La constitution d’une SCI comme outil fiscal de transmission et de gestion du patrimoine

La société civile immobilière (SCI) est une forme de société régie par les articles 1832 et suivants du Code civil, qui a pour but d’organiser le patrimoine immobilier de ses associés, permettant sa détention et sa gestion de manière collective. En effet, avoir recours à une SCI présente notamment l’avantage d’éviter les inconvénients de l’indivision, mais aussi de faciliter la transmission des biens la composant, ou de l’acquisition de biens futurs.

De ce fait, la constitution d’une SCI familiale est fréquemment observée pour répondre à des problématiques de transmission, le plus souvent à titre gratuit, soit lorsqu’intervient une succession. Cette organisation est permise, en l’occurrence par la possibilité qu’ont des parents de voir leurs enfants, encore mineurs, rejoindre le capital de la société.

Mais ce mécanisme présente également un avantage fiscal. Lorsqu’intervient la transmission voulue, ce n’est pas le ou les biens composants la SCI qui sont transmis directement, mais les parts sociales de la société, donnant des droits sur les immeubles détenus, dont la valeur peut être moins élevée que celle de l’immeuble lui-même. Outre ce fait, la donation peut également faire l’objet d’une décote, autorisée par l’administration fiscale, permettant de venir réduire la fiscalité de l’opération, ce qui est donc plus avantageux.

I. Les atouts de la SCI dans la transmission et la gestion du patrimoine

A) L’avantage d’une gestion et une transmission mieux organisées

Toute société est un contrat passé entre les associés. La SCI ne déroge pas à cette règle et est donc un contrat qui offre, en prime, une grande souplesse dans la rédaction de ses statuts. Cette souplesse est pertinente pour régir les relations entre les membres d’une même famille, dans le cadre d’une SCI familiale, qui ne relèvent donc pas de la situation de l’indivision.

En effet, quand aucune SCI n’a été constituée et que s’ouvre une succession avec une pluralité d’héritiers, le bien immeuble, objet de la transmission, tombe dans un régime d’indivision régi par les articles 815 et suivants du Code civil. L’indivision est un régime contraignant, surtout en termes de prise de décisions d’administration, qui requièrent, en fonction de leur nature, l’unanimité ou la majorité des 2/3. Ainsi, il suffit parfois qu’un indivisaire s’oppose à une décision pour que toute opération soit paralysée jusqu’à une éventuelle autorisation de justice, ce qui engendre des conflits familiaux et une inertie juridique.

Contrairement au régime de l’indivision, la SCI fonctionne selon les règles qui ont été définies dans les statuts, soit qui résultent de la volonté directe des associés. Les statuts vont véritablement avoir un enjeu dans l’organisation patrimoniale, notamment par la désignation d’un gérant, des modalités de convocation et de tenue des assemblées, des conditions d’agrément pour l’entrée au capital de nouveaux associés, ainsi que des règles de majorité adaptées à la nature familiale du projet. C’est par cela que la SCI vient réduire le risque de paralysie de cette gestion et facilite, le cas échéant, la continuité de l’exploitation locative ou la conduite des travaux. La dissociation entre la propriété économique des parts sociales et l’exercice du pouvoir, par la fonction de gérant, permet aux parents de transmettre une partie du capital sans perdre le contrôle effectif de la gestion, ce qui est particulièrement utile dans les stratégies de transmission progressive.

Outre l’hypothèse où le bien est déjà détenu par une SCI, se pose également la question d’un bien qui n’en fait pas encore partie. La SCI sert aussi à acquérir de nouveaux biens, l’intérêt étant toujours la constitution d’un patrimoine immobilier. Ainsi, les associés, parents et enfants, par le biais de la société contractent un emprunt bancaire. En pratique, ce sont les parents qui assurent le remboursement de la dette, soit par leurs apports financiers, soit en assumant les charges liées à la société. Les enfants associés, quant à eux, n’assument pas directement l’endettement, mais se trouvent déjà titulaires de parts sociales de la SCI. À mesure que le prêt se rembourse et que la valeur nette de la société s’accroît, ils bénéficient donc mécaniquement d’un enrichissement patrimonial sans effort financier propre.

La détention et la transmission d’un patrimoine immobilier ne sont pas seulement favorisées par les règles régissant la SCI, mais aussi par des avantages fiscaux.

B) Des avantages fiscaux concrets

La SCI permet d’envisager une optimisation fiscale, propre à son régime en matière de transmission et de gestion.

Tout d’abord, là où sans organisation par le biais d’une SCI, le montant des droits et frais de succession ou des frais de mutation sont calculés sur la valeur des immeubles transmis, dans le cas où il existe une société familiale, ce n’est pas la valeur des immeubles transmis qui est prise en compte, mais la valeur des parts sociales. L’intérêt est qu’ici, la valeur des parts sociales peut être sensiblement réduite par rapport à celle du bien, car les parts sont évaluées sur l’actif net de la société, c’est-à-dire la valeur vénale des immeubles diminuée des dettes, ce qui vient diminuer l’assiette taxable. De plus, l’administration fiscale tolère dans certains cas, la pratique d’une décote sur la valorisation des parts sociales, pour illiquidité ou minorité, permettant de venir réduire encore une fois l’assiette de l’impôt, mais encore faut-il qu’elle soit justifiée.

Outre ce mécanisme, un autre levier d’optimisation est le démembrement des parts sociales, pratique courante dans le cadre d’une transmission anticipée. Dans cette situation, les parents viennent donner la nue-propriété des parts à leurs enfants tout en conservant l’usufruit, soit les revenus et les droits de vote. La question est de savoir comment se calcule la valeur de la nue-propriété, soumise aux droits de mutation. Elle est calculée selon un barème légal lié à l’âge de l’usufruitier, selon l’article 669 du Code général des impôts. Au décès des parents, l’usufruit s’éteint sans taxation supplémentaire, de sorte que les enfants accèdent à la pleine propriété sans droits additionnels.

Enfin, concernant la transmission, l’optimisation fiscale est renforcée par l’usage des abattements légaux de 100.000 euros par parent et par enfant, renouvelables tous les quinze ans, de l’article 779 du Code général des impôts. Cet abattement peut être utilisé de manière fractionnée dans le temps, permettant une transmission progressive et fiscalement optimisée. Par exemple, des parents peuvent donner régulièrement une partie de leurs parts sociales à leurs enfants tous les quinze ans, réduisant ainsi la charge globale des droits de mutation à titre gratuit.

Cependant, du point de vue de la gestion, ce n’est pas tout. La SCI peut voir son résultat être imposé dans la catégorie des revenus fonciers de l’impôt sur le revenu (IR) ou à l’impôt sur les sociétés (IS). Dès lors que la SCI est soumise à l’IS, elle offre une opportunité particulière qui est la possibilité de pratiquer des amortissements comptables sur les immeubles, hors terrain. L’amortissement permet de réduire le bénéfice imposable annuel en répartissant comptablement le coût du bien sur la durée d’usage, en principe de 20 à 50 ans selon les éléments de construction. Ainsi, les amortissements viennent diminuer le résultat imposable de la SCI, ce qui permet à la société de disposer d’une trésorerie plus importante et de réinvestir plus facilement.

C’est pourquoi, l’organisation par une SCI d’un patrimoine immobilier se révèle être un atout, car la simple détention d’un bien ne permet pas d’actionner tous ces mécanismes. Le bien est donc évalué pour sa valeur de marché, et même s’il est possible de venir démembrer un bien hors d’une SCI, l’évaluation restera forcément plus élevée. De plus, la détention hors SCI ne permet pas un investissement par l’effet de levier, soit à terme, un enrichissement des associés.

II. Les limites et risques liés au recours à la SCI

A) Les contraintes juridiques et fiscales

La SCI familiale, bien qu’avantageuse, comporte des contraintes juridiques importantes qu’il est nécessaire d’avoir en tête avant de constituer la société. Un point important à voir est la question de la responsabilité des associés. Concernant la SCI, les associés ne sont pas seulement responsables à concurrence de leur apport, mais sont, en réalité, tenus indéfiniment pour les dettes de la société.

Cette responsabilité proportionnelle à l’apport au capital social reste néanmoins conjointe (non solidaire) : elle suppose que les créanciers sociaux aient préalablement et vainement poursuivi la SCI, avant de se retourner contre les membres de celle-ci. Cette possibilité pour le créancier de venir chercher l’associé, fait que sont également concernés les enfants qui seraient déjà intégrés au capital social de la SCI. C’est en cela qu’il est nécessaire pour des parents, associés avec leurs enfants dans une SCI d’avoir une attention rigoureuse lors de l’administration de la société.

Une attention rigoureuse est également nécessaire dans la gestion administrative et comptable de la société familiale. En particulier, les statuts doivent prévoir des clauses détaillées concernant l’agrément de nouveaux associés, la cession des parts, la nomination d’un gérant et les règles de majorité pour les décisions importantes. Des assemblées générales doivent être régulièrement tenues, et la comptabilité tenue à jour, avec, le cas échéant, le dépôt des comptes annuels auprès du greffe. Toutes ces obligations représentent donc un coût et ainsi qu’une charge de travail supplémentaires, par rapport au cas d’une détention directe d’un bien immobilier.

En matière fiscale, bien que la SCI présente des avantages attrayants comme la décote sur les parts sociales ou le démembrement de propriété, il est néanmoins essentiel que certaines normes soient rigoureusement respectées. Effectivement, l’administration fiscale exige que les évaluations des parts et les conditions de donation soient justifiées et en accord avec la réalité économique de l’entreprise. Donc, si une faute était commise lors de l’évaluation ou de la sélection du dispositif fiscal, cela pourrait conduire à une rectification pour l’imposition.

De plus, une autre contrainte réside dans le risque d’abus de droit, auquel s’ajoutent également certaines limites pratiques.

B) L’abus de droit et les limites pratiques

Par ailleurs, le recours à la SCI peut présenter des risques de qualification d’abus de droit, soit la recherche d’un but exclusivement fiscal consistant à éluder ou atténuer les charges fiscales si les mécanismes d’optimisation sont utilisés de manière excessive ou artificielle. Pensons au cas de la décote, qui, si appliquée d’une manière excessive sur la valeur des parts sociales, dans le seul but de venir réduire l’impôt, peut aboutir sur une décision de l’administration fiscale de redresser la société.

Quant à la crainte que l’article 64A du Livre des procédures fiscales puisse s’appliquer au démembrement de propriété, une réponse ministérielle publiée au Journal Officiel le 25 juin 2019 a souligné que l’abus de droit n’est pas, en tant que tel, de nature à entraîner la remise en cause des transmissions anticipées de patrimoine et notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l’usufruit du bien transmis, sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives.

En ce qui concerne les limites pratiques, même si la SCI permet d’éviter l’indivision sur les biens immobiliers, la gestion de la société peut être paralysée par minorité de blocage en cas de mésentente entre héritiers. En outre, les facteurs tels que la responsabilité illimitée des associés, le coût de la constitution et de fonctionnement de la société constituent des limites pratiques à l’utilisation de la SCI comme un outil de gestion et de transmission du patrimoine.

En définitive, si la SCI offre un cadre fiscal et juridique attractif, elle nécessite une préparation minutieuse, un suivi administratif rigoureux et un conseil affiné afin de sécuriser la transmission et d’éviter les risques d’abus ou de conflits familiaux.

Laïna Durécu – Étudiante en Master 2 Droit des affaires et fiscalité

Sources :

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