L’importance du mécénat dans la préservation du patrimoine culturel

« Les mécènes sont ceux qui, sans but lucratif, consacrent en toute liberté de choix, leur temps, leur argent ou les deux à la fois à la création artistique, à son épanouissement, à sa protection » – Alain Gobin, 1987

Si la base juridique du mécénat a timidement été consolidée au cours du XIXè siècle, elle a été véritablement entérinée en France, par la loi dite « Aillagon » du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

Ce terme issu de l’Antiquité romaine fait référence à Gaius Maecenas, conseiller d’Auguste qui était le premier Empereur romain. C’est donc durant ce que l’on appelle « le siècle d’Auguste » que commence à se développer l’idée de mécénat.

De grands érudits de l’époque tels que Virgile, Tite-Live, Horace ou encore Ovide étaient placés sous la protection de Gaius Maecenas.

C’est seulement à partir du XVIè siècle que le mot « mécène » devient un nom commun. Ce dernier vient illustrer une personne aisée mettant son argent à profit des artistes et de leurs œuvres d’art afin de les valoriser et de les conserver.

Aujourd’hui, nonobstant l’absence de définition légale du mécénat, l’arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière, l’entend comme le soutien matériel apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un caractère d’intérêt général. 

L’évolution juridique du mécénat démontre la volonté de l’État à encourager les entreprises à apporter une aide, notamment financière, au profit de différents acteurs culturels.  Dès lors, les mécènes peuvent financer des expositions temporaires dans le cadre d’un musée ou alors valoriser le patrimoine bâti en finançant la restauration d’une église par exemple. L’objectif est de conserver et valoriser le patrimoine culturel en France et de ne pas le laisser dépérir faute de moyens.

En ce sens, il est important d’exposer une contextualisation juridique du mécénat et d’observer l’évolution de son statut au fil des différentes législations. 

Dans un premier temps, par une loi du 14 août 1954 portant diverses dispositions d’ordre fiscal, le législateur a souhaité encourager le mécénat par des entreprises ou des particuliers, en faveur des œuvres charitables et philanthropiques. Par la suite, une loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat a été promulguée dans l’objectif d’élargir les possibilités de déductions fiscales liées au mécénat.

Enfin, la loi Aillagon citée précédemment, de 2003, a mis en place un système d’impôt bien plus favorable que le mécanisme déjà existant. De plus, elle s’est étendue à la question du patrimoine et des musées en lien avec la loi dite « musée » du 4 janvier 2002.

Il revient au ministère de la Culture de surveiller le dispositif en vigueur. Il se doit d’assurer le bon fonctionnement de l’incitation au mécénat et la reconnaissance de l’État au profit des mécènes. Ce sont en effet leurs donations qui permettent le développement et la conservation du patrimoine culturel en France.

Comment le mécénat s’organise-t-il en France ? En quoi est-il un acteur dans la préservation du patrimoine culturel ? 

D’une part, il est important de se questionner sur l’éligibilité au mécénat et sur l’accès au statut de mécène, puis d’analyser les différents types de mécénat. D’autre part, nous chercherons à distinguer les notions de parrainage et de mécénat, avant d’exposer les avantages fiscaux  découlant du mécanisme du mécénat. 

  • L’éligibilité des acteurs culturels au mécénat : 

Dans ce cadre, le mot d’ordre est l’intérêt général. En ce sens, l’activité de l’organisme d’intérêt général doit être non lucrative et non concurrentielle. De plus, la gestion doit être désintéressée et l’activité ne doit pas profiter à un cercle restreint de personnes.

Non seulement l’organisme doit être d’intérêt général, mais il en va de même pour l’œuvre. Cette dernière doit avoir, selon le ministère de la Culture, « un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue ou des connaissances scientifiques françaises ».

A titre d’exemple, nous pouvons citer comme organismes éligibles : 

  • L’État, les collectivités et établissements publics
  • Les fondations et associations d’utilité publique
  • Les musées de France (selon la loi du 4 janvier 2002, relative aux musées de France)

Dans l’hypothèse où une personne physique souhaite jouir du mécanisme de mécénat, elle ne pourra pas bénéficier du mécénat en régie directe. Toutefois, elle pourra percevoir des subventions par des fondations d’entreprises ou reconnues d’utilité publique.

Enfin, le principe du mécénat est que le donneur ne reçoit pas de contrepartie directe par le bénéficiaire. Cependant, dans l’objectif de remercier les mécènes, l’administration fiscale autorise de manière encadrée, des contreparties devant respecter le principe de « disproportion marquée » entre les sommes versées par les mécènes et la valorisation de la prestation rendue par le bénéficiaire. En effet, la contrepartie ne doit pas dépasser 25 % du montant du don versé par le mécène à la structure culturelle. Celle-ci peut-être matérielle ou immatérielle. 

  • Les mécènes :

Les mécènes peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales. L’État n’est ainsi plus seul pour financer la valorisation du patrimoine culturel et contribuer à l’intérêt général. Afin de favoriser ce système, l’État a mis en place une législation fiscale leur étant favorable.

Les grandes institutions culturelles possèdent pour la plupart un service chargé du mécénat dont l’objectif est de prospecter des mécènes et de les fidéliser à travers divers évènements telle qu’une soirée de remerciements. C’est le cas par exemple du musée du Louvre avec le Cercle Louvre Entreprises.

Il existe une Charte éthique non obligatoire proposée par le ministère de la Culture, pouvant être un outil dans la sécurisation des démarches entre un mécène et une structure culturelle. Cette Charte rappelle le cadre juridique et permet d’élaborer des conventions de mécénat. Elle s’adresse à tous les acteurs culturels, bénéficiaires ou mécènes. L’objectif est de promouvoir une démarche éthique et déontologique.

  • Les différentes formes du mécénat : 

Il existe trois types de mécénats :

  • Le mécénat financier : le mécénat le plus courant, c’est le don en numéraire ;
  • Le mécénat en nature : le don d’un bien au profit d’un intérêt général ;
  • Le mécénat de compétence : l’entreprise mécène va mettre à disposition son savoir-faire et de la main d’œuvre.

Chaque don se doit d’être valorisé et si cela concerne un don de biens, il doit l’être au coût de revient, c’est-à-dire le coût supporté par l’entreprise pour acquérir ou produire le bien.

Lorsqu’il s’agit d’un mécénat de compétence, la valorisation correspond à la perte d’argent que l’aide représente (la rémunération et les charges sociales). En d’autres termes, la valorisation d’un don est le fait pour la structure culturelle, de prendre en compte le don dans son budget en évaluant le coût que ce don aurait représenté si la structure avait dû le financer.

  • Distinction du mécénat avec le parrainage :

Afin de bien appréhender la notion de mécénat, il s’agit de la distinguer de la notion de parrainage.

Une différence fondamentale entre le parrain et le mécène est que le premier va obtenir un bénéfice direct de la part de la structure culturelle parrainée, ce qui n’est pas le cas pour le mécène.

L’arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière, définit le parrainage comme « un soutien matériel apporté à une manifestation, une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct ». 

Le parrainage répond à une démarche commerciale puisque l’objectif du don est de promouvoir l’image de l’entreprise.

Le Code général des impôts en son article 39-1 7° prévoit que les dépenses liées au parrainage sont déductibles du revenu imposable de l’entreprise, à condition que lesdites dépenses soient faites dans l’intérêt direct de l’exploitation. La logique fiscale du parrainage est différente de celle relative au mécénat.

  • Les avantages fiscaux du mécénat :

Les particuliers agissant en tant que mécènes et ayant effectué un don auprès d’un organisme ou d’une œuvre d’intérêt général, pourront bénéficier d’une réduction sur le revenu égale à 66% des sommes versées, dans la limite annuelle de 20% du revenu imposable. Dès lors, l’organisme bénéficiaire devra délivrer des reçus fiscaux au mécène pour justifier des dons au regard de l’arrêté du 26 juin 2008 relatif à la justification des dons effectués au profit de certains organismes d’intérêt général.

Concernant les entreprises mécènes, leur réduction d’impôt est plafonnée. En principe, la réduction d’impôt est égale à 60% du montant du don (en numéraire, compétence ou nature), si le montant annuel des dons est équivalent à 2 millions d’euros ou moins. La réduction d’impôt sera de 40 % du montant du don au-delà de 2 millions d’euros de dons annuels (sauf exception).

Il existe un plafond annuel selon l’article 238 bis du Code général des impôts. Celui-ci énonce que l’ensemble des versements ouvrant droit à la réduction d’impôt sont retenus dans la limite de 20 000 € ou de 0,5 % du chiffre d’affaires des entreprises versantes lorsque le montant du don est plus élevé. Si dépassement il y a, il est possible de reverser l’excédent de réduction d’impôt au titre des cinq années suivantes.

Afin de démontrer l’importance du mécénat dans la préservation du patrimoine culturel, le ministère de la Culture a établi des chiffres représentatifs en janvier 2023. Selon ces chiffres, le mécénat représente au plan national un apport de près de 3,5 milliards d’euros par an versés 

sous forme de dons par les entreprises aux structures associatives et aux collectivités territoriales et près de 5 milliards pour les particuliers. Le mécénat culturel avoisine les 500 millions d’euros par an.

Elodie Yon 

M2 Droit du patrimoine et des activités culturelles

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