Affectation prioritaire d’un élève en situation de handicap par référé liberté

En bref :

Le référé liberté peut être utilisé pour obtenir une affectation scolaire nécessaire pour que l’enfant bénéficie d’une scolarisation adaptée lorsqu’une telle affectation n’a pas été proposée à l’élève et que ce dernier est, de fait, privé de scolarité. 

Le droit à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap, est un droit fondamental reconnu par le juge du référé-liberté au titre de l’égal accès à l’instruction (décision n° 344729, 15/12/2010).

L’École inclusive vise à assurer une scolarisation de qualité pour tous les élèves de la maternelle au lycée par la prise en compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs particuliers.

Le handicap est défini selon l’article L.114 du code de l’action sociale et des familles comme : “ toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant”

Dun point de vue historique : 

L’accès à l’instruction est une exigence constitutionnelle garantie à tout enfant. Dans le même sens, l’accès à l’instruction des enfants handicapés est un droit fondamental reconnu par la Convention relative aux droits des personnes handicapées adoptée par les Nations Unies en 2006 et ratifiée par la France en 2010.

En France, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, renforce les obligations de l’État pour garantir l’inclusion scolaire des enfants en situation de handicap. Cette loi prévoit notamment l’obligation de scolariser les enfants handicapés dans les établissements ordinaires dans la mesure du possible et de mettre en place les aménagements nécessaires pour assurer leur intégration.

L’article L. 111-1-1 du Code de l’éducation précise également que « toute personne handicapée a droit à une scolarisation qui lui permette de développer au mieux ses capacités de socialisation, d’apprentissage et d’insertion professionnelle, compte tenu de ses besoins et de ses potentialités ».

Dun point de vue pratique : 

Pour mettre en œuvre ces dispositions législatives, des dispositifs et des structures d’aide à l’inclusion scolaire des enfants en situation de handicap ont été mis en place, tels que les Unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) ou les Auxiliaires de vie scolaire (AVS). Des commissions chargées de l’évaluation des besoins de l’enfant et de la mise en place des aménagements nécessaires peuvent également être sollicitées, comme la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

Il est important de noter que l’accès à l’instruction des enfants handicapés est un droit fondamental qui doit être garanti par l’ensemble de la société. Les parents d’enfants handicapés peuvent donc saisir les autorités compétentes en cas de difficultés pour assurer l’inclusion scolaire de leur enfant.

Ce que dit la jurisprudence : 

A ce titre, le Conseil d’État a jugé que: “La privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’un handicap, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Elle est, par suite, de nature à justifier l’intervention du juge des référés” (CE, 15 décembre 2010, n° 344729)

Définition du référé liberté : 

Le référé liberté est une procédure en urgence qui permet à toute personne de saisir le juge administratif afin de faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Cette procédure peut être utilisée dans de nombreuses situations, y compris pour obtenir une affectation scolaire nécessaire pour que l’enfant bénéficie d’une scolarisation adaptée.

Cependant, il convient de préciser que l’utilisation du référé liberté pour obtenir une affectation scolaire n’est possible que dans des cas très spécifiques et exceptionnels, tels que des situations où le refus d’affectation compromettrait gravement la santé ou la sécurité de l’enfant. 

Article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». 

Deux conditions cumulatives doivent être réunies pour qu’une requête en référé-liberté soit recevable ; 

  • L’urgence 
  • L’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale

Plus récemment : 

Dans un arrêt du 27 septembre 2022, le Tribunal Administratif de Montreuil a enjoint au recteur d’inscrire un élève handicapé dans un collège dont la capacité d’accueil était déjà complète au motif que cet établissement est le seul en capacité de recevoir l’élève. 

Pour se faire, il a été démontré que l’affectation proposée à l’enfant par l’Académie de Créteil ne tenait pas compte de son état de santé. En effet, la mobilité de l’enfant était tellement réduite qu’elle ne lui permettait pas de parcourir la distance jusqu’au collège auquel l’Académie l’avait affecté. Plus encore, l’enfant ne pouvait pas gravir les marches de l’établissement qui ne comportait aucune salle en rez-de-chaussée. 

En dépit du dialogue et des recours dirigés contre sa décision d’affectation, l’Académie de Créteil persistait dans son affectation et dans sa négation de l’impossibilité de fait de l’enfant d’être scolarisé dans l’établissement d’affectation.

Pour remédier à cette situation, les parents ont demandé à l’Académie de scolariser leur enfant dans un établissement adapté, ce qui leur a été refusé. 

Le collège d’affectation ne pouvait pas matériellement accueillir l’enfant compte tenu de son état de santé, et dans ces circonstances, le juge du référé-liberté a considéré que : 

« les requérants sont fondés à soutenir que le refus d’y scolariser leur enfant porte une atteinte grave et manifestement illégale à la possibilité de bénéficier d’une scolarisation adaptée dans les conditions définies à l’article L. 112-1. Dès lors en outre que la rentrée scolaire a récemment eu lieu et que l’enfant des requérants est actuellement sans possibilité de scolarisation, ils sont également fondés à se prévaloir d’une urgence particulière rendant nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde du juge statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. »

En outre, même s’il n’y a plus de place disponible dans un établissement, un élève handicapé peut être inscrit de façon prioritaire si les autres établissements proches de son domicile ne sont pas adaptés à son handicap.  

En effet, au terme du deuxième alinéa de l’article L. 112-1 du code de l’éducation : « Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l’école ou dans l’un des établissements mentionnés à l’article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence ».

De plus, le Tribunal Administratif de Rouen a rappelé le 22 septembre 2022 que l’inscription d’un enfant handicapé sur liste complémentaire pour un CAP demandé, alors que ce lycée bénéficie d’un dispositif ULIS doit être regardée comme caractérisant une carence de l’État à répondre aux préconisations de la CDAPH. En outre, cela porte une atteinte grave et manifestement illégale à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction.

Mot de remerciement 

La Clinique du Droit de Rouen souhaite remercier le cabinet RD Avocat pour nous avoir permis de collaborer sur un sujet aussi important sujet pour nous autres, étudiants, ce qui a permis de mettre en lumière certaines difficultés que nous pouvons rencontrer. 

Lucile GODARD en collaboration avec Rémy DANDAN

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