Les pactes d’actionnaires dans les sociétés françaises

La création d’une société passe par l’étape fondamentale de la rédaction des statuts. La signature de cet acte par les actionnaires ou associés marquera alors le début de l’éclosion de la société.

Nous pouvons définir les statuts comme étant l’acte constitutif d’une société comportant un certain nombre de mentions obligatoires qui posent les objectifs mais aussi les règles de fonctionnement de la société. Selon l’article L210-2 du Code de commerce les statuts de toute société doivent impérativement comporter :

  • La forme juridique de la société
  • La durée de vie de la société (qui ne peut excéder 99 ans)
  • La dénomination sociale de la société
  • Le siège social de la société
  • L’objet social de la société
  • Le montant du capital social de la société

Outre les éléments susmentionnés, d’autres mentions obligatoires seront à préciser en fonction de la forme juridique de la société.

Précisons que la société ne sera immatriculée et ne pourra bénéficier de la personnalité juridique uniquement lorsque les statuts auront été déposés au greffe du tribunal de commerce.

Finalement, les statuts sont la charte créatrice de la société, ils constituent l’instrumentum du contrat de société.

Dans certaines situations, les statuts s’avèrent insuffisants à régir les relations des actionnaires c’est pourquoi ces derniers décident de recourir à la signature d’un pacte d’actionnaires.

A ce stade, une précision d’ordre sémantique s’impose : vous avez peut-être déjà rencontré la notion de pacte d’associés, le pacte d’associés a exactement les mêmes fonctions que le pacte d’actionnaires, la seule différence réside dans la catégorie de la société au sein de laquelle le pacte est signé. En effet, dans le cadre d’une société de capitaux on parlera d’un pacte d’actionnaires et dans le cadre d’une société de personnes on parlera d’un pacte d’associés.

L’étude du pacte d’actionnaires sera articulée autour des quatre points suivants :

  • Qu’est-ce qu’un pacte d’actionnaires ?
  • Quel est le régime juridique du pacte d’actionnaires ?
  • Quel est le contenu du pacte d’actionnaires ?
  • Le pacte d’actionnaires à l’étranger : l’exemple du modèle chinois

Définition du pacte d’actionnaires

Le pacte d’actionnaires est une convention extra-statutaire, il vient compléter les statuts lorsque ceux-ci demeurent insuffisants à régir les relations des actionnaires. Nous pouvons définir le pacte d’actionnaires de la manière suivante : c’est une convention réunissant les principaux actionnaires d’une société et visant à créer à leur profit un certain nombre de prérogatives ne résultant pas de l’application de la législation des sociétés.

A l’inverse des statuts, le pacte d’actionnaires n’engage pas l’ensemble des actionnaires mais uniquement ceux qui l’ont signé. En effet, le pacte d’actionnaires étant un contrat, le principe de l’effet relatif des conventions s’applique. Ainsi, ce qui est opposable aux signataires du pacte ne l’est pas aux autres actionnaires qui demeurent tiers au pacte d’actionnaires.

La légitimité du pacte d’actionnaires repose sur le principe de la liberté contractuelle, principe trouvant son assise à l’article 1103 du code civil : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Si les actionnaires peuvent user de la liberté contractuelle, ils doivent néanmoins respecter l’ordre public sociétaire. En d’autres termes, les actionnaires ne pourraient stipuler des clauses qui iraient à l’encontre des règles du droit des sociétés et par extension à l’encontre des statuts.

Le régime juridique du pacte d’actionnaires

❖ La confidentialité du pacte d’actionnaire

Le pacte d’actionnaires est un acte rédigé en parallèle des statuts.

Si les statuts sont publics, le pacte d’actionnaires quant à lui est confidentiel c’est-à-dire qu’il n’est connu que des actionnaires qui le signent ce qui présente un véritable avantage. Toutefois, l’article L233-11 al 1 du code de commerce pose une exception s’agissant des pactes conclus par les actionnaires d’une société cotée sur un marché réglementé :

« Toute clause d’une convention prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d’acquisition d’actions admises aux négociations sur un marché réglementé et portant sur au moins 0,5 % du capital ou des droits de vote de la société qui a émis ces actions doit être transmise dans un délai de cinq jours de bourse à compter de la signature de la convention ou de l’avenant introduisant la clause concernée, à la société et à l’Autorité des marchés financiers. A défaut de transmission, les effets de cette clause sont suspendus, et les parties déliées de leurs engagements, en période d’offre publique ».

L’article susmentionné présente donc le cas de figure dans lequel la confidentialité du pacte d’actionnaires serait rompue.

❖ La modification du pacte d’actionnaires

Il est tout à fait possible de modifier un pacte d’actionnaires. Le pacte étant soumis au droit commun des contrats, un simple avenant suffira ce qui présente un réel avantage contrairement aux statuts. Par ailleurs, la modification du pacte requiert l’unanimité ce qui n’est pas forcément le cas pour les statuts. En effet, la modification des statuts peut être prévue par ces derniers, dans le cas contraire c’est la règle de l’unanimité qui s’appliquera.

❖ La sanction en cas de non-respect du pacte d’actionnaires

➢ Les dommages et intérêts

La violation du pacte peut donner lieu à des sanctions. Concrètement, il peut s’agir de dommages et intérêts mais aussi de l’exécution forcée.

➢ L’exécution forcé

La violation du pacte pourra donner lieu à un versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Cette sanction est bien plus efficace que la simple allocation de dommages et intérêts. En effet, elle est beaucoup plus contraignante. La possibilité de prévoir l’exécution forcée a permis de renforcer le pacte d’actionnaires en lui donnant une plus grande envergure. Cette sanction est prévue à l’article 1221 du Code civil :

« Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ».

Cet article a vu le jour grâce à l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Si l’exécution forcée peut être envisagée, elle ne pourra s’appliquer que dans l’hypothèse où il n’y a aucune impossibilité juridique, matérielle ou morale.

Outre les sanctions légales que nous venons d’exposer, il sera possible de prévoir des aménagements conventionnels en insérant une clause pénale par exemple. 

Le contenu du pacte d’actionnaires

Il existe une multitude de clauses pouvant être insérées dans le pacte d’actionnaires. L’idée est donc de rédiger un pacte adapté à la volonté des signataires, avec l’objectif de créer un pacte d’actionnaires « sur-mesure ».

Nous pouvons retenir quatre catégories de clauses :

  • les clause générales 
  • les clauses relatives au droit de vote 
  • les clauses relatives à l’actionnariat
  • les clauses d’entrée et de sortie. 

ZOOM sur quatre clauses issues des catégories susmentionnées :

  • La clause relative à la durée du pacte
  • La clause de consultation
  • La clause de répartition des bénéfices
  • La clause d’agrémento 

La clause relative à la durée du pacte

Il existe une multitude de clauses pouvant être insérées dans le pacte d’actionnaires. L’idée est donc de rédiger un pacte adapté à la volonté des signataires, avec l’objectif de créer un pacte d’actionnaires « sur-mesure ».

Généralement le pacte d’actionnaires est signé à des moments clés de la vie d’une société : lors de sa création ou bien dans le cas d’une reprise.

L’une des questions essentielles qui puisse se poser est celle de la durée : le pacte d’actionnaires est-il signé pour une durée déterminée ou indéterminée ? D’un point de vue juridique les deux seront valables. Toutefois, signer un pacte pour une durée indéterminée c’est accepter les risques qui y sont afférents. En effet, le pacte d’actionnaires est soumis au droit commun des contrats, par conséquent la durée indéterminée peut donner lieu à une résiliation unilatérale en vertu de l’article 1211 du Code civil : « Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable ».

A titre d’illustration on peut citer un arrêt essentiel rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation le 6 novembre 2007 : En l’espèce, le pacte prévoyait que « Les dispositions du présent pacte s’appliqueront aussi longtemps que la CNO et la SNCM ou leurs substitués demeureront ensemble actionnaires ».

La Cour de cassation a jugé qu’une clause ainsi rédigée ne valait pas durée déterminée mais indéterminée.

Ainsi, pour éviter le risque de la résiliation unilatérale, il est vivement conseillé de conclure un pacte pour une durée déterminée.

La clause de consultation

Le pacte d’actionnaires peut prévoir un droit de consultation au bénéfice des actionnaires minoritaires. Une telle clause obligera donc les actionnaires majoritaires à consulter les actionnaires minoritaires. Cette consultation sera systématique. Cela signifie que toute prise de décision devra être assortie au préalable d’une consultation des actionnaires minoritaires. Ces derniers auront donc un poids dans la prise de décision.

La clause de répartition des bénéfices

Afin d’assurer une certaine protection des minoritaires il est possible de prévoir dans le pacte que les actionnaires majoritaires s’engagent envers les actionnaires minoritaires à voter à la fin de l’exercice social un montant de dividendes permettant d’assurer à ces derniers une rémunération convenable.

La clause d’agrément

La clause d’agrément joue un rôle fondamental. Véritable instrument de contrôle de l’actionnariat, elle va permettre d’encadrer toute cession ou transmission d’action. Ces opérations seront donc soumises à l’approbation de l’assembléegénérale de la société. La clause d’agrément trouve son assise textuelle à l’article L228-23 du Code de commerce. En vertu de cet article la clause d’agrément peut être prévue uniquement dans le cas où « les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé » et où les titres sont nominatifs (valeur mobilière portant le nom de son titulaire).

L’article susmentionné prévoit des cas dans lesquels la clause d’agrément sera écartée : « Cette clause est écartée en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant ».

Le modèle chinois

En France, le pacte d’actionnaires est fréquemment utilisé. Il revêt de nombreux mécanismes juridiques permettant de cristalliser les relations des actionnaires et ainsi d’anticiper les litiges. Le pacte d’actionnaires se caractérise par une grande souplesse, il laisse libre cours à la liberté contractuelle.

Si le droit des sociétés en France peut garantir une certaine flexibilité, il en va différemment en Chine. En effet, le droit des sociétés chinois se caractérise par une certaine rigidité. Appliquée au pacte d’actionnaires, cette rigidité se traduit par une obligation pour les signataires de soumettre le pacte à l’approbation des autorités compétentes.

Cette rigidité amène donc les investisseurs étrangers à se tourner vers Hong Kong, ancienne colonie britannique où perdure l’application de la common law, réputée pour sa souplesse.

Sabrina Amamra

Sources : Hypercours du Professeur Bruno Dondero, édition Dalloz Légifrance.fr (Code civil, Code de commerce) AMF-France.org
Dictionnaire juridique Dalloz, Challenges.fr Lesechos.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *