Le défaut de CSE au 1er janvier 2020 : les conséquences pratiques de ce retard pour l’entreprise

L’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 a transformé le paysage de la représentation du personnel dans l’entreprise en créant une instance unique de dialogue social. Le comité social et économique (CSE) se substitue aux trois instances de représentation du personnel (IRP) : 

  • Le comité d’entreprise (CE) 
  • Les délégués du personnel (DP) 
  • Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) 

Le CSE est institué par les articles L2311-1 et suivants du Code du travail. Ces articles obligent la fusion des trois anciennes instances de représentation. Toutefois la question centrale de cet article ne tient pas tant aux attributions, aux rôles des représentants ou à la composition de l’instance représentative mais aux conséquences retenues en cas d’absence de mise en place.

En effet, le CSE devait être mis en place au plus tard au 31 décembre 2019 dans les entreprises d’au moins 11 salariés.
Deux mois après le délai légal maximal de mise en place de cette nouvelle instance, il semblerait que plusieurs entreprises, à ce jour, ne soient toujours pas dotées d’un CSE.

Les causes de cette absence sont diverses : elles peuvent être dues à des motifs légitimes (I) ; mais peuvent parfois être dues à une omission ou à une négligence de la part de l’employeur (II). 

Diverses conséquences sont attachées à chacune de ces hypothèses. 

I/ Absence de mise en place pour motifs légitimes.

Il convient de rappeler tout d’abord qu’au 1er janvier 2020, tous les mandats en cours des anciennes IRP prennent fin. 

Un accord d’entreprise, unanime, ne peut proroger les mandats au-delà de cette date, puisque la législation applicable prévoit expressément que les mandats des anciennes IRP arrivent à échéance au 31 décembre 2019. 

Toutefois il existe des cas exceptionnels dans lesquels les mandats des représentants désignés dans le cadre des anciennes IRP sont prorogés au-delà du 31 décembre 2019. 

En effet, cette prorogation a lieu lorsqu’au 31 décembre 2019, la DIRECCTE (Direction Régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) est saisie : 

  • D’un litige portant sur la décision unilatérale de l’employeur (DUE) fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts ; 
  • D’un désaccord sur la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux, lorsque l’employeur et les syndicats ne s’accordent pas en la matière. 

Ainsi, la saisine de la DIRECCTE intervient dans le cadre du processus électoral. 

Elle suspend ce processus jusqu’à la décision administrative et entraine par conséquent la prorogation automatique des mandats des élus en cours. Cette prorogation s’achèvera à la date de proclamation des résultats du scrutin, y compris si cette dernière a lieu au-delà du 31 décembre 2019.

De plus, en cas de contestation, devant le Tribunal d’instance (désormais tribunal judiciaire ou tribunal de proximité) de la décision de la DIRECCTE avant le 31 décembre 2019, la saisine du tribunal a pour effet de proroger les mandats. Cette prorogation s’achèvera à la date de proclamation des résultats de l’élection du CSE.

II/ Absence de mise en place du CSE suite à une négligence de l’employeur. 

  • Délit d’entrave 

Juridiquement, ce qui sera désormais considéré comme «  délit d’entrave au CSE  » est identique à ce qui a longtemps été le délit d’entrave au CE ou au CHSCT. 

L’article L2317-1 du Code du Travail est rédigé dans les mêmes termes que l’ancien article L2328-1 (relatif au délit d’entrave au fonctionnement ou à la mise en place du CE). 

Les textes affirment que le seul fait pour l’employeur de ne pas avoir mis en place le CSE au 31 décembre 2019 peut constituer à son encontre une entrave à la mise en place du CSE (sauf exceptions énumérées ci-dessus). 

Le délit d’entrave est l’action ou l’omission qui porte une atteinte à un représentant du personnel dans l’exercice de ses missions, à la désignation d’une institution représentative du personnel, ou à l’exercice du droit syndical. 

Pour rappel, la reconnaissance du délit est soumise à :

  • Un élément légal – correspondant à un texte de loi définissant l’infraction 
  • Un élément matériel – correspondant à l’action ou l’omission visée
  • Un élément moral – correspondant au caractère intentionnel ou volontaire 

Le juge pénal interviendra en ce sens afin de préciser si les difficultés de négociation procèdent d’une volonté de l’employeur de ne pas mettre en place l’instance ou de différer sa mise en place. 

Le délit ne pourra être constaté par l’inspecteur du travail qu’après l’information préalable effectuée auprès des employeurs négligents par les services déconcentrés du ministère du travail. 

Un appel au procureur de la République peut être aussi envisagé ; toutefois l’efficacité de cette demande reste très hypothétique. 

Ces derniers tentent toutefois de faire preuve d’une certaine tolérance à l’égard des employeurs, en formulant à leur égard divers rappels ; toutefois, si les demandes ne sont pas suivies d’effet, l’infraction pourra alors être caractérisée. 

  • Sanctions encourues 

Dès lors qu’un tel manquement est constaté, l’employeur pourra être condamné à 1 an d’emprisonnement et à 7 500€ d’amende (article L.2317-1 du Code du travail). Il est également utile de mentionner le délai de prescription au délit d’entrave, fixé à 3 ans, au terme duquel il ne sera plus possible d’intenter une action contre l’employeur. 

À cette sanction pénale vient s’ajouter la possibilité pour les employés de demander réparation des préjudices consécutifs à cette non mise en place, sous forme de dommages et intérêts : 

  • Aux salariés de l’entreprise : en effet, l’absence de CSE va venir priver les salariés d’une partie de leur représentation, et va donc corrélativement les priver d’une partie de la défense de leurs intérêts 

Cette position a été affirmée par la chambre sociale de la Cour de cassation, le 17 mai 2011 (n° 10-12.852) quand un salarié affirmait avoir subi un préjudice suite à l’absence de mise en place d’IRP dans l’entreprise, alors que les seuils les rendant obligatoires étaient atteints. Dès lors, l’employeur commet une faute causant nécessairement un préjudice à ses salariés dès lors que ces derniers ont été privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

  • Aux organisations syndicales (OS) de l’entreprise : Au même titre que les salariés, les OS peuvent réclamer des DI en réparation de leur préjudice subi par l’absence d’organisation des élections. 
  • Conséquences pratiques

De plus, l’employeur peut être sanctionné pour ne pas avoir consulté les instances représentatives du personnel. En effet, de nombreux sujets/projets nécessitent une consultation obligatoire des membres CSE, ou une simple information préalable. 

En ce sens, plusieurs décisions antérieures rendues dans le cadre de l’absence de consultation du comité d’entreprise sont transposables au CSE.

Ainsi, en matière de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle ou non professionnelle, l’employeur doit consulter le CSE sur les possibilités de reclassement du salarié intéressé. (articles L1226-2 ; L1226-10 ; L1226-20 du code du travail) Cette consultation est obligatoire ; sans laquelle le licenciement du salarié ne pourra intervenir. Si l’employeur procède tout de même au licenciement sans avoir consulté les IRP, celui-ci s’expose à une requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; et à la caractérisation d’un délit d’entrave. 

En matière de licenciement d’un salarié protégé, l’employeur a pour obligation de consulter le CSE préalablement à la décision de licenciement. A défaut ce dernier sera considéré comme automatiquement nul. (CE, 29 octobre 1997, n° 154.967)

En matière de licenciement collectif pour motif économique, certaines modalités s’imposent à l’employeur en fonction de l’effectif de l’entreprise et du nombre de salariés concernés par ce licenciement collectif. (article L1233-8 du code du travail). 

Ainsi, en l’absence de consultation du CSE la procédure de licenciement est considérée comme irrégulière. Cette irrégularité pourra provoquer l’indemnisation par l’employeur du salarié en cas de préjudice qu’il estime avoir subi, ou encore la reconnaissance d’un délit d’entrave. 

Dans le cadre de la mise en place ou la mise à jour du règlement intérieur, l’employeur a pour obligation de consulter le CSE (article L1321-4 du code du travail). A défaut, le règlement intérieur et ses mises à jour sont inopposables aux salariés. Dès lors, les sanctions appliquées sur la base de ce règlement intérieur inopposable seront annulées. 

De nombreux projets peuvent donc être suspendus lorsque l’obligation de consultation du CSE n’a pas été remplie par l’employeur. 

Toutefois, l’on pourrait penser qu’un employeur, en cas de défaut de mise en place du CSE, serait appelé à consulter les anciennes institutions représentatives. La cour d’appel a considéré que les avis recueillis par ces anciennes instances n’avaient aucune portée et ces consultations étaient viciées.

Cette décision n’est pas surprenante au vu de l’absence de personnalité juridique des anciennes IRP au 1er janvier 2020. 

Auteurs : Remi Elsa, Brucker Martin, Mahieux Laurine

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