Le taux réduit de TVA de 10 % lors d’une opération d’acquisition-amélioration d’un logement est conditionné à un niveau d’amélioration de la performance énergétique : arrêté du 5 juillet 2024

Dans le contexte de la transition énergétique, le secteur du bâtiment représente un enjeu stratégique. En effet, selon l’Agence de la transition écologique (ADEME), ce secteur serait responsable d’environ 23 % des émissions de gaz à effet de serre en France. C’est pourquoi il constitue une priorité des politiques publiques, tant sur le plan écologique qu’économique. 

L’arrêté du 5 juillet 2024 introduit une évolution significative sur ce point. Désormais, pour bénéficier du taux réduit de TVA à 10 % sur les travaux d’acquisition-amélioration d’un logement, il faudra prouver une amélioration réelle de la performance énergétique du bien. Ce conditionnement renforce le lien entre fiscalité et transition écologique, en ciblant les travaux vertueux. Cette réforme s’inscrit dans une dynamique plus large portée par les stratégies nationales en faveur du climat et de la rénovation énergétique des bâtiments.

I. L’objectif poursuivi par le conditionnement du taux réduit de TVA à la performance énergétique

A. Une réforme guidée par la volonté d’accélérer la transition énergétique dans le domaine du bâtiment

La lutte contre le changement climatique a imposé, au fil des décennies, une révision en profondeur du modèle énergétique français, et notamment du secteur du bâtiment, représentant une part considérable des émissions de gaz à effet de serre (GES), comme le précise l’ADEME. Cette dynamique a été enclenchée dès 1970, avec l’émergence progressive des préoccupations environnementales et la mise en place de premières politiques de diversification énergétique. L’impératif écologique s’est progressivement intégré aux politiques publiques, atteignant son apogée avec le Grenelle de l’Environnement en 2007 et la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) en 2015, qui ont fixé des objectifs ambitieux de réduction des émissions de GES et de développement des énergies renouvelables. De plus, lancé en 2020, le Plan France Relance marque une étape clé dans la transition énergétique, avec plusieurs milliards d’euros dédiés à la rénovation, dont celle des logements privés, visant à réduire la consommation d’énergie et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, en ligne avec la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). 

C’est dans cette dynamique que s’inscrit l’arrêté du 5 juillet 2024, en recentrant le bénéfice fiscal sur les rénovations ayant un réel impact en matière de performance énergétique. Ainsi, il exclut les travaux aux effets limités et conditionne l’avantage fiscal à des rénovations plus importantes qui auront un véritable impact sur les émissions de GES. Cette évolution s’aligne pleinement avec l’objectif, fixé par la SNBC, de réduire de 49 % les émissions de GES du secteur du bâtiment d’ici 2030.

Ainsi, cette conditionnalité fiscale marque une véritable rupture avec les dispositifs antérieurs, où les taux réduits de TVA pouvaient bénéficier à des travaux de confort ou d’esthétique. Aujourd’hui, seul le renforcement de l’efficacité énergétique justifie l’octroi de l’avantage fiscal. 

B. L’aspect économique visé par la TVA à 10 %

Le taux réduit de TVA à 10 %, appliqué aux travaux d’amélioration des logements, a longtemps constitué un levier économique de soutien à l’activité du bâtiment et à l’emploi local, tout en rendant les rénovations plus accessibles aux ménages. 

Toutefois, plusieurs rapports publics, notamment celui de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), ont souligné l’inefficacité de cette mesure lorsqu’elle était appliquée à des travaux sans effet significatif sur la performance énergétique. En réponse à ces critiques, l’arrêté du 5 juillet 2024 introduit une conditionnalité énergétique stricte. Dès lors, seuls les travaux permettant un gain d’au moins deux classes sur le diagnostic de performance énergétique (DPE) peuvent désormais bénéficier de ce taux réduit. L’objectif est clair, il s’agit d’optimiser l’impact économique des dépenses publiques.

Cette réforme contribue aussi à structurer un écosystème économique vertueux, en incitant la filière du bâtiment à se professionnaliser autour de la rénovation performante. Cela suppose une montée en compétence des artisans, le développement d’outils de financement adaptés, et une meilleure information des particuliers. 

En définitive, la TVA à 10 % ne constitue plus uniquement un outil de soutien à la consommation, mais devient un levier économique stratégique, au service de la décarbonation du secteur résidentiel et de la modernisation du parc immobilier français.

II. Une conditionnalité énergétique renforcée pour bénéficier du taux réduit de TVA à 10%

A. Les conditions d’obtention de ce taux

L’arrêté du 5 juillet 2024 impose des conditions strictes pour que les travaux de rénovation bénéficient du taux réduit de TVA à 10 %. 

Ce taux, qui auparavant pouvait s’appliquer à une large gamme de travaux, y compris des travaux de confort ou d’esthétique, est désormais exclusivement réservé aux rénovations ayant un impact mesurable sur l’efficacité énergétique du bâtiment. 

Par conséquent, pour bénéficier du taux réduit de 10 % de TVA sur les travaux de rénovation dans un logement, plusieurs critères doivent ainsi être respectés. 

Les travaux doivent concerner l’amélioration, l’aménagement, la transformation ou l’entretien de locaux à usage d’habitation, et non la construction ou la reconstruction de ces derniers. En outre, les travaux doivent être réalisés dans des bâtiments achevés depuis plus de deux ans. Il convient de souligner que le taux réduit s’applique uniquement aux prestations de services, c’est-à-dire à la main-d’œuvre pour la pose des équipements. Ainsi, si un particulier achète lui-même des matériaux, ceux-ci seront soumis au taux normal de 20 %, tandis que seule la prestation de pose pourra bénéficier du taux réduit (BOFiP, BOI-TVA-LIQ-30-20-90-20).

L’obtention du taux réduit ne se fait pas à suivant cette seule condition. En effet, le texte ajoute que ces travaux de rénovation doivent permettre au bien le gain d’au moins deux classes énergétiques. Pour cela, un audit énergétique devra démontrer la classe initiale du bâtiment, qui sera alors classé D, E, F ou G, et c’est à partir de cette classe que sera calculée la classe devant être atteinte. Conformément à l’arrêté, « la réalisation des travaux d’amélioration permet au logement de passer d’une classe énergétique D, E, F ou G à une classe énergétique A, B, ou C au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation avec un gain d’au moins deux classes. ». Par voie de conséquence, un logement classé D avant la réalisation des travaux devra être classé a minima B. Il faut néanmoins noter que la classe C est la classe minimale à atteindre pour les logements notés E, F ou G. Le texte pose le principe que tous les logements rénovés doivent répondre aux exigences de la classe énergétique C pour être éligibles au taux de 10 %. Ainsi, les logements classés G devront justifier d’un gain de quatre classes, et les logements classés F, de trois. 

De plus, le texte prévoit qu’à l’issue des travaux, le contribuable doit fournir soit une attestation selon laquelle les travaux proposés dans l’audit permettant d’atteindre le niveau de performance ont été réalisés, soit un diagnostic de performance énergétique du bâtiment justifiant de l’atteinte du niveau de performance énergétique.

Cependant, depuis le 1er mars 2025, il n’est plus nécessaire de fournir une attestation spécifique pour justifier de l’éligibilité des travaux au taux réduit. En effet, une simple mention sur le devis ou la facture des travaux, indiquant que les conditions sont remplies, suffit. Cette simplification permet de faciliter l’accès au taux réduit pour les particuliers et de réduire les démarches administratives. Toutefois, l’administration fiscale peut demander aux contribuables de lui adresser certains documents qui permettront de justifier du respect de cette condition. 

Enfin, des dispositions spécifiques sont prévues pour les logements situés dans les départements et régions d’outre-mer. Dans ces territoires, le bénéfice du taux réduit est conditionné à la réalisation d’au moins un geste de travaux portant sur l’enveloppe du bâti, comme l’isolation, et d’un geste portant sur les équipements contribuant significativement aux économies d’énergie, et indirectement, à la réduction des émissions de GES.

B. Les difficultés et inconvénients de l’arrêté 

L’arrêté du 5 juillet 2024 constitue une avancée notable pour la transition énergétique, mais son application comporte plusieurs défis et inconvénients. 

En premier lieu, l’exigence d’un gain minimum de deux classes sur le DPE constitue une condition restrictive, risquant d’exclure une part importante des travaux de rénovation. Conformément à l’arrêté, les logements doivent passer d’une classe D, E, F ou G à une classe A, B ou C, avec un gain d’au moins deux classes, mais les logements classés G devront donc répondre d’une amélioration minimale de quatre classes. Cette exigence, bien que louable en matière de performance, pourrait rendre de nombreux projets inéligibles, notamment ceux visant des améliorations progressives, ou concernant des biens anciens, pour lesquels une rénovation complète est techniquement ou financièrement difficile à réaliser.

De plus, bien que la simplification administrative, qui permet de se passer d’une attestation spécifique au profit d’une simple mention sur les devis et factures, constitue un allègement des démarches, elle soulève de nouveaux enjeux. Les entreprises doivent désormais mentionner sur leurs documents que les travaux relèvent bien du taux réduit. Cela transfère une partie de la responsabilité sur le client tout en maintenant pour les professionnels une obligation stricte de conservation des pièces justificatives. En effet, malgré la suppression de l’attestation, les devis et factures doivent être conservés dans la comptabilité de l’entreprise, et les particuliers doivent les archiver jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant la fin des travaux. En cas de contrôle, toute erreur dans l’application du taux réduit peut entraîner une solidarité de paiement entre l’entreprise et le client, avec à la clé un redressement de TVA.

En outre, cette réforme pourrait créer un déséquilibre dans les pratiques de rénovation en privilégiant les travaux plus complexes et coûteux, au détriment des rénovations plus simples mais essentielles pour la modernisation du parc immobilier. 

Enfin, bien que l’objectif soit de favoriser la décarbonation du secteur du bâtiment, certaines entreprises risquent de rencontrer des difficultés d’adaptation face à ces nouvelles exigences, ce qui pourrait freiner l’efficacité de la réforme à court terme.

Laïna DURÉCU – étudiante en Master 1 Droit des affaires et fiscalité

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049925761

https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/construction-performance-environnementale-du-batiment

https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/PPE_2020_en%204%20pages.pdf

https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/grenelle-environnement

https://www.prefectures-regions.gouv.fr/centre-val-de-loire/irecontenu/telechargement/84038/541862/file/18-05%20DP-%20Frane%20Relance%20-%20renovation%20energetique%20_-3%20VF.pdf

https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/strategie-nationale-bas-carbone-snbc

https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/Affaires-0009660/010867-01_rapport.pdf

https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1617-PGP.html/identifiant=BOI-TVA-LIQ-30-20-90-20200909

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