Proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur

« Depuis les attentats terroristes du 7 octobre 2023 en Israël, le nombre d’actes antisémites en milieu scolaire en France augmente de manière préoccupante » (1). C’est ce dont fait état une étude menée par l’Ifop (2), le Crif (3) et la fondation Jean Jaurès. Cette étude démontre que les actes antisémites sont de plus en plus répandus en France, mais également que cet antisémitisme se manifeste chez les plus jeunes, comme l’illustre l’affaire du viol d’une jeune fille de 12 ans à Courbevoie. Pour l’année 2023-2024, quelque 1 670 actes antisémites ont été recensés. 12,2 % d’entre eux l’ont été en milieu scolaire (4).

Dès lors, une proposition de loi visant à enrayer cette montée de l’antisémitisme en France a été déposée par plusieurs sénateurs le 10 octobre 2024. Suite à l’engagement de la procédure accélérée sur ce texte par le Gouvernement, cette proposition de loi a été adoptée le 20 février 2025 avec modifications par le Sénat, avant d’être adoptée par l’Assemblée nationale le 7 mai 2025. Enfin, le Sénat a adopté les conclusions de la commission mixte paritaire à l’unanimité le 19 juin dernier. L’Assemblée nationale ne s’est pas encore prononcée sur ces conclusions.

Cette loi entend « faire de la lutte contre l’antisémitisme un combat spécifique et visibilisé dans la prévention et la répression des violences et des discriminations, en s’appuyant sur des dispositifs déjà mis en œuvre par les établissements pour lutter contre le racisme et les violences sexuelles et sexistes. » (4). 

Concrètement, cette proposition de loi inclut trois chapitres. Le premier mentionne l’obligation de formation des établissements envers les jeunes (I), le second, la prévention, la détection et le signalement des actes antisémites survenant dans l’enseignement supérieur (II), quand le dernier mentionne les procédures disciplinaires (III).

I. Mission des établissements de formation à la lutte contre l’antisémitisme

La proposition de loi modifie le code de l’éducation en y intégrant une obligation de formation « à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine » des professeurs des écoles, collèges, lycées, et établissements d’enseignement supérieur. 

Par exemple, l’article L.121-1 du code de l’éducation, indiquant les missions du service public de l’enseignement, mentionnera que les écoles, collèges, lycées et établissements d’enseignement supérieur se verront désormais assurer une « formation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme ».

L’obligation de formation sera étendue aux établissements privés d’enseignement supérieur qui n’étaient jusqu’alors pas concernés par celle-ci. Elle s’imposera également aux « membres de la communauté universitaire en contact direct avec les difficultés rencontrées sur le terrain » (le Sénat précise que cette obligation vaudra notamment pour les élus étudiants, les référents antisémitisme et racisme ou encore les personnes assurant le recueil des signalements). Enfin, les futurs professeurs se verront également dispenser cette formation par les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation. Les objectifs de cette formation ne sont pas encore formalisés dans le code de l’éducation.

II. Prévention, détection et signalement des actes antisémites survenant dans l’enseignement supérieur

La proposition de loi vise à renforcer les obligations des établissements d’enseignement supérieur en matière de lutte contre l’antisémitisme (et plus généralement contre le racisme). Pour ce faire, elle propose l’introduction d’une mission « égalité et diversité » remplaçant la mission « égalité entre les hommes et les femmes » mentionnée à l’article L. 712-2 du code de l’éducation. 

Cette première disposition s’accompagne d’une seconde mesure obligeant la désignation d’un référent « racisme et antisémitisme » au sein des établissements. Si le ministère de l’Enseignement comptait environ 250 référents en avril 2025 et que ces derniers sont régis par une circulaire du 9 janvier 2024, la proposition de loi tend à rendre contraignant la désignation et les missions de ce référent. Il devra notamment tenir actif un dispositif de signalements anonymes et transmettre les statistiques recueillies pour information au Parlement.

III. Sanctions disciplinaires 

La proposition de loi prévoit enfin des sanctions disciplinaires condamnant notamment les actes antisémites et racistes.

En établissant une liste indicative et non exhaustive des motifs permettant d’engager des poursuites disciplinaires à l’encontre des usagers de l’université, la proposition de loi permet de sanctionner les actes antisémites, racistes, discriminatoires ou encore d’incitation à la haine ou à la violence. 

Actuellement, le droit positif permet seulement d’appliquer le régime disciplinaire contenu au sein du code de l’éducation : 

  • à une « fraude ou d’une tentative de fraude commise notamment à l’occasion d’une inscription, d’une épreuve de contrôle continu, d’un examen ou d’un concours » ;
  • à «  tout fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’université ». 

Aucune mention aux actes antisémites ou racistes n’est faite dans cet article (6). 

Le président de l’université ou le directeur de l’établissement pourra également adopter des mesures conservatoires à l’encontre de l’usager de l’université faisant l’objet d’une poursuite disciplinaire.

De plus, la proposition de loi élargit les champs de compétence des instances disciplinaires, englobant explicitement les actes antisémites. 

Enfin, la proposition de loi tend à la meilleure prise en compte des victimes (notamment en les informant du déroulé de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre de leur(s) agresseurs(s) et au renforcement des pouvoirs d’investigation des présidents d’établissement d’enseignement supérieur en leur permettant notamment « de dépayser » la procédure disciplinaire en ayant recours à une instance spécifique présidée par un magistrat administratif dont les modalités seront fixées par décret.

Andréa GOURRIER – étudiante en Master 2 Droit public, Services et politiques publiques

  1. « L’école de la République à l’épreuve de la montée de l’antisémitisme », Valérie Boussard, Deborah Elalouf, François Kraus, Iannis Roder, 05/03/2025
  2. Ifop : institut français d’opinion publique
  3. Crif : Conseil de représentation des institutions juives
  4. Retour sur le colloque : « L’École de la République à l’épreuve de la montée de l’antisémitisme » | Crif – Conseil Représentatif des Institutions Juives de France
  5. Lutte contre l’antisémitisme enseignement supérieur Proposition de loi | vie-publique.fr
  6. Article R. 811-11 – code de l’éducation – Légifrance : article énumérant les cas dans lesquels il est possible d’engager une procédure disciplinaire.

Sources : 

Proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur

L’école de la République à l’épreuve de la montée de l’antisémitisme – Fondation Jean-Jaurès

Lutte contre l’antisémitisme à l’université : la proposition de loi définitivement adoptée à l’unanimité au Sénat – Public Sénat

Retour sur le colloque : « L’École de la République à l’épreuve de la montée de l’antisémitisme » | Crif – Conseil Représentatif des Institutions Juives de France

Lutte contre l’antisémitisme enseignement supérieur Proposition de loi | vie-publique.fr

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