L’IMPACT DU PROJET DE LA LOI-CLIMAT SUR LES PROFESSIONNELS DU TRANSPORT

L’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique sont des sujets de plus en plus débattus de nos jours. Plusieurs mesures et tentatives d’actions ont été effectuées au cours des dernières années. C’est ainsi que la loi sur la transition énergétique[1] qui avait pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030, en les divisant par quatre d’ici 2050 a été adoptée en 2015 et intégrée dans le code de l’énergie. 

En 2019, la promulgation de la loi énergie et climat[2] visait à répondre à « l’urgence écologique et climatique ». 

La Convention citoyenne qui avait pour objectif de réunir un panel diversifié de citoyens afin de définir des mesures permettant d’atteindre 40% des émissions de gaz à effet de serre, a abouti à des mesures présentées au Gouvernement. Ces mesures font l’objet d’un projet de loi portant « lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ». 

Ces lois et projet de lois marquent la volonté de la France d’agir et de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. 

Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets[3] a été présenté par Jean CASTEX et la ministre de la transition écologique Barbara POMPILI, le 10 février dernier à l’Assemblée Nationale. 

Ce projet de loi reprend les mesures de la Convention citoyenne pour le climat dont le travail était de proposer des mesures afin de réduire les émissions nationales de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030. A l’issue de ces concertations, 149 mesures ont été remises au Gouvernement en juin 2020 et 146 ont été retenues par le Président de la République et le Gouvernement. Ce projet de loi traduit les dispositions de nature législative recommandées par la Convention citoyenne afin d’accélérer la transition vers une société neutre en carbone, plus résiliente, plus juste et plus solidaire comme présentée par l’Accord de Paris sur le Climat. 

Ce projet de loi a plusieurs vocations : 

  • Permettre d’accompagner les entreprises en favorisant la décarbonisation des modes de production ainsi que l’économie circulaire[4]
  • Soutenir la transition écologique des collectivités locales en s’adaptant à la réalité de chaque territoire et en renforçant le pouvoir des élus locaux. 
  • Accompagner tous les citoyens dans la transition en mettant en place plusieurs mesures : 
  • Sensibilisation au développement durable ;
  • Evolution de l’information sur les produits et services ;
  • Anticipation par les employeurs des changements et formation de leurs salariés ;
  • Accompagnement de tous, notamment les plus précaires ;
  • Sanction pénale des délits écologiques lorsqu’ils contreviennent aux lois protégeant l’environnement. 
  • Changer le modèle français et accélérer l’évolution des mentalités, notamment sur la façon de vivre, de consommer et de se nourrir. 

Ce projet de loi prévoit 6 titres abordant 6 grands thèmes. Dans l’étude des transports de marchandises et de personnes, le titre qui nous intéresse le plus est le titre III sur les déplacements, ce qui ne nous empêche pas d’énoncer les autres thèmes abordés par le projet de loi. 

  • Titre Ier, la consommation : 

Ce titre vise à faire évoluer les modes de consommation en informant mieux les consommateurs et en soutenant le développement d’alternatives moins polluantes afin de réduire les émissions de CO2 dues à la consommation de certains biens ou services mais également dues à la surconsommation. 

  • Titre II, la production et le travail :

Ce titre soutient la transition des modèles de production afin qu’ils soient décarbonés et plus respectueux du vivant. 

  • Titre III, les déplacements :

Ce titre contient un ensemble de mesures pour réduire les émissions des différents types de moyens de transports, que ce soit dans les voitures individuelles, les transports routiers de marchandises et le transport aérien. Nous reviendrons sur ce titre plus en détail par la suite. 

  • Titre IV, le logement :

Ce titre contient des dispositions de rupture pour modifier durablement la façon de concevoir et d’habiter la ville, notamment pour rénover les passoires thermiques[5]

  • Titre V, l’alimentation :

Ce titre contient des dispositions qui s’inscrivent dans une politique globale accompagnant la transition écologique de l’agriculture 

  • Titre VI, l’évolution du droit :

Enfin ce titre renforce le droit pénal de l’environnement pour le rendre plus dissuasif en durcissant l’échelle des peines existantes et en complétant les règles judiciaires déjà existantes pour prévenir et punir plus fermement et efficacement les atteintes à l’environnement. 

Pour en revenir aux déplacements visés par le titre III, on retrouve deux grands thèmes à destination des professionnels du transport, à côté de mesures envisagées pour les particuliers :

  • Le transport de marchandise ;
  • Le transport collectif de personnes, plus particulièrement par avion.

S’agissant dans un premier temps des transports de marchandises, le chapitre II pose des mesures ambitieuses, au niveau national et local, afin d’optimiser le transport routier de marchandises et réduire les émissions. L’article 30 vise à supprimer progressivement l’avantage fiscal sur la TICPE dont bénéficie le gazole consommé par les poids lourds du transport routier de marchandises. Cela se fera par un accompagnement de ce secteur. L’article 31 prévoit quant à lui, d’intégrer un enseignement à l’éco-conduite dans le cadre de formations professionnelles des conducteurs de transports routiers. L’article 32 prévoit une habilitation à mettre en place une contribution spécifique assise sur le transport routier de marchandise, au niveau régional et départemental, l’objectif étant de favoriser le transport de marchandises par des moyens moins émetteurs de gaz à effet de serre[6]. Enfin, l’article 33, vise à généraliser l’obligation de prendre en compte les postes significatifs d’émission générées par l’activité des entreprises « chargeurs »[7]

S’agissant dans un second temps du transport de personnes, le chapitre IV de ce même titre vise à limiter la croissance des émissions du trafic aérien. En ce sens, l’article 36 interdit l’exploitation de services aériens sur des liaisons nationales de moins de 2h30, dès lors qu’un trajet alternatif par un autre moyen de transport collectif moins émetteur de CO2 existe pour ce même temps. L’article 37 vise à limiter la consommation de nouvelles surfaces et l’artificialisation des sols. Enfin, l’article 38 rend obligatoire pour tous les opérateurs aériens de la compensation carbone des émissions de vols intérieurs métropolitains. Il s’agit d’une compensation progressive avec une compensation de 100% des émissions prévue pour 2014. 

Ces mesures citées ci-dessus apportent certains avantages comme des inconvénients. Cela va de soi qu’elles soient proposées dans un mouvement de notre génération impactée par le réchauffement climatique. Le « point de non-retour » employé par certains scientifiques face à la situation écologique du monde, est devenu l’une des obligations premières pour les Etats et leurs citoyens. La société de consommation installée depuis des décennies dans la majorité des mœurs, n’aide pas à influer sur l’accélération du réchauffement climatique malgré des initiatives individuelles prises au regard de l’urgence environnementale. 

Cette loi aux vues de ce contexte, peut permettre un ralentissement du réchauffement climatique de par le changement des manières et habitudes qui sera imposé désormais. En effet, l’avantage n’est pas d’ordre économique ou logistique, mais bien écologique. D’un point de vue générale, l’avantage premier sera alors de forcer l’évolution des mœurs sur l’environnement, en sensibilisant les acteurs économiques et le peuple français sur ce sujet. Les différentes mesures viendront s’imposer à eux, et c’est en s’imposant que ces initiatives environnementales pourront être considérées comme habituelles au regard des français par la suite. 

Bien que l’aspect général de la loi climat est valorisant pour l’environnement, ce n’est pas le cas pour certains autres domaines. En effet, du fait qu’un changement doit s’effectuer désormais, cela signifie que des obligations viendront s’imposer aux acteurs économiques impliqués dans l’échelle du réchauffement climatique, tel que le transport. Certains domaines du transport comme le transport routier de marchandises et le transport aérien, devront remplir certaines obligations dans le but principal de contrôler leurs émissions de gaz à effet de serre. Ainsi cela doit nécessairement se traduire par la mise en place de mesures d’adaptation à ces domaines du transport. Dès lors, bien que le gouvernement souhaite accompagner les acteurs économiques dans ce changement d’habitudes, des frais supplémentaires devront probablement être pris par ces acteurs afin de remplir ces nouvelles obligations environnementales. Cela devra par conséquent s’inscrire dans leur budget annuel, au détriment d’autres mesures. 

Ainsi, afin d’éviter toute volonté de déroger à ces nouvelles obligations environnementales, des mesures gouvernementales pourront être prises afin de surveiller le respect de ces obligations et d’imposer ce changement de mentalité nécessaire au regard de l’urgence écologique.

Dans le projet de loi, il aurait pu être inscrit la possibilité de revoir la loi climat régulièrement. Par exemple, elle pourrait être révisée tous les ans comme la loi de finance. Cela aurait permis de l’adapter au mieux à l’évolution de l’actualité environnementale qui mérite non seulement des objectifs à moyen-long terme mais aussi beaucoup d’objectifs à court terme. 

De plus, un accompagnement aurait pu être mis en place afin d’aider les professionnels du transport à faire une transition écologique plus rapide et plus franche. Le but est de faire baisser drastiquement les émissions de CO2 le plus rapidement possible et de diminuer les comportements endommageant l’environnement. 

Dans ce cas, il faut que les entreprises aient des sanctions non seulement financières mais aussi l’obligation de changer dans un court délai la manière dont elles transportent leurs marchandises ou leurs passagers. Pour les entreprises n’ayant pas les moyens de faire ces changements rapidement, le Gouvernement peut les aider par des prêts, des avantages fiscaux ou des contributions financières. Pour celles qui ont les moyens de le faire, il faut leur appliquer les sanctions pécuniaires et les contraindre à changer leurs habitudes pour éviter qu’elles échappent à leurs obligations en payant uniquement leurs amendes.

Le 14 décembre 2020 à l’issu de son échange avec les citoyens de la Convention pour le climat, le président Emmanuel Macron avait proposé de faire un référendum pour changer l’article 1er de la Constitution en y ajoutant : « la République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Cette modification de l’article 1erde la Constitution avait été proposée à plusieurs reprises depuis 2018 dans le cadre des projets de révision de la Constitution. Le Sénat, majoritairement à droite, était plutôt hostile à cette modification à cause du terme « garantit ». En effet, si la République garantit dans la Constitution la préservation de l’environnement, de la biodiversité et lutte contre le dérèglement climatique, cela signifie que toutes les normes juridiques en dessous de cette norme devront respecter ce nouvel article de la Constitution. La République aurait dès lors une obligation de résultat face à l’environnement et toutes normes contraires à l’article 1er de la Constitution seraient considérées comme inconstitutionnelles. 

Bien que les arguments du Sénat face à cette modification soient valables, les conséquence en seraient importantes. La situation environnementale actuelle restant alarmante, toute solution garantissant la protection de l’environnement doit être étudié à ce jour. 

Sandra LEPAGNOT, 

Binta DIALLO,

Emmanuella KADIO,

Mathilde BUIRON. 

Etudiantes en Master droit douanier, droit des transports et logistique.


[1] LOI n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (1) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

[2] LOI n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (1) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

[3] Projet de loi nº 3875 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (assemblee-nationale.fr)

[4] Modèle économique ayant pour finalité la production de biens et de services de manière durable « en limitant la consommation et les gaspillages de ressources ainsi que la production des déchets » Ministère de la Transition écologique et solidaire.

[5] Il s’agit de logements mal isolés, faisant entrer l’air froid en hiver et la chaleur en été. 

[6] Voir en ce sens : Le transport ferroviaire à l’heure de la transition écologique – Clinique du Droit de Rouen (cliniquedudroitrouen.fr)

[7] Il s’agit des entreprises commanditaires de prestation de transport de marchandises. 

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