‘’ Notre grande erreur est de croire que le médecin, l’avocat et le prêtre ne sont pas des hommes comme les autres. ‘’Henry De Montherlant (Académicien, écrivain, Romancier (1895 – 1972))
L’arrêt en question, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 3 février 2021 (n°16-19.691), illustre cette citation.
En l’espèce, un avocat associé était en arrêt maladie depuis le 6 février 2013. Il informe la société de son intention de quitter le cabinet en août et adresse sa démission le 1er octobre, celle-ci prenant effet au 31 décembre de la même année.
L’assemblée générale extraordinaire a été convoquée avec pour l’ordre du jour, la démission sur laquelle elle n’a pas statuée. Une nouvelle assemblée générale extraordinaire a été convoquée, le 25 novembre 2013 afin de statuer sur cette démission, au titre de laquelle, l’exclusion de l’avocat associé a été prononcée.
Pour prononcer l’exclusion, la société d’avocats s’est basée sur l’article 11 des statuts, au titre d’une incapacité d’exercice professionnel pendant une période cumulée de neuf mois au cours d’une période totale de douze mois.
L’associé, à la suite de l’exclusion, a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats d’une demande d’arbitrage portant sur les rappels de rétrocession d’honoraires et l’octroi de dommages-intérêts.
I. Le contexte juridique de l’affaire
Tout d’abord, il faut souligner que la qualité d’associé et la qualité de salarié font partie de deux contrats différents. La qualité de salarié est liée au contrat de travail et la qualité d’associé est liée au contrat même de la société. Ainsi, si un associé est lié à sa société par un contrat de travail, la rupture de ce contrat ne lui retire pas la qualité d’associé.
La perte de la qualité d’associé, entre autres motifs, peut résulter de l’exclusion de l’associé dans les conditions prévues par les statuts. Le droit des sociétés renvoie aux associés de fixer les modalités de révocation ou d’exclusion d’un associé dans les statuts de la société sous conditions du respect des textes régissant le contrat de société.
L’exclusion consiste dans le fait d’évincer un associé de la société et l’obliger à céder ses parts sociales.
De même, il faut donner une attention particulière à l’article 1844-10 alinéa 3 du Code civil qui dispose que : « La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent titre, à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833, ou de l’une des causes de nullité des contrats en général. »
La cour d’appel a été saisie le 15 juin 2016 et a rejeté les deux principales demandes présentées par l’avocat associé exclu.
La Cour de cassation, saisie de la même affaire, a annulé partiellement la décision rendue par la Cour d’appel.
L’une des demandes de l’avocat associé exclu, portait sur le paiement de 700 000€ à titre de dommages-intérêts résultant « d’un comportement fautif des dirigeants de la société d’avocats, à l’origine du syndrome d’épuisement professionnel ».
La cour d’appel rejette cette demande et retient qu’il n’y avait pas de preuves justifiant un lien de causalité entre l’état de santé du demandeur et le comportement des dirigeants de la société.
Sur ce point, la Cour de cassation s’est basée sur le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond et a confirmé le rejet de cette prétention, en retenant « la réalité d’un comportement fautif des dirigeants de la société d’avocats, à l’origine du syndrome d’épuisement professionnel (…) n’était pas démontrée ».
II. L’annulation d’une délibération de l’assemblée générale en cas d’exclusion abusive de l’un des associés
Le cœur de l’affaire se trouve dans le premier moyen présenté par le demandeur devant la Cour de cassation. Le demandeur prétendait que l’exclusion dont il a fait l’objet était abusive, ce qui entachait de nullité la délibération de l’assemblée générale du 25 novembre 2013. Il demandait ainsi son annulation et la rétrocession de ses honoraires.
La cour d’appel en réponse aux prétentions du demandeur, avait admis que « l’exclusion prononcée par l’assemblée générale était abusive » car l’assemblée générale a été convoquée pour se prononcer sur la démission de l’associé et s’est finalement prononcée sur son exclusion. Cette décision « était motivée par la volonté de résister à ses prétentions financières ».
Cependant, la cour d’appel a rejeté sa demande car le caractère abusif était insuffisant pour annuler la décision de l’assemblée générale. Cette dernière a affirmé que dans ce cas, seuls les dommages et intérêts peuvent être alloués si le demandeur parvient à démontrer qu’il a subi un préjudice.
La Haute juridiction se fondant sur les articles 1832, 1833 et 1844-10, alinéa 3, du code civil a annulé partiellement la décisionrendue par la cour d’appel.
Selon la Cour de cassation « la décision prise abusivement par une assemblée générale d’exclure un associé affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette assemblée et en justifie l’annulation ». Par conséquent, la cour d’appel n’a pas respecté les textes visés dans sa décision.
Néanmoins, la Cour de cassation ne donne pas la définition d’une « décision prise abusivement par une assemblée générale » et se contente de citer les textes pour prononcer la nullité. Au vu de cette décision, les faits du cas d’espèce, ne sont pas suffisants pour répondre à cette question.
Litos Vaz
Sources :