La dette douanière est définie à l’article 5.18 du code des douanes de l’Union (CDU) comme : « L’obligation pour une personne de payer le montant des droits à l’importation ou à l’exportation applicables à une marchandise donnée en vertu des dispositions en vigueur. »
Elle naît dans plusieurs circonstances, notamment lors de l’importation de marchandises de pays tiers (article 77 CDU), ou en cas de non-respect des règles dans le cadre d’un régime douanier suspensif (article 79 CDU).
L’assiette de la dette douanière correspond à l’ensemble des éléments permettant de déterminer le montant des droits et taxes dus sur une marchandise. Elle regroupe donc l’ensemble des éléments permettant de déterminer le montant exact des droits et taxes dus lorsqu’une dette douanière naît.
L’assiette de la dette douanière repose sur trois éléments interdépendants : l’espèce, la valeur en douane et l’origine des marchandises.
1. L’espèce tarifaire
L’espèce tarifaire, qui désigne le classement d’une marchandise dans la nomenclature douanière, est un élément fondamental pour déterminer les droits de douane applicables, ainsi que les éventuelles mesures de politique commerciale (restrictions, quotas, normes, etc.).
Le classement s’effectue selon le Système harmonisé (SH), une nomenclature internationale à six chiffres établie par l’Organisation mondiale des douanes (OMD). Sur cette base, l’Union européenne a développé la Nomenclature combinée (NC) à huit chiffres, complétée par le Tarif intégré de l’Union européenne (TARIC), qui peut aller jusqu’à dix chiffres pour intégrer les mesures spécifiques à l’UE.
Chaque marchandise est ainsi rattachée à une position tarifaire précise, dont découle non seulement le taux de droit de douane, mais aussi l’application d’autres obligations réglementaires.
Le classement tarifaire des produits doit être effectué conformément aux règles d’interprétation de la nomenclature, fondées sur une hiérarchie stricte. Ces règles permettent une interprétation uniforme des positions tarifaires, en tenant compte notamment de la désignation des produits, de leur composition, de leur fonction et de leur destination. Cette hiérarchie repose sur les règles générales pour l’interprétation du SH, appliquées dans un ordre déterminé, qui garantissent la cohérence et la sécurité juridique du classement.
Le tarif douanier est commun à tous les États-membres de l’UE, assurant ainsi une uniformité du traitement douanier quel que soit le point d’entrée des marchandises sur le territoire douanier de l’Union (article 56 CDU).
Il comprend les droits conventionnels, les préférences tarifaires issues d’accords internationaux, ainsi que les mesures non-tarifaires comme les restrictions quantitatives ou les exigences sanitaires.
À noter que toute erreur de classement peut entraîner un redressement douanier, assorti d’intérêts de retard (article 112 CDU), voire de sanctions administratives.
En cas de doute ou de besoin de sécurisation juridique, les opérateurs peuvent demander un Renseignement tarifaire contraignant (RTC), qui engage juridiquement les autorités douanières sur une durée de trois ans.
Les décisions de RTC sont publiées dans une base de données européenne accessible en ligne (Base EBTI), assurant transparence et égalité de traitement. Le RTC, prévu à l’article 33 du CDU, n’est contraignant que pour les marchandises concernées et à l’égard de leur titulaire. Il constitue un outil central pour sécuriser les classements tarifaires en amont.
2. La valeur en douane
La valeur en douane est essentielle pour déterminer les droits et taxes dus lors de l’importation ou de l’exportation de marchandises.
Selon l’article 69 du CDU, la valeur en douane est déterminée conformément aux règles spécifiques du code. La méthode principale est la valeur transactionnelle, définie à l’article 70 du CDU comme le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation vers le territoire douanier de l’Union.
Cette valeur peut être ajustée pour inclure certains éléments tels que les commissions, les frais de transport et d’assurance jusqu’au lieu d’entrée dans l’Union.
En l’absence de vente ou en cas de rejet de la valeur transactionnelle, des méthodes secondaires sont prévues à l’article 74 du CDU, telles que la valeur de marchandises identiques ou similaires, la méthode déductive, la méthode de la valeur calculée ou la méthode du dernier recours.
La détermination correcte de la valeur en douane est un enjeu stratégique, notamment pour les opérateurs soumis à des droits “ad valorem” pouvant représenter un coût substantiel. Les ajustements doivent se fonder sur les articles 71 et 72 CDU, qui précisent les éléments à ajouter ou à exclure (tels que les redevances, les frais emballages et les frais postérieurs à l’importation, etc.).
Le non-respect des règles de valorisation peut également faire l’objet d’un contrôle a posteriori, conformément à l’article 48 CDU.
La valeur en douane est principalement régie par les articles 70 à 76 CDU et repose sur les principes posés dans l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VII du GATT de 1994. Elle vise à refléter la valeur économique réelle de la marchandise au moment de son importation.
Pour être acceptable, la valeur transactionnelle ne doit pas être entachée de restrictions, de contreparties non quantifiables ou de liens commerciaux influençant le prix (article 70, §3 CDU).
En cas de doute sur l’influence d’un lien entre acheteur et vendeur, l’administration douanière peut exiger que l’importateur démontre que la valeur est conforme aux conditions du marché. Le rejet de cette valeur entraînera l’application d’une méthode secondaire.
Les redevances et droits de licence doivent être intégrés dans la valeur si leur paiement conditionne la vente de la marchandise (article 71, §1, c CDU).
3. L’origine des marchandises
L’origine des marchandises est un critère déterminant pour l’application des droits de douane et des mesures commerciales. Il convient de distinguer la provenance (dernier lieu d’expédition) de l’origine (pays où la marchandise a été fabriquée ou transformée de manière substantielle).
On distingue également :
- L’origine non-préférentielle, utilisée pour les statistiques, embargos et droits antidumping ;
- L’origine préférentielle, qui permet de bénéficier d’avantages tarifaires dans le cadre d’accords commerciaux conclus par l’UE.
L’origine est déterminée selon plusieurs critères. Une marchandise est considérée comme entièrement obtenue dans un pays si elle est issue de matières premières locales. Si plusieurs pays interviennent dans sa fabrication, elle est réputée originaire du pays où elle a subi sa dernière transformation substantielle, c’est-à-dire une modification économique justifiée, réalisée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à un nouveau produit ou à un stade avancé de fabrication.
Certaines opérations, comme l’emballage, l’étiquetage ou le simple assemblage de composants, ne sont pas suffisantes pour conférer une origine.
Dans le cadre des accords préférentiels (comme le CETA ou l’accord UE-Corée), l’origine doit être justifiée par un certificat (EUR.1, déclaration d’origine) ou un enregistrement dans le système REX (Registered Exporter System).
Une origine mal déterminée peut entraîner une remise en cause de l’exonération tarifaire, voire un redressement avec des pénalités.
Les règles de détermination de l’origine sont définies aux articles 59 à 61 du CDU et précisées par le règlement d’exécution (RDC). La transformation substantielle doit respecter quatre critères cumulés : un caractère substantiel, une justification économique, la réalisation dans une entreprise équipée à cet effet et la création d’un produit nouveau ou à un stade avancé.
Des listes d’opérations insuffisantes, comme le simple conditionnement ou le triage, sont énumérées à l’article 34 du RDC.
Conclusion
Les trois piliers, que sont l’espèce, la valeur en douane et l’origine, constituent l’assiette de la dette douanière. Leur interdépendance permet aux acteurs du secteur d’optimiser les droits de douane.
L’anticipation, la documentation complète et la maîtrise des outils juridiques disponibles (RTC, certificats d’origine, accords préférentiels, valeurs de substitution) sont essentielles pour sécuriser les opérations et limiter les risques de redressement.
La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne joue un rôle crucial dans l’interprétation uniforme des règles douanières, notamment en matière de classement tarifaire, de détermination de l’origine et d’évaluation des prix de transfert.
Ajuko AYITE – étudiant en Master 1 Droit international, douanes et transports
Sources :
- Code des douanes de l’Union
- Règlement d’exécution du CDU (REC)