La notion d’avantage matrimonial se caractérise par le flou qui l’entoure. En effet, aucune définition n’est prévue par le législateur et les auteurs ne sont pas tous d’accord sur la définition à retenir. Cette difficulté résulte du fait qu’il existe deux grandes règles applicables aux avantages matrimoniaux qui sont très différentes. Il faut dors et déjà exclure tout avantage matrimonial en présence de deux partenaires pacsés puisque la lettre, mais aussi la place de l’article 1527 du code civil démontre que cette notion ne vaut que pour les époux.
I. Notion d’avantage matrimonial
Définition :
Le code civil ne donne aucune définition positive de l’avantage matrimonial. Le premier alinéa de l’article 1527 du code civil prévoit que les avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations.
Les auteurs et la jurisprudence s’accordent, en général, pour déduire de la disposition précitée une définition négative de cette notion. En effet, le législateur procède à une disqualification juridique en énonçant que les avantages matrimoniaux ne sont pas des donations. Ainsi, l’avantage matrimonial ne nécessite pas de rechercher l’intention libérale. La définition la plus large retrouvée en doctrine consiste à dire qu’il y a avantage matrimonial toutes les fois qu’un époux se voit conférer par son régime matrimonial une faveur par rapport à son conjoint (bien que cette définition fasse l’objet de controverses). En réalité, la définition de l’avantage matrimonial est incertaine.
Exemple d’avantages matrimoniaux : La stipulation de parts inégales et la clause d’attribution intégrale sont des avantages matrimoniaux, car ils procurent un avantage à l’époux qui bénéficie de ces clauses résultant du régime matrimonial des époux (article 1525 du code civil). L’exemple d’avantage matrimonial le plus criant est la clause d’attribution intégrale de la communauté.
Régimes matrimoniaux concernés :
Pour déterminer si un régime matrimonial génère un ou plusieurs avantages matrimoniaux, il est nécessaire de se référer à une norme de référence neutre, c’est-à-dire un régime de référence qui, par lui-même, ne produirait aucun avantage matrimonial. Dès lors, tout écart par rapport à cette norme de référence permettrait d’identifier les avantages matrimoniaux. Sur ce point, la doctrine est, à nouveau, divisée. Quelles normes retenir comme référence ? Quel régime peut véritablement être considéré comme dépourvu de tout avantage matrimonial ?
D’un point de vue textuel, l’article 1527 du code civil évoque les régimes de communauté conventionnels ou la confusion du mobilier et des dettes : il est alors possible d’en déduire que seuls les régimes de communauté conventionnels (dans ce cas, l’existence d’un avantage matrimonial nécessiterait un contrat de mariage) ou la confusion du mobilier et des dettes seraient susceptibles de créer des avantages matrimoniaux. La question fait débat au sein de la doctrine. Cette dernière admet, de manière générale, que le régime de participation aux acquêts, bien qu’étant un régime non communautaire, est susceptible d’être créateur d’avantages matrimoniaux. Le régime de séparation des biens, en revanche, exclu par principe l’existence de ces derniers.
Ainsi, il est souvent affirmé que le régime légal ou le régime de séparation des biens, suivants les cas, peuvent servir de modèle de référence car ils ne procureraient, tous deux, aucun avantage matrimonial. Pour identifier un avantage matrimonial, il conviendrait donc de comparer le régime matrimonial des époux avec les effets qu’aurait produit l’adoption du régime légal ou séparatiste. Exemple : une clause prévoyant un partage inégal de la masse commune est nécessairement un avantage matrimonial, puisque, d’après le modèle du régime légal, le partage aurait dû être égalitaire.
Si la notion fait l’objet d’autant de débats doctrinaux, c’est parce que le régime juridique de l’avantage matrimonial obéit à des règles bien différentes selon les situations.
II. Régime de l’avantage matrimonial
Caractère onéreux :
L’avantage matrimonial a, en principe, un caractère onéreux (article 1527 du code civil). Dès lors, il échappe aux régimes juridiques des libéralités. L’avantage matrimonial n’est donc pas soumis à l’action en réduction des libéralités, il n’est pas rapportable et surtout, il échappe aux droits de mutation à titre gratuit.
Action en retranchement : Sort de l’avantage matrimonial dans le cadre d’une succession
Cette présomption d’onérosité de l’avantage matrimonial est entachée d’une exception pour les enfants non issus des deux époux. L’avantage matrimonial pourra donc être retranché s’il est excessif, c’est-à-dire lorsqu’il excède la quotité disponible spéciale. Dans ce cas, il peut faire l’objet d’une action en retranchement, qui s’apparente à une action en réduction à la différence près qu’elle vise un avantage matrimonial et non une libéralité. Il existe une exception à cette exception. Depuis la loi du 23 juin 2006, l’enfant non issu des deux époux peut renoncer à demander la réduction de l’avantage matrimonial excessif avant le décès de l’époux survivant (troisième alinéa de l’article 1527 du code civil).
Dans le cadre successoral, l’avantage matrimonial est appréhendé de manière globale. Ainsi, pour identifier un éventuel avantage matrimonial et, le cas échéant, savoir s’il est excessif, il faudra procéder à la méthode dite “de la double liquidation”. Il faudra liquider le régime matrimonial tel que les époux l’ont prévu. Puis, liquider fictivement le régime matrimonial tel qu’il aurait été liquidé sous le régime de référence. La comparaison entre les deux permettra d’identifier les éventuels avantages matrimoniaux afin de savoir, in fine, s’ils excèdent la quotité disponible spéciale.
Sort des avantages matrimoniaux en cas de divorce :
En cas de divorce, l’avantage matrimonial est appréhendé de manière particulière, c’est-à-dire clause par clause.
Le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage. Exemple : la communauté universelle est un avantage qui prend effet au cours du mariage. Le divorce ne remettra donc pas en cause cet avantage consenti par les époux.
En revanche, le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort. Exemple : la clause d’attribution intégrale de la communauté est un avantage matrimonial qui ne prend effet qu’au décès de l’un des époux. Ainsi, cet avantage sera révoqué de plein droit en cas de divorce puisque les époux avaient envisagé cet avantage dans la perspective où ils resteraient ensemble jusqu’à leur mort.
Il existe cependant une exception : le divorce emporte révocation sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis. Cette volonté est exprimée dans la convention matrimoniale ou constatée dans la convention signée par les époux et contresignée par les avocats ou par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocables l’avantage ou la disposition maintenus.
La clause alsacienne (= clause permettant aux époux de reprendre leurs apports de biens propres à la communauté en cas de divorce) a spécialement été envisagée par le législateur. En principe, c’est une clause prenant effet à la dissolution, mais qui a été prévue par les époux justement pour se prémunir du divorce. Dans ce cas, le législateur prévoit expressément que, si le contrat de mariage le prévoit, les époux pourront toujours reprendre les biens qu’ils auront apportés à la communauté.
Bon à savoir : la nouvelle indignité matrimoniale
La loi du 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille est venue combler une lacune. En effet, cette loi introduit l’indignité matrimoniale. Avant cette loi, l’époux qui tuait son conjoint bénéficiait toujours des avantages matrimoniaux tirés de son régime matrimonial. L’avantage matrimonial n’étant ni un effet successoral, ni une libéralité, celui-ci échappait à l’indignité successorale et à la révocation pour ingratitude. Tel n’est plus le cas aujourd’hui depuis l’instauration des articles 1399-1 et suivants dans le code civil. Ils prévoient les cas où l’époux peut être déchu des avantages matrimoniaux. Par exemple, l’époux condamné, comme auteur ou complice, pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort à son époux ou pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort de son époux sans intention de la donner est, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, déchu de plein droit du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et qui lui confèrent un avantage (article 1399-1 du code civil).
Attention : À la différence de l’indignité successorale, aucun pardon n’a été prévu par la loi.
Apolline PERROT – Étudiante en Master 2 Droit privé général
Bibliographie indicative
R. Cabrillac, Droit des régimes matrimoniaux, LGDJ, éd. n°13, 2023
Q. Guiguet-Schielé, La distinction des avantages matrimoniaux et des donations entre époux : Essai sur une fiction disqualificative, Dalloz, 2015 (thèse)
P. Malaurie, L. Aynés, N. Peterka, Droit des régimes matrimoniaux, LGDJ, éd. n°9, sept. 2023
Q. Monget, « « Loi pour une justice patrimoniale » : du renouveau dans les régimes matrimoniaux », D. actu., 2024
É. Rousseau, « De l’existence du critère fondamental de l’avantage matrimonial », in Mélanges G. Champenois, Defrénois, 2012. p. 711 s.
F. Terré et P. Simler, Régimes matrimoniaux et statut patrimonial des couples non mariés, Dalloz,éd. n°9, 2023B. Vareille, V° « Avantage matrimonial », Rép. civ. Dalloz, 2013