Netsuke en ivoire, traitements de médecine traditionnelle asiatique à base de cornes de rhinocéros, coiffes traditionnelles amérindiennes en plumes d’aigle royal, écailles de tortues marines, maroquinerie en crocodile, manteau de fourrure, instruments de musique en bois tropicaux… Leur point commun ? Être source d’un commerce international légal comme illégal d’espèces protégées par un accord intergouvernemental : la « CITES ».
1. Qu’est-ce que la CITES ?
Garantir la survie de la biodiversité en assurant un commerce durable, légal et traçable, là est le principal objectif de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction en vigueur depuis le 1er juillet 1975, tandis que les préoccupations environnementales étaient encore nouvelles dans les discussions internationales.
En droit communautaire, ce sont deux règlements du Conseil du 9 décembre 1996 et du 4 mai 2006, qui ont permis l’application de ces mesures protectrices sur le territoire.
Également connue sous l’appellation de la « Convention de Washington », elle rassemble aujourd’hui 185 États dont les États-Unis, le Nigeria, l’Équateur, le Canada, le Brésil, la Finlande, la France ou encore la Chine. Ensemble, les États parties veillent à prendre des mesures afin d’encadrer le commerce légal et de lutter contre le trafic illicite d’espèces animales et végétales, reconnu comme le plus lucratif après celui d’êtres humains et de drogues (environ 20 milliards de dollars).
En effet, la surexploitation des espèces sauvages étant l’une des principales causes de la disparition de la biodiversité, il est nécessaire de s’assurer que la satisfaction de besoins esthétiques (objets de luxe ou de collection), médicinaux, alimentaires ou ludiques (animaux de compagnie, bêtes à concours…), ne nuise pas à leur survie.
Malgré une meilleure protection d’espèces dites « emblématiques », la troisième édition de 2020 du Rapport mondial sur la criminalité liée aux espèces sauvages relève que les conséquences sur le patrimoine naturel et culturel restent « considérables ».
2. Comment fonctionne-t-elle ?
La Convention est composée d’Annexes qui répertorient aujourd’hui plus de 35 000 espèces, vivantes ou mortes, et leurs produits dérivés, afin de limiter ou d’interdire leur commerce selon la menace qu’il représente pour celles-ci.
Ainsi, nous retrouvons à l’Annexe I, « toutes les espèces menacées d’extinction qui sont ou pourraient être affectées par le commerce ». Puis à l’Annexe II, « toutes les espèces qui, bien que n’étant pas nécessairement menacées actuellement d’extinction, pourraient le devenir ». Enfin l’Annexe III regroupe, « toutes les espèces qu’une Partie déclare soumises, dans les limites de sa compétence, à une réglementation ayant pour but d’empêcher ou de restreindre leur exploitation, et nécessitant la coopération des autres Parties pour le contrôle du commerce. »
Tous les trois ans, à l’occasion des CoP (Coopération des Parties), de nouvelles mesures de protection sont intégrées à la CITES. La prochaine, la CoP 20 CITES, se tiendra en Ouzbékistan du 24 novembre au 5 décembre 2025. Mais pour l’heure, il est possible de relever quelques évolutions majeures de celles tenues précédemment, dont celle de Panama en 2019.
Tout d’abord, nous remarquons une meilleure prise en considération des espèces marines. En effet, 3 espèces de concombres de mer et 18 espèces de requins et de raies, ont fait leur entrée dans les Annexes de la Convention. Les ailerons de requins sont utilisés dans la cuisine traditionnelle asiatique et comme remède au cancer, tandis que le cartilage possèderait des vertus contre l’arthrose en Europe.
La girafe fut également intégrée comme espèce protégée suite à sa baisse de population estimée à 40% en trente ans (trophée de chasse, braconnage pour ses sabots, sa viande ou sa fourrure…). Une mesure fut également entreprise pour interdire la déportation d’éléphant d’Afrique vers des « sites artificiels ».
Enfin, la loutre d’Asie fut interdite à tout commerce suite à des débordements sur sa domestication, notamment avec la création de « cafés-loutres » au Japon qui auraient causé un déclin de 30% de l’espèce.
3. En pratique, quelles sont les conséquences d’une telle protection ?
La réglementation du commerce passe par la délivrance d’un certificat CITES suite à une demande aux services déconcentrés de l’État de la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), après une inscription sur le portail gouvernemental « i-CITES ».
Ainsi, un contrôle public du marché est opéré, comme pour les maisons de vente aux enchères publiques qui souhaiteraient constituer des lots de poignards en ivoire ou de sacs en crocodile.
Les mesures de commercialisation seront spécifiques selon la date de fabrication du produit dérivé ou de naissance du spécimen, sa date d’entrée au sein de l’Union Européenne (UE), son poids et, dans le cadre d’un objet, son volume relatif à ce dernier.
Par exemple, le commerce sera libre pour les ivoires et les cornes datant d’avant 1947 et pesant moins de 200g, tant qu’ils sont entrés au sein de l’Union européenne avant 1990. Au-delà de 200g, la vente devra être déclarée. Pour celles entrées dans l’UE après 1990, leur commercialisation est entièrement proscrite.
Le Code des douanes français instaure un régime strict concernant l’origine licite de l’espèce ou du produit, puisqu’il inverse charge de la preuve en son article 215, pour toute commercialisation, détention ou transport d’espèces inscrites aux Annexes de la Convention, ou de ses produits. Toute personne détentrice de tout ou partie d’un spécimen protégé devra donc être en mesure de prouver la licéité de cette détention (certificat de propriété, certificat pour exposition itinérante, certificat pour collection d’échantillons, certificat pour instruments de musique…). Des permis d’importations sont également requis par les douanes.
Il est important de rappeler que toute « détention d’animaux sauvages par les cirques itinérants » sera interdite à partir du 1er décembre 2028.
La non-présentation de justificatifs de détention ou la constatation d’infraction commise en bande organisée sont pénalement réprimées par le Code de l’environnement (articles L. 415-3 et L. 415-6) et par le Code des douanes pour l’importation et l’exportation.
Ainsi, bien que de nombreux efforts soient encore attendus, les mesures de protection de notre patrimoine naturel et culturel ne cessent d’évoluer dans une direction toujours plus consciente et efficace. Car comme le Préambule de la CITES nous le rappelle, « la faune et la flore sauvages constituent de par leur beauté et leur variété un élément irremplaçable des systèmes naturels, qui doit être protégé par les générations présentes et futures ».
Anaëlle SORET, M2 Droit du Patrimoine et des Activités culturelles
SOURCES :
https://cites.org/eng/disc/what.php
https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/commerce-international-especes-sauvages-cites
Ah, CITES ! Le grand dico du commerce interdit, où l’on trouve tout, des requins aux loutres en passant par des ivoires préhistoriques ! Félicitations pour avoir rendu lacquisition décailles de crocodile aussi complexe que la délivrance d’un passeport interplanétaire. Bravo à ces cafés-loutres pour avoir fait de la domestication une arme de destruction massive… envers leur propre espèce. Bref, vive la réglementation qui rend le marché de l’ivoire plus herculéen que la course à l’éclat des années 50 ! Un vrai spectacle doptimisation environnementale, où chaque poignard en ivoire datant de 1947 se vend comme un billet pour l’au-delà. Allez, on continue, l’avenir de la biodiversité (et de notre patience) en dépend !basketball stars