Le visa d’exploitation : comment contrôle-t-on l’exploitation en salle des œuvres cinématographiques en France ?

En France, tout film de court ou long métrage, français ou étranger, ainsi que les bandes-annonces exploités dans des salles de cinéma sont soumis à une autorisation administrative appelée visa d’exploitation, cette obligation fait du cinéma la forme d’expression artistique la plus contrôlée, une entrave nécessaire à la liberté d’expression dans un souci d’ordre public et de protection de l’enfance. 

Ainsi, l’article  L211-1 du Code du cinéma et de l’image animée dispose que : « La représentation cinématographique est subordonnée à l’obtention d’un visa d’exploitation délivré par le ministre chargé de la culture. Ce visa peut être refusé ou sa délivrance subordonnée à des conditions pour des motifs tirés de la protection de l’enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine. ». 

Le visa d’exploitation apparaît en 1916, lorsque le ministère de l’Intérieur créé une commission de contrôle chargée de délivrer, ou non, une autorisation administrative permettant aux œuvres cinématographiques d’être diffusées en salle. C’est donc le début d’une « censure » cinématographique puisque le refus de visa entraînait l’interdiction de diffuser l’œuvre au public. La commission pouvait également accorder le visa mais en imposant un certain nombre de restrictions, par exemple des interdictions liées à l’âge des spectateurs, ou encore une interdiction d’exportation, c’est-à-dire l’interdiction pour un film d’être diffusé en dehors du territoire français afin de ne pas ternir l’image de la France à l’étranger.  

En 1946, la commission est institutionnalisée par la création du Centre National du Cinéma (CNC). Sa composition va évoluer au fil des décennies. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle était paritaire, composée de sept professionnels du cinéma et de sept représentants des Ministères. À la suite d’un décret du 18 janvier 1961 promulgué par le premier ministre Michel Debré, elle s’ouvre à d’autres professionnels (sociologues, psychologues, éducateurs, médecins…) et aux associations familiales. La commission et ses critères d’évaluation et de classification vont s’adapter aux changements socioculturels et prendre en compte le contenu d’une œuvre cinématographique en se basant sur des critères tels que la représentation de la violence, de la sexualité ou de la vulgarité. 

Un décret de 1975 introduit une nouvelle catégorie de classement, le classement « X ». La Loi de finances du 30 décembre 1975 prévoit un régime spécial pour les films classés « X ». Ce régime concerne les films pornographiques et incitant à la violence, classés par arrêté du ministre de la Culture. L’article 12 de cette loi a mis en place un régime fiscal alourdi pour la production et l’exploitation de ces films et les a exclus de toute subvention publique afin de dissuader la mise en circulation de ces films. Ce régime spécial, bien que contraignant, va cependant permettre de rendre quasi impossible le refus du visa d’exploitation. 

L’essentiel du travail est fait par les comités et la commission de classification, dont l’avis est requis pour l’octroi du visa d’exploitation par le ministre chargé de la culture.

Nous verrons d’abord l’organisation de la commission (I), puis les différentes étapes avant l’octroi d’un visa d’exploitation par le ministre de la Culture (II). 

  1. L’organisation de la commission de classification des œuvres cinématographiques

La commission de classification est un organe consultatif composé d’un président et de vingt-sept membres réunis en quatre collèges : 

  • Les professionnels du cinéma, 
  • Les représentants des ministères (ministère de l’Intérieur, de la justice, de l’éducation nationale et de la jeunesse)
  • Les experts, notamment des médecins ou spécialistes en sciences-humaines spécialisés dans la protection de l’enfance et un Défenseur des droits.
  • Le jeune public, composé de membres âgés de dix-huit à vingt-cinq ans. 

Un représentant de chacun des ministères de la culture, des affaires étrangères et de l’outre-mer peut également participer aux séances à titre consultatif. 

 Le président est nommé par décret du premier ministre et choisi parmi les membres du Conseil d’Etat. Les membres de la commission de qualification sont quant à eux nommés pour trois ans par arrêté du ministre de la Culture et leur mandat est renouvelable deux fois.

La commission ne peut siéger que si quatorze membres au moins sont présents et ne se réunit qu’après un premier examen effectué par les comités de classifications qui font un premier filtrage des œuvres cinématographiques : si les membres des comités décident à l’unanimité que le film peut être autorisé pour tous publics, l’avis de la commission de classification n’est pas requis. 

II. Les différentes étapes pour l’obtention d’un visa d’exploitation

Avant tout examen par les comités et la commission de classification pour l’obtention d’un visa d’exploitation, l’œuvre cinématographique doit avoir fait objet d’une immatriculation aux Registres du cinéma et de l’audiovisuel (RCA) et sa réalisation doit être achevée.  Le producteur ou le distributeur de l’œuvre doit effectuer une demande de visa au moins un mois avant la première exploitation en salle.

Le rôle des membres de la commission est donc de visionner les œuvres cinématographiques ou bandes-annonces qui pourraient faire l’objet d’une mesure de classification puis d’engager le débat sur les thèmes de la violence, de la sexualité, des comportements délinquants ou des pratiques dangereuses afin de décider d’une classification adaptée au contenu de l’œuvre cinématographique. 

La commission va ainsi émettre un avis au ministre de la Culture, selon les classifications suivantes : 

  • Visa autorisant, pour tous publics, la représentation de l’œuvre 
  • Visa comportant interdiction de représentation aux mineurs de moins de douze ans  
  • Visa comportant interdiction de représentation aux mineurs de moins de seize ans
  • Visa comportant interdiction de représentation aux mineurs de moins de dix-huit ans
  • Visa comportant interdiction de représentation aux mineurs de moins de dix-huit ans avec inscription de l’œuvre ou du document sur la liste prévue à l’article L. 311-2 du Code du cinéma et de l’image animée. 

La décision de classification revient au ministre de la Culture qui statue en prenant en compte l’avis de la commission. Il peut demander à la commission un nouvel examen et est tenu de le faire lorsqu’il veut décider d’une mesure plus stricte que celle qui lui est proposée par la commission de classification. 

Les sanctions prévues pour le fait de mettre en circulation ou de représenter une œuvre cinématographique dépourvue de visa d’exploitation sont lourdes. L’article L432-1 du Code du cinéma et de l’image animée punit ce fait de 45 000 euros d’amende, les articles suivants prévoient la possibilité pour les officiers de police judiciaire de saisir les éléments de tirage et les supports d’exploitation des œuvres illicitement représentées et pour la juridiction de prononcer, à l’encontre de la personne condamnée, l’interdiction d’exercer soit une fonction dirigeante, soit toute activité industrielle et commerciale dans le secteur du cinéma pour une durée ne pouvant excéder 10 ans. 

Sonia DESMEULES

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