Proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir votée à l’Assemblée nationale le 27 mai 2025  

Contexte

En 2022, à la suite d’un avis favorable du Comité consultatif national d’éthique quant à l’élaboration d’une « aide active à mourir », des débats se sont ouverts. Ce comité s’exprime sur les dilemmes « éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé »

Ces débats ont commencé à émerger grâce à une convention citoyenne sur la fin de vie en 2023. Cette convention avait comme finalité d’ouvrir de manière conditionnée une aide active à mourir. Lors de ces pourparlers, l’hypothèse du suicide assisté avait aussi été envisagée.  

De plus, en avril 2024, le gouvernement avait engagé un projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. La proposition de loi de mai 2025 s’inspire de ce projet.  

Enfin, un député, en mars 2025, s’empare rigoureusement de cette thématique sur la fin de vie et rédige le texte de la proposition de loi en question. À noter qu’une proposition de loi sur l’accompagnement et les soins palliatifs, de 2025, complète celle étudiée dans cette veille. En effet, en janvier 2025, le Premier ministre avait souhaité que les sujets des soins palliatifs et de l’aide à mourir soient examinés par le Parlement dans deux textes séparés. Cette volonté de dissociation des deux textes ne connaît pas de véritable justification. Cependant, il est possible de supposer que cette séparation des deux propositions de loi permettra une meilleure compréhension de leurs enjeux respectifs. En effet, la première porte sur les soins palliatifs qui ont pour but d’aider à maintenir au maximum la qualité de vie des patients atteints d’une maladie grave et la seconde porte sur l’euthanasie et le suicide assisté, regroupés sous le terme d’aide active à mourir, deux pratiques encore interdites en France. 

Notions

L’euthanasie est définie comme étant l’acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne dans l’intention de mettre fin à une situation considérée insupportable.  

L’aide active à mourir correspond à tout acte ayant pour finalité de provoquer la mort d’une personne, à sa demande, lorsqu’elle est atteinte d’une maladie grave et incurable, en phase avancée ou terminale.  

L’euthanasie active correspond à l’administration délibérée de substances létales dans l’intention de provoquer la mort, à la demande du malade qui désire mourir, ou sans son consentement, sur décision d’un proche ou du corps médical. 

À noter que dans certains cas, et ce depuis la loi Leonetti, l’euthanasie peut être volontaire (confère les directives anticipées) ou involontaire (le médecin prend la décision, selon des conditions strictes et des cas spécifiques, à la place du patient).  

L’euthanasie passive est le refus ou l’arrêt d’un traitement nécessaire au maintien de la vie.  

Le terme d’euthanasie indirecte a été créé depuis la loi Claeys-Leonetti de 2016. Cette notion signifie qu’il est possible de plonger le patient dans une sédation profonde et continue jusqu’à sa mort.  

Le droit de mourir fait référence à une liberté individuelle de mettre fin à ses jours ou de refuser des traitements médicaux. On a le droit de choisir la mort plutôt que la vie. C’est un droit négatif, c’est-à-dire qu’il y a une absence d’interdiction de mettre fin à ses jours ou de refuser un traitement médical. À noter qu’aider quelqu’un à se suicider est illégal en France, selon l’article 223-13 du code pénal qui dispose que « le fait de provoquer au suicide d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou  d’une tentative de suicide ».  

Le droit à mourir désigne une véritable revendication active d’une aide médicale ou juridique pour mourir. C’est un droit positif, cela constitue une demande de la part d’un individu que l’État ne peut refuser de lui garantir.  

Le suicide assisté est une procédure dans laquelle le patient accomplit lui-même l’acte mortel, guidé par un tiers qui lui a auparavant fourni les renseignements et/ou les moyens nécessaires pour se donner la mort. À noter que dans certains pays cette pratique est ouverte aux individus mêmes non malades.  

Ainsi, le choix des mots est un débat très important qu’il ne faut pas négliger. Le terme « droit à  l’aide à mourir » n’a pas été choisi au hasard et afin de comprendre plus en détails l’apport de ces  mots, il convient d’analyser le corps du texte pour savoir si les individus peuvent jouir totalement  de leur capacité à choisir de leur mort. 

Corps du texte

Selon l’article premier de cette proposition de loi, « le droit à l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans  les conditions et selon les modalités prévues, afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas  physiquement en mesure d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier ». Par le biais de cette définition, il est entendu que le droit à l’aide à mourir se définit comme étant un acte d’assistance pour les patients voulant mettre fin à leurs jours. La définition employée est ainsi à mi-chemin entre le suicide assisté médical et l’euthanasie.  

En outre, ce droit à l’aide à mourir reste très encadré. En effet, les personnes voulant y recourir doivent remplir un certain nombre de conditions (confère article 4 sous section 2 de la proposition) :  

  • Être âgé d’au moins dix-huit ans ;
  • Être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France ;
  • Être atteint d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou en phase terminale ;
  • Présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle-ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir ;
  • Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

De surcroît, un point intéressant est à soulever à l’article 6 de la proposition. Celui-ci dispose « La  décision sur la demande d’aide à mourir est prise par le médecin à l’issue de la procédure collégiale ». Cette phrase tend à rejoindre l’argumentaire selon lequel le médecin devrait avoir le dernier mot quant à la fin de vie du patient. Ceci étant, il est ajouté, au paragraphe 13 de l’article 6 qu’ « après un délai de réflexion d’au moins deux jours à compter de la notification de la décision, la personne confirme au médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale ». Cette phrase très importante et significative replace au cœur du sujet le fait que le choix appartient d’abord au patient. Toutefois, il reste à analyser, dans la pratique, l’évolution de cette procédure collégiale afin de constater si celle-ci constitue un frein ou non à la volonté du patient. 

Enfin, l’article 14 de la proposition prévoit une clause de conscience pour les médecins. En effet, cet article prévoit que « le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer à la mise en œuvre de ces dispositions doit informer sans délai la personne de son refus et lui communiquer le nom de professionnels de santé disposés à participer à cette mise en œuvre ». Ainsi, cette clause de conscience doit toujours continuer à garantir au patient la mise en œuvre de son choix. 

De plus, afin de garantir ce droit à mourir que possèdent les patients, l’article 17 de la proposition prévoit la création d’un délit d’entrave qui « puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir »

Ainsi, cette proposition de loi est novatrice du fait qu’elle a permis de concrétiser des pourparlers datant des années 1970. Il convient ainsi d’étudier les enjeux liés à ce texte de 2025. 

Enjeux du texte

Pour véritablement comprendre cette proposition de loi, il faut comprendre que celle-ci s’inscrit dans un débat éthique. En effet, c’est dans les années 1970 que le débat prend forme. Lors de cette période, le progrès scientifique est important. De nombreuses personnes ont pu, grâce à l’apparition de nouveaux médicaments et de nouvelles pratiques médicales, continuer à vivre. Mais à quel prix ? Ce progrès scientifique a permis à beaucoup de personnes d’être « sauvées » de la mort et non d’être guéries de leur maladie. On parlera alors souvent d’acharnement thérapeutique

Ainsi, en 1974 un Manifeste en faveur du droit à l’euthanasie va être créé. Ce texte aura pour objectif d’améliorer la condition humaine et d’apporter une réponse à un désespoir. On pourra parler d’euthanasie humanitaire.  

La véritable épine dorsale de ce sujet repose sur l’affaire Vincent Humbert. Réclamant le droit de pouvoir mourir dans la dignité, il avait écrit au président de la République. Laissée sans véritable réponse, la mère de Vincent Humbert a tenté d’aider son fils à mourir par le biais de médicaments. Désormais plongé dans le coma, le jeune homme était maintenu artificiellement en vie contre sa volonté. Finalement, le corps médical décida de l’aider à partir. Par la suite, Madame Humbert et le docteur principal dans cette affaire furent poursuivis par la justice, avant d’obtenir un non-lieu.  

Au travers de cette affaire, on comprend explicitement l’enjeu de la proposition de loi de 2025. En effet, celle-ci veut mettre en lumière la souffrance de milliers de personnes, que ce soit celle des patients, de leurs familles mais aussi celle du corps médical. Cette proposition s’inscrit dans une volonté éthique de mettre en lumière ceux que l’on a, pendant longtemps, pas écoutés…

L’affaire Humbert marquera l’élaboration de la loi Leonetti de 2005 instaurant le droit au laisser mourir, aussi appelé l’euthanasie passive. En son article premier, la loi Leonetti dispose que « ces actes (médicaux) ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris ». En outre, cette loi encadre rigoureusement la pratique de l’euthanasie passive par le bais de strictes conditions. À titre d’exemple, la procédure n’est valide que si des directives anticipées ont été établies par le patient. En 2005, ces directives n’étaient valables que 3 ans et n’avaient qu’une valeur indicative pour les médecins.  

Cette loi de 2005 évoluera et donnera naissance en 2016 à la loi Claeys-Leonetti qui permettra de préciser les modalités de la fin de vie des patients. À titre d’exemple, cette loi permet de reconnaître le caractère contraignant des directives anticipées pour les médecins et la possibilité d’administrer une sédation jusqu’au décès du patient (la sédation n’entraîne pas la mort, mais permet d’atténuer la souffrance).  

Enfin, l’affaire Vincent Lambert sera elle aussi un véritable pivot du débat sur la fin de vie. À la suite d’un accident de la route survenu en 2008, Vincent Lambert plonge dans un état végétatif chronique. Les membres de sa famille sont en conflit concernant la volonté de mettre médicalement fin à sa vie. Plusieurs décisions de justice ont, les unes à la suite des autres, suspendues puis validées l’arrêt des traitements, sans que l’état du patient ne s’améliore ou ne se dégrade. En 2019, Vincent Lambert décède, après quelques jours, des suites de l’arrêt de son alimentation.  

Ainsi, ce sont toutes ces affaires ayant ému la France qui ont permis d’arriver à la création de cette aide à mourir. Cette proposition a pour enjeu de répondre au mal-être de nombreuses personnes souffrantes. Ce texte de 2025 répond aux affaires susvisées en prenant en compte le manque de considération que ces personnes malades ont subi. Ces affaires permettent aussi de comprendre le nombre de votants « pour » cette proposition à l’Assemblée nationale. En effet, ce 27 mai 2025, 305 voix ont voté pour la proposition, contre 199 contre et 57 abstentions. Ces chiffres montrent à quel point cette proposition de loi était attendue et importante aux yeux du peuple français. 

À retenir

En conclusion, il est possible d’affirmer que cette proposition de loi constitue l’élaboration d’une euthanasie active. Cela ouvre la porte à plus de tolérance envers les patients souhaitant mourir. À noter qu’on ne parle en l’espèce que de personnes malades. A contrario où dans certains pays, tels que la Suisse, il est possible de courir au suicide assisté, sans forcément être atteint d’une maladie.  

En outre, il faudra attendre la fin de la procédure de la navette parlementaire et donc, entre autres, la délibération au Sénat à l’automne 2025, afin de constater comment évolue cette proposition de loi.

Selon la ministre de la Santé française, le texte pourrait être adopté définitivement d’ici à 2027.  

Marine GOURWITZ – étudiante en Master 1 Droit public, Métiers des contentieux publics et du Droit public général

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