Selon Maud McKnight, « Le monde entier est heureux quand le Père Noël arrive ». À l’approche de Noël, n’avez-vous jamais surpris un vieil homme à barbe blanche et au blouson pourpre, escalader la devanture d’une maison ou se faufiler sur les panneaux publicitaires de grandes marques ? Rare petit mensonge universellement toléré pour les enfants, le mythe du Père Noël transforme la rudesse de l’hiver en une période festive, où les illuminations percent la nuit noire, et où l’odeur de cannelle et de pins embaume nos nez rougis par le froid.
Si ce joyeux personnage fait écho à notre enfance et à la magie de Noël, qu’en est-il de sa qualification juridique ? Son image est-elle libre de droit ou protégée par le droit d’auteur et/ou le droit des marques ?
I. Les origines du Père Noël : une figure mythique ayant intégrée la culture populaire
Bien qu’il soit impossible de ne lui donner qu’une seule origine, le Père Noël s’inspirerait du personnage de Nicolas de Myre ou de Saint-Nicolas, un évêque né en 270 dans l’actuelle Turquie, et connu pour distribuer cadeaux et nourriture aux plus démunis.
Canonisé par l’Église, son nom fut attribué à une fête religieuse qui consistait à distribuer des cadeaux aux enfants sages, dont l’antagoniste était le Père Fouettard qui menaçait les autres enfants avec ses baguettes.
C’est au XIIe siècle qu’un chevalier apporta le culte de Saint-Nicolas en France, après avoir vu ses reliques en Italie lors d’une croisade. Or, la réforme protestante au XVIe siècle supprima la traditionnelle fête de Saint Nicolas… sauf chez les Hollandais, qui conservèrent la pratique de “Sinter Klass”, puis l’exportèrent aux États-Unis où il deviendra le célèbre “Santa Claus”, distribuant des présents dans la nuit du 24 au 25 décembre.
Sa physionomie actuelle viendrait de différentes créations. L’origine serait un conte de Noël pour enfants datant du XIXe siècle, où l’auteur Clement Clarke Moore présenta Saint-Nicolas comme un lutin dodu et souriant, se déplaçant sur un traîneau volant tiré par des rennes.
Puis, le dessinateur Thomas Nast imagina le Santa Claus avec une fourrure blanche et une ceinture en cuir. Il l’établira également au Pôle Nord, une région de nos jours encore bien mystérieuse…
Si le costume du Père Noël fut jaune, vert, ou encore bleu, c’est l’illustrateur Haddon Sundblom qui figea la tradition de l’habit rouge et blanc pour The Coca-Cola Company en 1931. Dans ce génie marketing qui inspirera par la suite de nombreuses campagnes publicitaires, le Père Noël se désaltère avec une bouteille de Coca-Cola lors de sa distribution de cadeaux.
Mais cette appropriation commerciale, ayant standardisé l’image du Père Noël, pose la question de sa protection juridique, notamment vis-à-vis du droit de la propriété intellectuelle, du droit d’auteur et du droit des marques.
II. Une figure populaire partiellement protégée par le droit de la propriété intellectuelle
En cette fin d’année, les décorations font leur apparition dans les rues, dans les vitrines des magasins et les catalogues de jouets remplissent nos boîtes aux lettres. Alors, le Père Noël enfile son costume aux côtés de nombreuses entreprises et promeut des marques du monde entier, sans jamais débourser un sou.
Du fait de son grand âge, il exclut sans aucun doute la protection par le brevet, dont la durée maximale est de 20 ans.
En tant que telle, l’image du Père Noël fait partie du patrimoine public et doit rester à la libre disposition de tous. Dès lors, elle ne répond pas à la fonction essentielle de la marque, à savoir permettre au consommateur d’identifier les produits et services d’une entreprise précise, par distinction des concurrents.
Selon le dictionnaire Larousse, le Père Noël est généralement défini comme un personnage légendaire chargé de distribuer des jouets et des friandises aux enfants pendant la nuit de Noël, à savoir celle menant du 24 au 25 décembre de chaque année.
Ainsi, l’usage de cette image est même toléré dans un contexte commercial. Il semble ainsi impossible de revendiquer un monopole d’exploitation sur le signe “Père Noël”, et par conséquent de l’enregistrer à titre de marque en France.
En revanche, une consultation du registre des marques tenu par l’Institut National de la Propriété Intellectuelle révèle l’existence de plus de quatre-vingts marques enregistrées autour du terme “Père Noël”. D’autres éléments y ont été combinés, afin de composer un ensemble distinctif, par exemple “Cher Père Noël” ou “Le village du Père Noël”.
Le terme Père Noël peut donc être utilisé librement, en notant bien la réserve de la distinction.
Concernant l’image associée au Père Noël, celle-ci semble aussi appartenir à l’imagerie populaire, attention toutefois à ne pas reproduire ou imiter une illustration ou représentation créée par un tiers et sur laquelle peuvent exister des droits d’auteur. C’est ainsi que le fameux Père Noël que nous connaissons tous, créé en 1931 par Haddon Sundblom pour The Coca-Cola Company est protégé.
La jurisprudence tend à protéger des créations spécifiques liées au Père Noël (dessins, films, etc.), plutôt que le concept générique du personnage. Ainsi, les critères d’originalité et de distinctivité permettent une protection par le droit de la propriété intellectuelle. Pour toute exploitation commerciale, il est essentiel de vérifier les protections déjà existantes afin d’éviter les conflits juridiques.
Personnage bienveillant et ami des petits comme des grands, le Père Noël est ainsi une figure publique qui inspire de nombreux esprits. Joyeuses fêtes de fin d’année, et surtout… Joyeux Noël ! Ho ! Ho ! Ho !
Anaëlle SORET et Agathe CHANDELIER-LAURENT – étudiantes en Master 2 Droit du Patrimoine et des Activités culturelles
Principales sources utilisées :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/le-pere-noel-a-t-il-ete-cree-par-coca-cola-8700694
https://www.coca-cola.com/fr/fr/media-center/coca-cola-et-le-pere-noel-une-histoire-magique
https://www.jss.fr/Le_Pere_Noel_estil_audessus_des_lois__-2303.awp
https://www.lemonde.fr/economie/article/2013/12/23/mais-qui-s-occupe-du-pere-noel_4338970_3234.html