Célébrons le trentième anniversaire du marché unique européen

Le marché unique est peut-être le plus grand succès de l’Europe”, Carl-Henric SVANBERG (président d’AB Volvo et de l’European Roundtabl)

Traité de Rome (1957), prémice du marché commun européen

C’est en 1957, avec le Traité de Rome qu’on voit la volonté des États d’instaurer une idée de marché commun. En créant la Communauté Économique Européenne (CEE), l’un des premiers enjeux est de permettre la libre circulation des biens au sein de cette communauté.

Néanmoins, la notion de marché commun est large et ne permet pas d’en définir sa réalité.

À l’origine, le marché commun européen avait pour objectif d’établir une union douanière européenne se traduisant par la suppression des droits de douanes et des restrictions quantitatives (quotas). Celle-ci a été achevée le 1er juillet 1968.

Arrêt Cassis de Dijon, 20 févr. 1979 : première consécration de la prohibition des restrictions à la libre circulation

Comme l’illustre le célèbre arrêt Cassis de Dijon du 20 février 1979, dans une volonté d’étendre la libre circulation des biens sur le territoire de la CEE, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a considéré que l’Allemagne était responsable d’entraves à la libre circulation des marchandises.

En espèce, l’Allemagne avait interdit l’importation de liqueur de cassis de Dijon à un importateur Allemand sous prétexte que le taux d’alcool était supérieur à la limite légale d’importation. Cette décision n’étant pas justifiée par l’intérêt général, l’Allemagne a entravé la libre circulation de ce produit dans la CEE, sans motifs valables.

On peut voir à travers cette décision de la CJCE une prohibition absolue des restrictions à la libre circulation, au détriment même de la législation des pays.

Arrêt Keck et Mithouard, 24 nov. 1993 : renversement de la prohibition absolue et véritable consécration du marché unique européen

Cependant, l’arrêt Keck et Mithouard va déroger à la décision initialement prise par la CJCE, en admettant que les mesures nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente ne sont pas considérées comme des mesures d’effet équivalent à une restriction quantitative (MEERQ), prohibées par le Traité de Rome.

Elle émet néanmoins une limite, en considérant qu’elles ne sont pas considérées comme telles, dès lors qu’elles s’appliquent à tous les opérateurs agissant sur le territoire national et qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation de produits nationaux et des produits en provenance d’autres États membres.

Ainsi, on voit l’introduction du terme de “discrimination” dans cette libre circulation afin de distinguer ce qui constitue une entrave réelle ou, une éviction volontaire de certains types de produits ou modalités de vente.

De par cet arrêt en 1993, le marché unique européen est fondé et représente un véritable levier économique prometteur en permettant le renforcement d’un sentiment d’identité commune par la la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux.

Le Traité de Lisbonne en 2007 : la reconnaissance de l’union douanière en tant que compétence exclusive de l’UE

Le Traité de Lisbonne est un traité européen signé en 2007 et entré en vigueur en décembre 2009. Il vise à réformer les institutions de l’Union européenne (UE) pour les rendre plus efficaces, démocratiques et transparentes. De plus, il réaffirme que l’Union douanière est une compétence exclusive de l’UE, renforçant ainsi son rôle.

L’union douanière de l’UE avec la mise en place d’un tarif douanier commun vis-à-vis des pays tiers, consacrée à l’article 56 du Code des douanes de l’Union, dispose que : « Les droits à l’importation ou à l’exportation dus sont fondés sur le tarif douanier commun ».

Que signifie “compétence exclusive de l’UE” sur la politique douanière commune ?

Selon, l’article 3 du TFUE (Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne), les États membres de l’UE ne peuvent pas négocier des accords commerciaux bilatéraux avec des pays tiers en ce qui concerne les questions douanières, sans l’autorisation de l’Union européenne. En d’autres termes, l’Union douanière de l’UE est gérée de manière centralisée par l’UE et non par les États membres individuellement.

Le marché unique confronté à l’émergence de certains enjeux : la mise en lumière du rôle essentiel de la douane en matière de gestion de crise

La Covid-19 : La pandémie du Covid-19 a fragilisé le fonctionnement du marché unique européen. Les mesures prises pour contenir la propagation du virus, telles que les restrictions de voyage et les mesures de confinement ont eu des répercussions significatives sur les échanges commerciaux entre les pays.

Cela a nécessité la mise en place de mesures douanières spéciales pour faciliter le commerce tout en garantissant la sécurité sanitaire. Parmis ces mesures nous pouvons compter l’ouverture des frontières pour la mise en circulation rapide des vaccins, ainsi que l’importation de masque facilitée pour les entreprises …

Le Brexit : Le Royaume-Uni a quitté le marché unique européen le 31 janvier 2020 et a bouleversé les relations commerciales avec son partenaire, l’UE.

En ce qui concerne la douane et le marché unique, le Brexit a entraîné la mise en place de contrôles douaniers aux frontières entre l’UE et le Royaume-Uni. Les entreprises

qui exportent ou importent des marchandises entre l’UE et le Royaume-Uni doivent maintenant remplir des formalités douanières, telles que des déclarations en douane et des inspections de marchandises. Ces contrôles ont entraîné des retards et des perturbations dans les échanges commerciaux.

Le rôle essentiel de la douane s’est matérialisé par son étroite collaboration avec les entreprises pour les aider à se conformer aux nouvelles exigences douanières et à minimiser les perturbations commerciales. Pour gérer cette nouvelle crise traversée par l’UE, les autorités douanières ont fourni des conseils et une assistance pour remplir les formalités douanières et ont travaillé à la mise en place de procédures simplifiées pour les entreprises qui ont des relations commerciales régulières entre le Royaume-Uni et l’UE.

Le conflit en Ukraine : Les sanctions économiques imposées à la Russie ont considérablement affecté les exportations européennes vers cette dernière, en particulier dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie manufacturière. De plus, l’UE étant dépendante des importations de gaz naturel en provenance de la Russie, cela a eu une grande incidence sur le marché unique européen.

Cette crise a mis en lumière le rôle essentiel des autorités douanières dans la gestion de crise. Les tensions politiques et militaires ayant produit des effets nuisibles sur les échanges commerciaux entre l’Ukraine et la Russie, ainsi qu’entre l’Ukraine et l’Union européenne, les autorités douanières ont mis en place des mesures temporaires pour faciliter les échanges commerciaux dans les zones touchées par la crise, telles que la suppression de certains droits de douane ou l’introduction de procédures douanières simplifiées.

Des enjeux ayants conduits à un projet de réforme visant à moderniser l’union douanière

L’émergence de ces enjeux a conduit à une prise de conscience de la Commission européenne s’agissant de l’importance de moderniser l’Union douanière.

En conséquence, elle a élaboré un projet ambitieux de réforme du Code des Douanes de l’Union, qui devrait être soumis aux États membres au courant de ce mois de mai 2023. Cette réforme vise à améliorer l’efficacité de l’Union douanière, à faciliter les échanges commerciaux et à renforcer la sécurité aux frontières de l’Union européenne afin de relever les défis émergents qui se posent.

Bilan controversé à l’occasion de ce trentième anniversaire du marché unique

Pour Jacques PELKMANS, chercheur et expert du CPES, le marché unique européen est un « grand succès ». Il le place au cœur de l’UE et comme essentiel pour les États :

« Je pense qu’après le Brexit, tous les pays ont retenu la leçon« , nous dit-il avant d’ajouter « même si certains pensent que l’indépendance vis-à-vis du marché unique européen était possible, les faits montrent que ce n’est pas le cas« .

Ces propos peuvent toutefois être nuancés, car on observe une montée d’un euroscepticisme dans certains États tels que l’Italie, la Suède ou encore la Hongrie, qui conduit à une favorisation du dumping social et un démantèlement du service public, un véritable fléau pour l’UE.

Pour aller plus loin sur le dumping social européen :

https://podcasts.apple.com/fr/podcast/dumping-social-24-heures-d%C3%A9cisives-pour-les-travailleurs/id1535451993?i=1000537830195

Pour aller plus loin sur le 30e anniversaire du marché unique européen :

https://www.linkedin.com/posts/direction-generale-des-douanes-et-droits-indirects_journee-de-leurope-activity-7061580573802147840-yVaS?utm_source=share&utm_medium=member_desktop

https://eur-lex.europa.eu/search.html?scope=EURLEX&text=cassis+de+dijon&lang=en&type=quick&qid=1684091318999

Morgane Mamecier et Samyntha Cornuejols

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