L’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés

Suite à l’habilitation donnée au gouvernement par la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France, dite loi « Attractivité », une ordonnance a été prise : l’ordonnance portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés, du 12 mars 2025, n° 2025-229. Les objectifs de l’habilitation donnée au gouvernement étaient « de simplifier et de clarifier le régime des nullités en matière de droit des sociétés, afin de renforcer la sécurité juridique de la constitution des sociétés, de leurs actes et délibérations ainsi que des règles qui y sont exposées ». Ce texte englobe le régime des nullités des sociétés, des décisions sociales et des apports. Les enjeux de l’habilitation donnée au gouvernement étaient significatifs, car la nullité d’une décision irrégulière peut entraîner des nullités en cascade et peut avoir d’importantes conséquences pour la société.  

La réforme entrera en vigueur le 1er octobre 2025. Sans disposition transitoire, ce nouveau régime sera applicable aux actes passés après cette date. 

Le nombre de modifications apportées par l’ordonnance étant important, cette veille n’énonce pas ces modifications de manière exhaustive, mais seulement les plus importantes.  

S’agissant de « renforcer la sécurité juridique de la constitution des sociétés, de leurs actes et délibérations ainsi que des règles qui y sont exposées » de nombreuses mesures ont été prises. 

On peut tout d’abord noter que la sanction du réputé non écrit pourra plus souvent être prononcée. L’article 1844-10 du code civil disposait, avant l’ordonnance, que les clauses statutaires contraires aux dispositions impératives du Titre IX du Livre III du code civil, intitulé « De la société », étaient réputées non écrites. Mais l’ordonnance vise désormais tous les codes et lois concernant les sociétés, puisqu’elle énonce que la clause statutaire qui viole une disposition impérative « du droit des sociétés » est réputée non écrite. Désormais, la clause statutaire violant une disposition sera réputée non écrite.

Ensuite, le délai de prescription de droit commun passe à deux ans au lieu de trois ans. Le point de départ de ce délai est le jour où la nullité est encourue. Cependant, il faudra faire attention aux « dispositions particulières concernant les fusions, les scissions et les modifications du capital social » (article 6 de l’ordonnance). 

L’action en nullité d’une décision d’augmentation du capital dans les sociétés par actions peut être exercée sous un délai de trois mois à partir de la date de la décision contestée. En cas de délégation de pouvoir ou de compétence au conseil d’administration ou au directoire, le délai est le même, mais commence à courir à la « date de l’assemblée générale au cours de laquelle le rapport sur les conditions définitives de l’opération est porté à la connaissance des actionnaires ».

Il a également été introduit un triple test à l’article 5 de l’ordonnance, créant à l’occasion l’article 1844-12-1 du code civil. Ce test sera effectué par le juge lorsqu’il aura à connaître de la question de la nullité d’une décision sociale. Les tests effectués par le juge sont les suivants : 

  • Le demandeur devra justifier « d’un grief résultant d’une atteinte à l’intérêt protégé par la règle dont la violation est invoquée » ;
  • L’irrégularité devra avoir eu « une influence sur le sens de la décision » 
  • « Les conséquences de la nullité pour l’intérêt social ne sont pas excessives, au jour de la décision la prononçant, au regard de l’atteinte à l’intérêt dont la protection est invoquée », le juge devra alors procéder à une mise en balance entre d’un côté des conséquences de l’irrégularité de la décision et d’un autre côté les conséquences de l’annulation de cette décision. 

Le juge pourra prononcer la nullité de la décision sociale si les trois éléments sont réunis. Si un des éléments fait défaut, alors il ne pourra pas prononcer cette nullité. 

Dans certains cas, pour les sociétés commerciales, le triple test ne sera pas applicable. C’est le cas, par exemple, dans l’hypothèse d’une transformation d’une SARL en SNC ou en société en commandite, simple ou par actions, sans l’accord unanime des associés (article 10 de l’ordonnance). Il en va de même en cas de décision de changement de nationalité de la société prise en violation de l’article L. 225-97 du code de commerce dans les sociétés anonymes (article 35 de l’ordonnance). 

En outre, il a été prévu, à l’article 8 de l’ordonnance, un encadrement des effets des nullités et de leurs risques. Notamment, les irrégularités de désignation ou de composition d’un organe social n’entraînent pas la nullité des décisions prises par cet organe. Également, le juge peut différer dans le temps les effets de la nullité lorsque celle-ci aurait des effets « manifestement excessifs pour l’intérêt social ».

Dans l’objectif « de simplifier et de clarifier le régime des nullités en matière de droit des sociétés » diverses mesures ont été prises.

Alors qu’il y a aujourd’hui deux séries de dispositions de portée générale, dans le code de commerce d’une part, et dans le code civil d’autre part, certaines dispositions sont abrogées par l’ordonnance, afin d’éviter les répétitions et les incohérences. Ainsi, les dispositions de portée générale se trouvent dans le code civil, les dispositions à vocation générale du code de commerce ayant été abrogées. Il y a aura donc une logique commune à l’ensemble des formes sociales. 

Également, cette simplification passe par une réduction des causes de nullité des sociétés : désormais, seule l’incapacité de tous les fondateurs ou la violation des dispositions fixant un nombre minimal de deux associés pourra entraîner la nullité de la société. 

De plus, alors que la loi évoquait les « actes et délibérations », ce qui amenait des incompréhensions parmi la doctrine quant à l’interprétation de ces mots, il est désormais question des « décisions sociales ou apports » (article 9 de l’ordonnance) pour désigner l’objet des nullités, réduisant ainsi les incertitudes. Les nouvelles dispositions relatives à ces « décisions sociales » valent ainsi seulement pour les décisions internes aux sociétés et non les avis, recommandations ou actes passés avec les tiers. 

Victoire CLOAREC – étudiante en Master 1 Droit des affaires et fiscalité

Sources : 

Bulletin Joly Sociétés – n°04 – page 4, du 01/04/2025

Droit des sociétés n° 4, Avril 2025, alerte 66

La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 15, 11 avril 2025, 1074

CCI Paris, Ile-de-France, « Les nouvelles règles du jeu en matière de nullité des décisions sociales » 

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