La taxation d’après les signes extérieurs de richesse (article 168 du code général des impôts)

Dans le cadre d’une procédure de rectification contradictoire des impôts déclaratifs, il est nécessaire de constituer une proposition de rectification. Celle-ci est soumise à un régime particulier lorsque l’administration fiscale décide d’évaluer les revenus imposables en fonction des signes extérieurs de richesse prévus à l’article 168 du code général des impôts (CGI). Ce système est celui de la taxation d’après les « signes extérieurs ».

Cet article trouve ses origines dans la loi du 15 juillet 1914, laquelle a fait l’objet de plusieurs réformes au fil des années. Le décret du 21 avril 1939 a donné naissance à l’article 168, qui a, depuis, été modifié à diverses reprises, notamment par la loi du 29 décembre 1989.

L’article 168 du CGI dispose : 

« 1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d’un contribuable et ses revenus, la base d’imposition à l’impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après, lorsque cette somme est supérieure ou égale à 52 867 euros. […]

2 bis. La disproportion marquée entre le train de vie d’un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l’application du barème prévu au 1 excède d’au moins un tiers, pour l’année de l’imposition, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l’impôt par l’application d’un prélèvement. »

L’administration fiscale doit donc réunir deux conditions afin d’appliquer cette taxation forfaitaire : 

  • Une évaluation forfaitaire, résultant de l’application du barème de l’article 168 du CGI, supérieure ou égale à 52 867 euros ; 
  • L’existence d’une disproportion marquée entre le train de vie du contribuable et ses revenus. La disproportion est réputée établie lorsque l’évaluation forfaitaire excède d’au moins un tiers, pour l’année d’imposition, le montant du revenu net global déclaré.

À noter que la limite de la base forfaitaire est réévaluée chaque année afin de prendre en compte l’inflation, tout comme l’impôt sur le revenu.

  • Les signes extérieurs de richesse :

La taxation, par le biais de ce mécanisme, est possible dès lors qu’il y a une « disproportion marquée entre le train de vie d’un contribuable et ses revenus ». Cette disproportion marquée est déterminée à partir de forfaits, distincts en fonction du signe extérieur. Ces signes correspondent à des éléments qui permettent d’analyser le train de vie du contribuable.

L’article 168 du CGI a élaboré une liste limitative de douze éléments

  • La valeur locative cadastrale de la résidence principale ; 
  • La valeur locative cadastrale des résidences secondaires ; 
  • Les employés de maison ; 
  • Les voitures automobiles destinées au transport des personnes ; 
  • Les motocyclettes de plus de 450 cm3 ; 
  • Les yachts ; 
  • Les bateaux de plaisance ;
  • Les avions de tourisme ; 
  • les chevaux de courses ;
  • Les chevaux de selle ;
  • Les locations de droits de chasse et les participations dans les sociétés de chasse ; 
  • La participation à un club de golf et l’abonnement payé.

Le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur ces signes en retenant qu’ils constituent des « critères objectifs et rationnels » en fonction de l’objectif à valeur constitutionnelle poursuivi : la lutte contre la fraude fiscale (décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011).

Il convient de souligner que la simple libre disposition, même partielle au cours de l’année, des indices visés dans la proposition de rectification par un membre du foyer fiscal, suffit à justifier une imposition. Les contribuables peuvent ainsi être taxés sur ces signes extérieurs de richesse, indépendamment de leur qualité de propriétaire. De la même manière, les indices situés à l’étranger sont également intégrés dans le calcul de l’imposition.

  • La notion de disproportion marquée :

La disproportion est l’élément essentiel de cette taxation, elle doit être marquée. Tel est le cas dès lors que la somme forfaitaire obtenue par l’application du barème est supérieure à un tiers du revenu net global déclaré par le contribuable. De manière plus précise, ce calcul doit prendre en compte les revenus exonérés et les revenus taxés à un taux proportionnel ou à un prélèvement libératoire.

Le contribuable a la possibilité de contester le calcul réalisé par l’administration fiscale. En effet, il peut démontrer que ses revenus, son capital ou ses emprunts ont permis de financer son train de vie (CE, 27 octobre 2008, n°294160). En d’autres termes, le contribuable doit prouver qu’il a assuré son train de vie grâce à des ressources inférieures à celles qui résultent du forfait de l’administration fiscale. Le juge a également admis que le contribuable pouvait apporter une preuve partielle afin d’obtenir une décharge partielle des redressements.

  • Les conséquences du calcul forfaitaire par l’administration :

Dès l’instant où un revenu a été fixé par le biais de l’article 168 du CGI, celui-ci devient la base d’imposition nette de l’administration fiscale.

À la suite de la décision du Conseil constitutionnel précitée (décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011), la majoration de 50 % qui était prévue au 2 de l’article 168 n’est plus applicable. En effet, les juges constitutionnels ont considéré qu’elle était contraire au principe d’égalité devant les charges publiques. Cette majoration, ne reposant sur aucun critère objectif et rationnel, entraînait une imposition sans lien avec les capacités contributives des contribuables.

La mise en œuvre de l’article 168 du CGI s’effectue obligatoirement selon la procédure de rectification contradictoire.

  • Exemple chiffré :

Un contribuable a une résidence principale dont la valeur cadastrale est de 6 000 euros et une voiture de luxe estimée à 50 000 euros. Il a déclaré 30 000 euros de revenus nets annuels.

Il est nécessaire de multiplier par 5 la valeur de la résidence principale : 6 000 x 5 = 30 000 euros. 

En ce qui concerne la voiture de luxe, après 3 ans d’utilisation, la valeur est soumise à un abattement de 50 % : 50 000 x 50 % = 25 000 euros.

Le contribuable déclare 30 000 euros, mais son train de vie est estimé à 55 000 euros (30 000 + 25 000). Un tiers de 30 000 euros équivaut à 10 000 euros, ce qui signifie que le train de vie du contribuable calculé par l’administration fiscale ne doit pas dépasser 40 000 euros. Cependant, cela n’est pas le cas puisque l’administration fiscale a évalué ce dernier à 55 000 euros. Cette dernière peut donc imposer le contribuable sur la base de ces 55 000 euros.

Noémie PIERMANT – étudiante en Master 1 Droit des affaires et fiscalité

Sources :

Contrôle fiscal : la proposition de rectification, Village Justice : https://www.village-justice.com/articles/controle-fiscal-proposition-rectification,32284.html

Contrôle fiscal – Procédure du contrôle fiscal, Dalloz 

Mémento Pratique Fiscal 2023, Éditions Francis Lefebvre, p. 127

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *