r%C3%A9ment%2520autrui%2520en

Lucile Godard

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