Loi du 19 février 2024 : garantir le respect du droit à l’image des enfants

Selon une étude de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN), 53 % des parents français ont déjà partagé sur les réseaux sociaux du contenu sur leur (s) enfant (s) : 43 % ont commencé dès la naissance de l’enfant et 91 % ont commencé avant ses 5 ans. C’est dans ce contexte que le Défenseur des droits a publié un rapport en novembre 2022, dans le but d’inciter notamment le législateur a assurer une meilleure protection de l’image des enfants et de sensibiliser les parents à leurs responsabilités lorsqu’ils partagent leurs intimités familiales sur les réseaux sociaux. La proposition de loi n° 758, visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, présentée par les députés Aurore Bergé, Bruno Studer et Éric Pouillant permet ainsi de compléter l’arsenal législatif déjà existant qui a permis de faire émerger le respect de la vie privée de l’enfant comme enjeu essentiel dans la régulation du monde numérique. 

La proposition de loi a été votée successivement le 6 mars 2023 par l’Assemblée nationale, et le 10 mai 2023 par le Sénat, mais dans des versions différentes. Dès lors une commission mixte paritaire (CMP) a été mise en œuvre afin de trouver un consensus. Malheureusement, cette CMP n’a pas été conclusive. La proposition de loi du Sénat qui a été votée le 10 mai 2023 a donc été soumise à une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, le 10 octobre 2023. Cependant, les députés ont voté un texte légèrement différent, en réécrivant notamment l’article 5. Le 19 décembre 2023, les sénateurs votent contre cette version du texte. Face à cette impasse institutionnelle, et conformément à l’article 45 alinéa 4 de la Constitution, l’Assemblée nationale a adopté en dernière lecture la proposition de loi qui doit nécessairement correspondre au dernier qu’elle a voté, c’est-à-dire le texte du 10 octobre 2023. 

Après quasiment près d’un an de débat parlementaire, l’Assemblée nationale a adopté le 6 février 2024, la proposition de loi qui vise à garantir le respect du droit à l’image des enfants. Ce texte comporte cinq articles que nous nous proposons de commenter. 

L’article 1er élargit la définition de l’autorité parentale présente à l’article 371-1 du Code civil, en introduisant la notion de privée. En d’autres termes, les parents devront en plus de « sa sécurité, sa santé et sa moralité », protéger la vie privée de l’enfant afin d’ « assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». L’ajout de cet alinéa, peut paraître futile, car la vie privée de l’enfant mineur peut déjà être considérée comme présente dans les notions de « sécurité », « santé » et « moralité » contenue dans l’ancienne rédaction de l’article. 

L’article 2 rétablit l’article 372-1 du Code civil qui a été abrogé par la loi n° 2022-395 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale. Plus spécifiquement, cet article 372-1 du Code civil prévoit une double obligations à la charge des parents : à la fois une obligation de protection en veillant de façon commune au droit à l’image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée mentionné à l’article du Code civil, mais également une obligation d’association de leur enfant mineur dans l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité. Là encore, cet ajout peut poser question, car il existe déjà pour les parents une obligation d’associer l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité en vertu de l’article 371-1 du Code civil. 

L’article 3 insère un troisième alinéa à l’article 372-2-6 du Code civil. Celui-ci pose une interdiction à l’un des parents de publier ou de diffuser l’image de l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent. Autrement dit, le juge aux affaires familiales pourra en cas de désaccord entre les parents, interdire à l’un d’eux la diffusion de tout contenu relatif à l’enfant. La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale ne reprend pas la distinction classique entre les actes usuels et les actes non-usuels de l’autorité parentale, qu’avait choisi de faire le Sénat. 

L’article 4 insère lui un troisième alinéa à l’article 377 du Code civil permettant d’élargir le champ des personnes susceptibles de saisir le juge aux affaires familiales aux fins de délégation de l’exercice du droit à l’image de l’enfant, lorsque la diffusion opérée par les parents porte gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale du mineur. Dorénavant, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille pourra saisir le juge aux affaires familiales. Ainsi, le destinataire de l’autorité parentale pourra exercer l’exercice du droit à l’image du mineur à la place ? Mais comment empêcher les parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant ? En outre, l’intervention du juge n’était-elle déjà pas possible en vertu de l’article 375 du Code civil en cas de danger sur la santé, la sécurité ou la moralité du mineur ? 

L’article 5 renforce les pouvoirs de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en cas d’atteinte aux droits et libertés du mineur. A l’avenir, la CNIL, pourra sur le fondement de l’article 21 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative  à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, prononcer un rappel à l’ordre et également une limitation temporaire ou définitive du traitement de données en cas de violation des droits et libertés mentionnés par cette loi. 

Cette loi, malgré plusieurs lacunes et redondances avec d’autres dispositions déjà en vigueur, à au moins le mérite d’exister, mais surtout permet de responsabiliser les parents sur le respect du droit à l’image de leurs enfants mineurs. 

BLONDEL Sylvain Master 2 Droit privé général

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