La redéfinition de la notion de cohabitation dans le cadre de la responsabilité civile des parents du fait de leur enfant 

La responsabilité des parents du fait de leur enfant est une responsabilité sans faute, prévue à l’article 1242, alinéa 4 du code civil : « Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ». Pour que les parents soient reconnus comme étant responsables du fait de leur enfant, plusieurs conditions doivent être réunies :

  • L’enfant doit être mineur non émancipé ;
  • Il doit exister un fait dommageable de l’enfant ;
  • Les parents doivent être titulaires de l’autorité parentale ; 
  • Il doit y avoir une cohabitation ;
  • Un dommage doit être constaté ;
  • Un lien de causalité doit exister.

Parmi celles-ci, on retrouve la notion de cohabitation. Cette notion signifie qu’en principe, les parents doivent vivre simultanément avec leur enfant au moment des faits pour que leur responsabilité soit engagée. Cependant, le sens de cette notion a été redéfini dans un arrêt d’Assemblée plénière en date du 28 juin 2024 (n° 22-84.760). 

I. L’état du droit avant la décision du 28 juin 2024 

Avant l’arrêt du 28 juin 2024, la notion de cohabitation était appréhendée au sens matériel. En outre, la cohabitation correspondait à la résidence habituelle de l’enfant. Cela signifiait que lorsque les parents étaient séparés et que l’enfant avait sa résidence habituelle chez l’un de ses parents, seul celui-ci pouvait voir sa responsabilité engagée du fait de son enfant (Cour de cassation, 2e chambre civile, 20 janvier 2000, n° 98-14.479). 

D’un côté, cette solution était favorable pour les victimes puisqu’il était facile d’identifier le parent responsable de son enfant. D’un autre côté, cette solution était fortement critiquée par la doctrine, notamment lorsque l’autre parent, qui disposait malgré tout de l’autorité parentale, se voyait en quelque sorte « exonéré » de sa responsabilité à l’égard de son enfant. En effet, même si ce parent disposait d’un droit de visite et d’hébergement et que le fait dommageable de l’enfant avait eu lieu pendant cet exercice, il se voyait quand même exonéré de sa responsabilité. 

II. L’état du droit après la décision du 28 juin 2024 

Avec le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation dans son arrêt d’Assemblée plénière du 28 juin 2024, la notion de cohabitation est appréhendée au sens juridique. En d’autres termes, la notion de cohabitation doit être interprétée « comme la conséquence de l’exercice conjoint de l’autorité parentale ». Cela signifie que les parents, qu’ils soient séparés ou non, sont automatiquement et solidairement tenus responsables des dommages causés par leur enfant. La cohabitation des parents avec l’enfant ne cessera donc que dans le cas d’une décision administrative ou judiciaire de confier l’enfant à un tiers. 

Cette solution est avantageuse pour les victimes puisqu’elle facilite la réparation, notamment dans le cas où l’un des parents est insolvable. De plus, cette évolution marque une étape importante dans la perception des familles modernes, puisque de plus en plus de parents vivent séparément. 

Bon à savoir : Le principe de coparentalité est notamment prévu à l’international avec l’article 18.1 de la Convention internationale des droits de l’enfant, qui prévoit que : « Les États parties s’emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement. ». Ce principe avait notamment été dégagé en droit interne par la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale. 

Léa Delabarre – étudiante en Master 2 Droit privé général 

Sources : 

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