Au sein du projet de loi de finances pour 2024, les députés avaient intégré un article 31 qui visait à « favoriser l’installation et le maintien sur le territoire français » des organisations internationales « en leur garantissant un cadre fiscal adapté et pérenne pour leurs activités de gouvernance du sport et de promotion de la pratique sportive, qui sont exercées hors du champ contractuel ou marchand ».
La Fédération Internationale de l’Automobile (FIA) souhaite quitter Paris alors qu’elle est établie dans la capitale depuis 1904, mais sa reconnaissance en tant qu’association ne la satisfait plus. En effet, dans une volonté commune avec la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), la FIA désire obtenir un statut juridique spécifique pour les organisations internationales. Cette absence de statut juridique spécifique est considérée comme un frein majeur à l’attractivité de la France, conduisant ces dernières à vouloir installer leur siège social dans d’autres pays, notamment la Suisse, le berceau d’accueil de la FIFA, où le système fiscal est plus favorable.
I. Le statut juridique d’association : un élément défavorable pour les organisations internationales
Une majorité des organisations internationales implantées en France disposent du statut juridique d’association loi 1901. L’attribution de ce statut conduit à des revendications de leur part en raison de son caractère inadapté face à leurs activités et leur place mondiale. Par ailleurs, ce statut conduit à une grande insécurité pour ces organisations qui se voient attribuer le statut d’association mais qui sont imposées telles des sociétés sans avoir la protection nécessaire.
A. Les conséquences du statut d’association de la loi de 1901 dans le cadre juridique français
Par essence, une association doit avoir un but non lucratif, ce qui signifie qu’elle ne peut pas poursuivre une activité qui consisterait à partager les bénéfices entre ses membres. Ce principe est déjà en inadéquation avec l’activité de la FIA. En effet, une association peut générer des revenus uniquement s’ils proviennent d’activités accessoires. Or, le fait de générer des revenus est l’activité prédominante de la FIA, et non une simple activité accessoire, ce qui ébranle déjà l’application de ce statut aux organisations internationales.
Cette solution a été démontrée dans un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy, rendu le 2 février 2017, qui énonce que, si l’association développe une activité lucrative prédominante, elle pourrait alors être requalifiée en société commerciale avec toutes les conséquences que cela implique notamment la fiscalisation de ses bénéfices.
Par ailleurs, le Code général des impôts dispose à l’article 206 qu’une association qui développe une activité lucrative verra ses bénéfices être imposés à l’impôt sur les sociétés. Cette activité lucrative va avoir d’importantes conséquences envers la FIA. Tout d’abord, elle va être assujettie à la TVA puisque cette dernière est due dès lors qu’une activité économique est réalisée de manière indépendante. Également, la FIA va être redevable de la contribution économique territoriale en raison de son activité lucrative.
Étant soumise à l’impôt sur les sociétés, la FIA se verra appliquer un taux d’imposition sur ses bénéfices. En effet, le taux normal sera de 25% et c’est celui auquel la FIA et la plupart des organisations internationales seront soumises. L’application de ce taux conduit à une imposition extrêmement élevée en raison du bénéfice que retirent ces organisations internationales. Ainsi, le système français est défavorable pour elles en comparaison à d’autres régimes tel que le régime helvétique qui offre une fiscalité minime.
La FIA va également être imposée sur les revenus patrimoniaux dont elle dispose avec un taux qui, une fois encore, est fort à raison de 24%.
Enfin, la FIA employant des salariés sera redevable des différents impôts.
Par conséquent, malgré le statut d’association qui pourrait être considéré comme avantageux, cela n’est pas le cas pour les associations telles que la FIA qui a un caractère mondial et génère des profits. En effet, celles-ci vont être assimilées à des sociétés mais elles ne vont pas bénéficier de la protection juridique et fiscale des sociétés. D’autant plus que cette protection favorise la gestion d’activités commerciales à but lucratif ainsi que des avantages liés à la limitation de la responsabilité ainsi que la possibilité de lever des fonds.
B. Le statut d’association de la loi de 1901 appliqué aux organisations internationales
La FIA est reconnue en France comme étant une association loi de 1901. Cette entité a pour objectif de coordonner les clubs automobiles nationaux et d’organiser les compétitions internationales telles que la Formule 1 ou encore les divers rallyes. Dans les années 1970 – 1980, la FIA va devenir un acteur économique mondial en raison de l’introduction des droits télévisés liés aux compétitions, l’introduction de contrats commerciaux massifs avec les promoteurs et sponsors ou encore la gestion d’un système de licences et de sécurité routière à l’échelle mondiale.
De nos jours, l’application de ce statut conduit la FIA a avoir pour objet une activité non lucrative, ce qui n’est pas le cas puisque, par exemple, cette dernière annonce un résultat d’exploitation de 4,7 millions d’euros pour l’année 2024. Par ailleurs, le paradoxe de l’application du statut d’association à cette organisation internationale réside également dans le fait qu’elle ne dispose d’aucune reconnaissance en droit international.
De plus, en matière de fiscalité, en principe, la FIA devrait être exonérée d’impôts mais son activité n’est pas désintéressée ce qui conduit la FIA à être imposée comme une société au travers de l’impôt sur les sociétés, de la TVA ou encore de la contribution économique territoriale.
La FIA emploie des salariés dans de nombreux pays du monde mais son statut d’association conduit à appliquer le droit du travail français, ce qui peut poser des difficultés, notamment lors de conflits dans des États dont la législation est totalement différente.
Le point le plus problématique concerne la possibilité d’opérer des activités économiques puisqu’en application du statut d’association loi 1901, l’activité économique est tolérée seulement dans l’hypothèse où elle est considérée comme accessoire. Or, la FIA génère énormément de flux économiques ce qui est en opposition avec le régime auquel elle est soumise.
Ainsi, malgré la simplicité de création et de gestion d’une association loi 1901, ce régime n’est pas approprié à la FIA, et de manière générale aux organisations internationales, en raison de son activité économique qui entraîne une fiscalisation semblable à celle supportée par les sociétés sans pour autant que la FIA dispose des sécurités qui sont offertes aux entreprises.
II. Les efforts hypothétiques pour maintenir la FIA en France face aux avantages réels proposés par la loi suisse
À la suite des diverses réclamations portées par les organisations internationales, les députés ont tenté de leur offrir des avantages au travers d’un article inséré dans le projet de la loi de finances pour 2024. Cependant, cela n’a pas abouti et, face à l’inaction des autorités françaises, la Suisse a mis en place un système très avantageux conduisant les organisations internationales à y implanter leurs sièges sociaux.
A. Une volonté des députés de trouver une solution au maintien de la FIA en France
Dans le projet de la loi de finances pour 2024, les députés avaient introduit un article 31 qui revêtait un double avantage. D’une part, il exonérait les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité International Olympique (CIO) de l’impôt sur les sociétés « au titre des bénéfices réalisés en France résultant de leurs activités afférentes à leurs missions de gouvernance du sport ou de promotion de la pratique du sport » ainsi que de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de ces mêmes activités.
D’autre part, les salariés de ces fédérations, qui sont domiciliés en France, devaient être exonérés d’impôt sur le revenu à raison de leurs salaires versés au titre de ces mêmes activités pendant une durée de cinq ans à compter de leur prise de fonction.
Cependant, cet article 31 a connu une première censure par le Sénat avant d’être réintégré par l’Assemblée nationale puis révoqué par le Conseil constitutionnel. En effet, dans sa décision n° 2023-862 DC rendue le 28 décembre 2023, le Conseil constitutionnel a annulé cette disposition. Pour justifier son rejet, l’instance a tout d’abord argué que le fait qu’une fédération sportive internationale puisse bénéficier de ce dispositif « au seul motif que cette fédération est reconnue par le Comité International Olympique » entraînerait un déséquilibre. En effet, certes les grandes entités telles que la FIA satisferont l’objectif poursuivi par le législateur notamment en termes de retombées économiques mais il n’en serait pas de même pour les plus petites fédérations étant également reconnues.
De plus, le Conseil constitutionnel souligne que l’exonération fiscale des salariés aurait pu être appliquée aux salariés déjà domiciliés en France, ce qui est incohérent avec l’objectif d’attractivité du territoire.
Or, cette absence de reconnaissance d’un statut particulier des fédérations sportives internationales conduit à une insécurité juridique pour ces dernières car leur forme juridique est souvent floue mais également car leur objet international n’est pas pris en compte dans les règles françaises habituelles pour les associations ou les entreprises. Par conséquent, cette insécurité juridique va conduire la FIA à vouloir s’installer dans un pays plus attractif et plus précisément, la Suisse.
B. Le régime attractif pour les organisations internationales créé par la loi suisse
Le choix de la FIA de se tourner vers la Suisse semble légitime car elle accueille déjà de nombreuses organisations internationales. Cette ferveur pour la Suisse s’explique en grande partie grâce au régime qu’elle offre à ces organisations. En effet, la Suisse leur permet de disposer d’un cadre fiscal favorable, d’une reconnaissance juridique et diplomatique par les autorités helvétiques, d’une stabilité politique et juridique ainsi que la possibilité d’obtenir le statut d’organisations internationales non gouvernementales.
Ainsi, en Suisse, la nature juridique de l’organisation internationale sera celle d’une entité reconnue de droit international ou de droit étranger spécifique avec une mission d’intérêt mondial. De même, elle sera reconnue par les divers États hôtes ainsi que par la communauté internationale.
Sur le plan fiscal, en théorie, le régime fiscal sera souvent négocié avec l’État hôte. Dans la pratique, cela correspond à des exonérations partielles ou totales sur les bénéfices, les biens voire les revenus du personnel. De plus, leurs différentes activités seront autorisées, encadrées et souvent exonérées fiscalement.
Sur le plan administratif, le contrôle sera régi par un régime autonome défini par accord de siège avec l’État hôte.
Par ailleurs, contrairement au système français, le système helvétique offre des immunités diplomatiques avec le principe d’inviolabilité des locaux, des franchises fiscales ou encore des exemptions douanières.
En conclusion, le départ de la FIA s’explique par le fait que la logique du statut d’association loi 1901 est inadaptée pour une organisation à dimension mondiale qui génère d’importants flux économiques.
Malgré l’attractivité du système helvétique dont le principal avantage se trouve dans la reconnaissance internationale, la stabilité juridique et les avantages fiscaux, l’inconvénient majeur repose sur la complexité diplomatique et la dépendance à un État hôte.
DALIER Althéa, Master I Droit des Affaires et Fiscalité
Sources :
- Le Figaro : La FIFA et la FIA menacent de quitter Paris… en raison du système juridique et fiscal
- Conseil constitutionnel.fr : https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2023-862-dc-du-28-decembre-2023-communique-depresse#:~:text=Par%20sa%20décision%20n°,plus%20de%20soixante%20députés%20chacun.
- CAA Nancy, 2 février 2017, 15NC01409
