Le manquement délibéré dans le cadre de l’ESFP : le comportement du contribuable lors de la vérification est sans incidence sur la pénalité

L’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ( ci-après ESFP ) est une procédure qui permet à l’administration fiscale de vérifier que les déclarations du contribuable sont bien en rapport avec la réalité de ses revenus. Cet examen conduit l’administration fiscale à contrôler la cohérence entre, d’un côté les revenus déclarés et, de l’autre, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal, conformément aux dispositions de l’article L 12 du Livre des procédures fiscales (LPF). 

La procédure commence par l’envoi d’un avis d’examen, imprimé n°3929 conformément à l’article L 47  du LPF. Cet avis précise les années soumises à contrôle et mentionne expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. 

L’ESFP ne peut être régulièrement engagé au titre d’une année pour laquelle le délai de dépôt des déclarations de revenus n’est pas encore expiré selon un arrêt du Conseil d’État du 8 avril 1998, cependant si l’avis parvient à son destinataire après la date d’expiration la procédure est régulière même si l’avis a été envoyé avant la date d’expiration, selon un arrêt de la haute juridiction administrative du  11 février 2013. 

L’ESFP n’est pas la seule procédure mise en œuvre par l’administration fiscale pour contrôler la véracité des déclarations. Cependant, si elle est mise en œuvre et que l’administration établie des irrégularités, elle peut sanctionner le contribuable par les biais de pénalités. 

Ces pénalités, appelées autrement les majorations, sont applicables aux contribuables dont le caractère délibéré du manquement est établi par l’administration ou qui se sont rendus coupables de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit. Le taux de la majoration des droits est de 40% en cas de manquement délibéré ou d’abus de droit et de 80% en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat. 

Néanmoins, pour la première majoration de 40% pour manquement délibéré, il faut que l’administration apporte la preuve de ce manquement, en l’absence de preuve ou en cas de preuve non satisfaisante, le juge peut considérer que la procédure est irrégulière et décharger le contribuable de la pénalité. 

La preuve de ce manquement est appréciée de manière stricte par le Conseil d’État, ainsi l’administration n’est pas considérée comme apportant la preuve si elle se fonde sur le comportement du contribuable lors de la vérification, comme le précise un arrêt du 11 février 2021 n°432960. 

En l’espèce, un contribuable avait fait l’objet d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2009 et 2010. À l’issue des opérations de contrôle, l’administration avait réintégré dans son revenu imposable, d’une part, des revenus fonciers non déclarés pour un montant de 13.974 euros et, d’autre part, des sommes regardées comme des revenus d’origine indéterminée pour un montant de 117.449 euros et l’administration avait en conséquence soumis le contribuable à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, assortis de la pénalité de 40% pour manquement délibéré. 

Le contribuable conteste cette majoration devant le tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande par un jugement du 21 décembre 2017, il interjette appel auprès de la cour administrative d’appel de Douai qui, à l’instar du tribunal administratif de Lille, a rejeté la demande du contribuable au motif que l’administration est considérée comme apportant la preuve dans un arrêt du 21 mai 2019. Selon la cour administrative d’appel, l’administration apporte la preuve si elle se fonde sur l’absence de toute explication probante sur l’origine des sommes en cause et l’absence de collaboration du contribuable lors des opérations de contrôle. 

L’affaire arrive devant le Conseil d’État qui, comme à son habitude, affirme qu’en se fondant exclusivement sur des éléments tirés du comportement du contribuable pendant la vérification, alors qu’ils ne pouvaient eux-mêmes justifier l’application de la pénalité, la cour a commis une erreur de droit. Cette solution n’est, dans les faits, pas nouvelle puisque la même position avait été retenue par le Conseil d’État dans un arrêt du 27 juin 2012 n°342991, minc/Desorez. 

Quel est l’intérêt de cette décision pour le contribuable ? 

C’est une décision qui réduit le pouvoir du vérificateur, pour que la procédure soit régulière, il doit justifier un manquement autrement dit l’élément matériel qui peut être une inexactitude ou une omission de déclaration. En outre, le vérificateur doit établir que ce manquement est délibéré, appelé autrement l’élément intentionnel, en amont c’est-à-dire avant les opérations de contrôle.

Concrètement, le vérificateur doit être sûr de son jeu avant les opérations, car s’il se fonde sur le comportement du contribuable lors de l’ESFP pour appliquer la pénalité de 40%,  il n’est pas à l’abri d’une procédure irrégulière. 

Enfin, le contribuable doit être à l’affût de la jurisprudence et vérifier systématiquement les motifs invoqués par l’administration fiscale pour justifier la majoration de 40% à défaut des connaissances juridiques,  avant le paiement de la pénalité, le conseil d’un fiscaliste est toujours nécessaire. 

                                                                                                                     Mamoudou SOUKOUNA 

1 réaction sur “ Le manquement délibéré dans le cadre de l’ESFP : le comportement du contribuable lors de la vérification est sans incidence sur la pénalité ”

  1. Camara Urbain Touffé Réponse

    Je vous remercie pour votre intervention sur le cas du droit fiscal. J’en suis passionné vraiment.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *