Au sein d’un groupe de sociétés, différentes solutions permettent de combler les besoins en trésorerie et d’optimiser la gestion des flux financiers, c’est notamment le cas de l’apport en compte courant d’associés, de la convention de trésorerie, et de la convention de prestations de service dont les effets diffèrent sur le plan fiscal. Dans cette présentation, les flux sont émis par la société fille au bénéfice de la société mère.
- L’apport en compte courant d’associés en cas de difficultés de trésorerie à court terme
L’apport en compte courant d’associé permet à la société fille de réaliser un prêt au bénéfice de la société mère. Lorsque l’associé est une société, elle ne peut pas renoncer à percevoir des intérêts en contrepartie. Le taux d’intérêt et les modalités de remboursement sont déterminés par les statuts ou par la convention de compte courant. Si rien n’est prévu concernant le remboursement alors la société peut y procéder à tout moment ou dans les 5 ans de la demande.
Différentes personnes peuvent réaliser des avances en compte courant notamment certains dirigeants ainsi que les sociétés commerciales dont les comptes sont certifiés par un Commissaire aux comptes. De plus, les personnes morales sont autorisées à avoir un compte courant débiteur.
Les sommes susceptibles d’alimenter ce compte sont :
- les rémunérations;
- les dividendes ou remboursement de frais non perçus;
- le dépôt volontaire de sommes d’argent.
La dépense doit correspondre à une gestion commerciale normale de la société et être exposée dans son intérêt direct. Ainsi, l’avance de trésorerie d’une filiale au bénéfice de sa mère doit être consentie dans l’intérêt propre de la filiale. L’appartenance au groupe ne suffit pas à justifier de l’existence d’un intérêt propre, il est préférable que la filiale entretiennent des relations commerciales avec la société mère (CE, 28 mars 2008, SA Clément).
La société bénéficiaire doit déposer annuellement une déclaration de contrat de prêt (cerfa n°10142) au plus tard à la date de dépôt de sa déclaration de résultat. En principe, les intérêts liés à l’opération sont déductibles du bénéfice imposable de l’entreprise dans la limite du taux de référence qui dépend de la date de clôture de l’exercice. La société bénéficiaire peut déduire les intérêts de ses bénéfices à condition que le capital social ait été entièrement libéré, et que les intérêts n’excèdent pas les taux prévus par l’administration fiscale (AF). A défaut, on procède à une réintégration (formulaire 2058 A). Il n’y a pas de compensation possible entre les intérêts des différents comptes courants dans le cas où ils sont excédentaires pour l’un des comptes.
Les intérêts perçus :
- Par la personne morale soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) sont imposables comme produits financiers. Sinon les intérêts sont imposés à l’impôt sur les revenus (IR) des associés.
- Pour l’associé personne physique les intérêts perçus sont des produits de placement soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou au barème progressif de l’IR.
Si les conditions ne sont pas respectées, l’opération est remise en cause par l’AF. La qualification d’acte anormal de gestion est écartée dans le cas où l’avance accordée par la filiale est indispensable à la survie de la société mère (CE, 22 janvier 2010, Sté d’acquisitions immobilières). Toutefois, les difficultés financières doivent exister au moment où l’avance a lieu et avoir une incidence sur la filiale.
En pratique, cette solution semble être mise en œuvre pour répondre à des besoins en trésorerie à court terme.
- La convention de trésorerie, une solution privilégiée en pratique
Une convention de trésorerie peut être mise en place entre les filiales et la société mère. Une telle convention permet une circulation de trésorerie entre les sociétés du groupe selon leurs besoins. Sur la forme, il faut un écrit faisant figurer les mentions obligatoires et qui soit signée par toutes les sociétés intervenant dans le périmètre de l’accord. Ici par exception il n’y a pas d’intermédiaire bancaire, contrairement à la mise en place d’un cash pooling. Pour que ces opérations aient lieu, les sociétés doivent avoir entre elles des liens de capital direct ou indirect qui donnent à l’une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres (Article L511-7-3 du CMF). Dans le cadre de cette convention il est possible que la société mère ou holding prenne le rôle de société pivot pour gérer les comptes des sociétés contrôlées. Elle réunit les fonds collectés au sein d’un seul compte courant aux fins de redistribution. Une contrepartie financière est exigée sous la forme d’intérêts dont le taux doit être conforme au taux du marché.
Dès lors qu’elle répond aux exigences, la convention est opposable à l’AF qui ne pourras pas invoquer de distributions irrégulières dans le cadre de ces avances intragroupe en cas de contrôle. L’avantage est que le transfert de fonds suit une fiscalité avantageuse. Cette convention sert de justificatif notamment auprès de l’AF et protège les dirigeants sur le plan de la responsabilité pénale. En outre, elle permet de se prémunir contre d’autres risques juridiques et fiscaux (écarter la notion de confusion de patrimoines…).
Cette solution permet d’éviter les litiges de facturation intragroupe.
- Un montage plus complexe, la convention de prestations de service
Grâce à la convention de prestations de service, une société du groupe va pouvoir confier à une autre l’exécution de services administratifs et d’assistance en contrepartie du versement d’un prix (calculé selon une méthode prédéfinie). Il est possible de prévoir une facturation à prix coûtant lorsque les sociétés sont membres d’une intégration fiscale. Dans les autres cas, il convient de déterminer les éléments pris en compte pour la base ainsi que la répartition du coût entre les bénéficiaires. La convention doit être rédigée dans des termes précis.
D’un point de vue fiscal, cette convention peut permettre à la holding d’augmenter son taux de récupération de TVA et de baisser son assujettissement à la taxe sur les salaires bien que cela ne doit pas constituer le but principal de l’opération.
En principe la société bénéficiaire peut déduire le prix de son résultat imposable si elle répond aux conditions :
- prestation effective;
- exposée dans l’intérêt de la société bénéficiaire;
- rémunération proportionnée au regard du service rendu;
- justificatifs établissant la réalité et l’importance des prestations.
La convention peut être annulée ou requalifiée par l’administration fiscale dans plusieurs hypothèses (atteinte à l’intérêt social, rémunération excessive, absence de contrepartie réelle). Dans ce cas, les conséquences peuvent être multiples (restitution des sommes perçues, réintégration des charges dans la base imposable de l’IS, intérêts de retard, majoration, impact en matière de TVA et de CVAE, responsabilité pénale du dirigeant d’où l’importance de distinguer les prestations de gestion et de direction).
Étant donné l’apparente complexité de ce mécanisme, et les lourdes conséquences fiscales en cas d’irrégularité, il apparaît évident qu’il soit utilisé pour des besoins à long terme. L’inconvénient étant que dans la durée, les sociétés bénéficiaires pourraient être placées dans une situation de dépendance financière vis-à-vis d’autres sociétés du groupe.
Satou Diebakhate