La Convention Citoyenne pour le climat : l’écocide, entre espoirs et désillusions, la réussite en demi-teinte d’une consultation unique en son genre.

1.La Convention Citoyenne pour le climat : un exercice inédit

La Convention Citoyenne pour le climat voit le jour sur décision du Président de la République Emmanuel Macron, en guise de réponse au Grand débat lancé le 15 janvier 2019 dans le cadre, notamment, de la crise des Gilets Jaunes. La Convention citoyenne est investie d’un mandat visant à définir des mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans un esprit de justice sociale. Cette démarche vise à associer à l’élaboration d’un projet de loi la parole des citoyens et citoyennes dans le but d’accélérer la lutte contre le changement climatique. En effet, la Convention opère un travail d’information, de débats et de préparation permettant de conduire à l’élaboration du projet de loi Climat et Résilience, à savoir le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets. 

Pour mettre en œuvre la Convention Citoyenne pour le climat, sa composition est assurée par un tirage au sort de 150 membres représentatifs de la société française et contrôlée par un Comité de gouvernance, d’experts techniques et juridiques et de professionnels de la participation et de la délibération collective, eux-mêmes patronnés par le Conseil Economique, Social et Environnemental qui veille à la neutralité et à la sincérité des débats. 

A cet exercice démocratique inédit, une procédure du même ordre s’applique à son mode de travail puisque la Convention se réunit pour définir des mesures devant servir de base à l’élaboration du projet de loi Climat et Résilience au cours de 7 sessions d’une durée de 3 jours chacune environ. 

Si la Convention étudie des questions d’une grande diversité comme l’agriculture, les économies d’énergies, la mobilité ou encore la rénovation thermique des logements, elle prend en charge 5 grandes thématiques desquelles 149 propositions y sont dégagées :

  • « Consommer », 
  • « Produire et Travailler »,
  • « se Déplacer », 
  • « se Loger », 
  • « se Nourrir », 

2. La construction de la Convention Citoyenne pour le climat : le crime d’écocide

Il semble important de se pencher sur la thématique « Se Nourrir » traitée par le Convention Citoyenne pour le climat, notamment parce qu’une de ses propositions a été catégoriquement rejetée par le gouvernement : instituer en tant que crime l’écocide. 

L’objectif pour la Convention étant de sauvegarder les écosystèmes en légiférant sur le crime d’écocide. En effet, il s’agit pour la Convention d’instaurer une répression pénale plus sévère que celle actuellement existante pour combattre les atteintes de l’homme à l’encontre des écosystèmes. La reconnaissance d’un tel crime implique la création d’ « une législation pour permettre de protéger nos écosystèmes de la dégradation et de la destruction, garantir l’habitabilité de notre planète et nous inscrire dans la maîtrise des gaz à effet de serre, en faisant porter la responsabilité juridique et financière sur les auteurs des déprédations » tout en respectant le concept des limites planétaires détaillées en 9 points et dont un seuil de dépassement devrait être établi pour qu’elles soient intégrées dans la définition du crime d’écocide dans le Code pénal : 

  • Le changement climatique 
  • L’érosion de la biodiversité 
  • La perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore 
  • Les changements d’utilisation des sols 
  • L’acidification des océans 
  • L’utilisation mondiale de l’eau 
  • L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique 
  • L’augmentation des aérosols dans l’atmosphère 
  • L’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère

Faire de l’écocide un crime permettrait, selon la proposition de la Convention Citoyenne pour le climat, defaire peser sur les auteurs de dégradations et destructions, c’est-à-dire de déprédations, la responsabilité juridique et financière de leurs actions. En effet, ce crime serait puni d’une peine de réclusion criminelle de vingt ans et de 7 500 000 euros d’amende. Une telle reconnaissance modifierait la loi pénale dans le but de la rendre dissuasive et contraignante. Dans le même temps, cette pénalisation prendrait en compte le devoir de vigilance et le délit d’imprudence. La Convention propose une définition du crime d’écocide : « Constitue un crime d’écocide, toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées. » et, par ailleurs, elle propose, pour que la législation qui lui soit applicable soit assurément mise en œuvre, qu’une autorité administrative indépendante du nom de Haute autorité des limites planétaires voient le jour pour garantir « l’application et le respect des limites planétaires, de transcrire ces limites planétaires au niveau national et de réévaluer ces données de façon périodique compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. ». Une telle pénalisation s’ajouterait aux incriminations déjà existantes en matière pénale et elle impliquerait que le comportement interdit soit clairement défini par le législateur, qu’il soit défini avant d’être sanctionné et que la sanction soit elle-même clairement identifiée par la loi. Pour qu’une incrimination de cette ampleur soit intégrée au Code pénal, il est nécessaire qu’elle soit conforme au principe de légalité des délits et des peines tout en s’ajoutant au principe de proportionnalité des peines. 

3. La déconstruction partielle des travaux de la Convention Citoyenne pour le climat

A l’aune de cette proposition concernant le crime d’écocide, dont l’objectif est de la soumettre à un référendum, alors que le Parlement l’a déjà rejetée lors de débats, le gouvernement, lui aussi réticent à cette idée, la rejette, notamment au motif que l’arsenal législatif actuel est suffisant pour sanctionner l’auteur d’un dommage contre l’environnement. En revanche, en transposant dans le projet de loi la proposition de la Convention citoyenne de crime d’écocide, le gouvernement en fait un délit au motif qu’il permettrait d’assurer une réponse pénale plus adéquate et un meilleur suivi des affaires de dommages environnementaux. Alors que les membres de la Convention Citoyenne pour le climat ainsi que les associations pour l’environnement trouvent qu’une telle solution vide de sa substance le terme d’écocide, le gouvernement assure lui que, sous forme de délit, il ne permettra qu’une meilleure prise en charge des dommages et atteintes causés par l’homme à l’environnement.

Le gouvernement déclare vouloir ajouter au délit d’écocide le délit général de pollution visant à « élargir l’actuel délit de pollution des eaux pour en faire un délit général de pollution des eaux, de l’air et du sol » ainsi que le délit de mise en danger délibérée de l’environnement visant à ce que « la personne mise en cause viole, de façon manifestement délibérée, une obligation particulière de prudence ou de sécurité́ imposée par la loi ou le règlement qui expose l’environnement à un risque immédiat d’atteinte grave et durable, c’est-à-dire susceptible de perdurer au moins dix ans ».

L’ensemble de ces dispositions démontre les divergences qui éloignent les différents acteurs travaillant à ce projet de loi Climat et Résilience : la plupart des propositions de la Convention Citoyenne sont transformées par le gouvernement, au risque même de les vider de leur substance. Le travail sur l’écocide en est un exemple pertinent. L’insatisfaction de nombreux acteurs, tels que les associations, ayant participé à la Convention paraît être un maigre résultat pour ce travail de longue haleine débuté en octobre 2019. L’issue de la Convention Citoyenne pour le climat ne semble pas permettre d’atteindre l’objectif d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 dans un esprit de justice sociale.

Les députés de l’Assemblée Nationale, le 19 mars 2021, ont voté l’institution d’un délit d’écocide pour lequel il est possible d’être condamné à 10 ans d’emprisonnement et à une amende d’1 000 000 d’euros. Il est accompagné de la création d’un délit général de mise en danger de l’environnement et ainsi ne doit pas y être assimilé. Si l’on attend encore la position du Séant sur ces dispositions, il est pour l’instant possible de constater que leur contenu est en deçà de ce que la Convention Citoyenne pour le climat a construit et que le gouvernement vide de son sens. Cette démarche est symptomatique d’une réussite en demi-teinte de cette consultation si particulière que représentait la Convention Citoyenne pour le climat.

Marine Baldari

https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/avis-sur-un-projet-de-loi-portant-lutte-contre-le-dereglement-climatique-et-ses-effets
https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/
https://reporterre.net/Crime-ou-delit-L-ecocide-divise-les-juristes-de-l-environnement
https://www.ecologie.gouv.fr/loi-climat-resilience
https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/le-gouvernement-renonce-au-crime-d-ecocide-mais-cree-un-delit-general-de-pollution-149223.html
https://www.dalloz-actualite.fr/node/2021-millesime-du-droit-penal-de-l-environnement#.YD_O4dzjI2w

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