Introduits par la loi du 5 mars 2014 et modifié par la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018, l’entretien professionnel et l’entretien « bilan » s’imposent comme une obligation à la charge de l’employeur. Ce dernier doit réaliser, tous les deux ans et avec chaque salarié, « un entretien professionnel consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle » (Code du Travail, article L6315-1 et suivants). Il est également prévu que, tous les 6 ans, cet entretien fasse l’objet d’un bilan du parcours professionnel du salarié, et la première période était censée expirer au 7 mars 2020 pour les travailleurs en poste dans leur entreprise avant le 7 mars 2014 (échéance modifiée par le contexte sanitaire).
L’objectif de ce dispositif est donc d’échanger avec le salarié, lors d’un moment privilégié, sur ses perspectives d’évolution, principalement en terme d’emploi et de qualification. L’enjeu pour l’employeur est de repérer les besoins du salarié pour le développement de ses compétences, et de mettre en place des actions ciblées et adéquates en élaborant par exemple un plan de développement des compétences. Il s’agit de veiller au maintien de l’employabilité du salarié.
La périodicité biennale s’apprécie à la date d’embauche, et il en va logiquement de même pour celle du bilan. La tenue de ces entretiens se justifie par la rédaction d’un document (un compte-rendu qui va synthétiser l’échange) dont une copie est remise au salarié, ce qui pourra permettre d’apprécier une éventuelle faute de l’employeur.
En effet, l’employeur qui ne veille pas à proposer des actions de formation à ses salariés durant plusieurs années se rend coupable d’un manquement à son obligation de maintien de l’employabilité, et cause un préjudice susceptible d’être réparé sous la forme de dommages et intérêts.
En ce sens, la Cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 28 février 2019, a jugé que les manquements de l’employeur, à la fois aux entretiens professionnels tous les deux ans imposés par l’article L. 6315-1 du Code du travail et aux entretiens d’évaluation annuels imposés par une convention collective, ont causé un préjudice au salarié.
Ainsi, il paraît très probable que l’absence d’entretien professionnel tous les deux ans et l’absence d’entretien de bilan tous les six ans expose l’employeur à des dommages et intérêts, indépendamment de ceux qui peuvent être dus, le cas échéant, en réparation du non-respect de l’obligation de formation.
En principe, une sanction est prévue aux termes des articles L. 6315-1 et L. 6323-13 dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsque le salarié n’a pas bénéficié, durant les six années précédant l’entretien d’état des lieux récapitulatif, des entretiens professionnels prévus (tous les deux ans) et d’au moins une formation autre qu’une formation «obligatoire ». Celui-ci bénéficiera d’un abondement de son compte personnel de formation (CPF) à hauteur de 3000 euros. Le montant sera versé dans un premier temps à la caisse des dépôts et consignations, puis il alimentera dès réception le compte du salarié qui sera informé du versement.
Cette sanction ne concerne que les entreprises de plus de 50 salariés (dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’abondement du CPF à titre correctif n’est pas prévu). Il appartient aux DIRECCTE de contrôler que les employeurs qui se rendent coupables d’un défaut de réalisation de ces entretiens ont abondé les comptes CPF des salariés victimes du manquement. La DIRECCTE dispose à cet effet d’un pouvoir de mise en demeure.
Cependant, au vu du contexte actuel, notamment en raison de la prorogation de l’état d’urgence et du second confinement, une ordonnance n°2020-1501 du 2 décembre 2020 a repoussé l’échéance de la « dead-line » pour la mise en place des entretiens professionnels, et donc des sanctions afférentes.
Ainsi, tous les entretiens qui devaient avoir lieu depuis le 1er Janvier 2020 peuvent être reportés jusqu’au 30 juin 2021(entretiens biennaux et entretien « bilan »). Jusqu’à cette date butoir, l’employeur peut donc justifier de ses obligations.
Les sanctions du sixième alinéa de l’article L. 6315-1 et du premier alinéa de l’article L. 6323-13 du Code du travail ne sont pas applicables jusqu’au 30 juin 2021.
En conséquence, l’abondement au CPF et la pénalité en cas de non-respect des obligations sont donc suspendus.
BERREZKHAMI Sahra
BRUCKER Martin