La clause d’exclusion de garantie à l’aune de la crise sanitaire actuelle

La crise sanitaire liée à la Covid-19 a eu impact non négligeable sur certains secteurs économiques et notamment la restauration. Les restaurants ainsi que les débits de boissons n’ont pas pu recevoir de public pendant et depuis plusieurs mois pour freiner l’épidémie. 

Certains restaurateurs ont conscience, même en dehors de cette situation exceptionnelle, qu’ils peuvent faire face à des diminutions d’activité et par conséquent souscrivent des contrats d’assurance tels qu’une assurance perte d’exploitation. Par exemple, un contrat d’assurance peut garantir les pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative. 

Du fait de la crise sanitaire, de nombreux restaurateurs se sont retournés contre leur assureur pour pouvoir bénéficier de ce contrat d’assurance mais la demande ne fut pas à la hauteur des attentes des restaurateurs. En effet, ces compagnies d’assurances ont refusé d’indemniser les commerçants suite à leur perte d’exploitation. Les assureurs refusent cette indemnisation sur la base des clauses d’exclusion de garantie. 

La clause d’exclusion de garantie est une clause du contrat qui exempt l’assureur d’indemniser l’assuré dans certaines conditions. Les exclusions doivent être précisées dans le contrat et doivent respecter un certain formalisme pour être valables. 

Les clauses d’exclusions de garantie sont souvent opposées aux assurés, mais elles ne seront valables que si elles répondent à un certain nombre de conditions. Ces conditions sont définies par les articles L.113-1 et L.112-2 du Code des assurances. Les clauses d’exclusion de garantie doivent être explicites c’est à dire qu’elles doivent contenir une description détaillée des situations non couvertes pour que l’assuré soit en mesure de les comprendre. Les clauses d’exclusions de garantie doivent par ailleurs être limitées c’est à dire que ces clauses doivent être en nombre restreint et couvrir des situations clairement définies. Enfin, ces clauses d’exclusions de garantie doivent être apparentes c’est à dire que le contrat devra les mentionner d’une manière suffisamment claire et lisible pour que l’assuré puisse en prendre connaissance facilement. 

Un arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence du 25 février 2021 est venu juger une affaire relative à une clause d’exclusion de garantie qui ne trouvait pas application en l’espèce. 

Il s’agit d’un restaurateur marseillais qui avait souscrit un contrat d’assurance multirisque professionnelle auprès d’une compagnie d’assurance. Ce contrat garantie les pertes d’exploitations dues à une fermeture administrative consécutive notamment à une épidémie. 

Toutefois, ce même contrat comporte une clause d’exclusion de garantie qui stipule « Sont exclues les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l ’établissement assure, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

A la suite des annonces gouvernementales demandant la fermeture des commerces dit « non essentiels » et l’impossibilité de recevoir du public, ce restaurateur a effectué auprès de sa compagnie d’assurance une déclaration de sinistre pour perte financière. Toutefois, cette demande a été rejetée en vertu de la clause d’exclusion de garantie. Le restaurateur marseillais a assigné la compagnie d’assurance devant le tribunal de commerce. Le tribunal de commerce a estimé que la clause d’exclusion de garantie ne trouvait pas lieu à s’appliquer en l’espèce et la compagnie d’assurance devait indemniser le restaurateur. La compagnie a interjeté appel et la Cour d’Appel d’Aix en Provence a confirmé le jugement du tribunal de commerce. 

La Cour d’Appel d’Aix en Provence vient juger que les termes employés dans la clause d’exclusion de garantie à savoir pour cause identique renvoie au terme d’épidémie. Or, il n’est pas défini dans le contrat d’assurance multirisque ce que signifie une épidémie. Ce terme d’épidémie qui est compris dans la clause d’exclusion de garantie est donc un terme qui est interprétable. 

Or, l’article L.113-1 du Code des assurances prévoit qu’une clause d’exclusion de garantie doit être limitée dans son principe pour pouvoir être appliquée. A défaut, elle est considérée non écrite. Le caractère limité d’une clause d’exclusion de garantie au sens de l’article L.113-1 du Code des assurances n’est pas satisfaite si la clause litigieuse est interprétable. Cela a été jugé dans un arrêt de la 1ere chambre civile de la Cour de cassation le 22 mai 2001. 

En effet, les juges de la Cour d’Appel sont venus dire qu’« il résulte de l’article L113-1 du Code des assurances que les clauses d’exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu’elles doivent être interprétées et qu’elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées ».


En l’espèce, la clause n’est pas basée sur des hypothèses limitativement énumérées car elle prévoit un cadre très large d’application. Les juges de la Cour d’Appel ont justement réputés non écrite cette clause. 

Les juges du fonds sont venus également exclure l’application de la clause d’exclusion de garantie sur les fondements des articles 1170 et 1190 du Code civil. L’assureur dans le contrat prévoit que la garantie ne pourra jouer si un autre établissement (peu importe sa nature et son activité) fait l’objet d’une mesure administrative pour des causes identiques. Cependant, est impensable qu’une épidémie ne puisse se limiter à la fermeture d’un simple magasin dans une zone départementale (comme précisée par la clause d’exclusion de garantie). 

Il y a entre le contrat et la clause d’exclusion de garantie une incohérence. En effet, le contrat prévoit que le restaurateur sera indemnisé en cas de fermeture administrative liée à une épidémie et dans un autre sens que cette épidémie ne se limite qu’à la fermeture d’un seul commerce. Cela semble invraisemblable. 

Par conséquent, l’application de cette clause d’exclusion de garantie viendrait à ne pas garantir l’assuré des pertes d’exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant et donc à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie (c’est-à-dire ce qui est compris dans le contrat d’assurance multirisque). 

La décision rendue par la cour d’appel d’Aix en Provence suit la lignée jurisprudentielle de l’arrêt de 1996 « Chronopost » qui avait retenu « qu’en raison du manquement à cette obligation essentielle, la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite ». 

Il faut rappeler que lorsqu’il s’agit d’interpréter un contrat, dans le doute, il convient de privilégier l’interprétation favorable au débiteur, et, que lorsqu’une clause est susceptible d’être interprété dans deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun. C’est pourquoi logiquement, la cour d’appel d’Aix en Provence a confirmé l’arrêt rendu par le tribunal de commerce en première instance. 

Sans nul doute, les professionnels de la restauration mais également tous les secteurs dit « non-essentiels » qui subissent depuis maintenant plus d’un an des fermetures administratives, attendent avec impatience d’autres décisions comme celle de la cour d’Appel d’Aix en Provence. Il reste à se demander si un tel litige sera porté devant la Cour de cassation pour avoir un peu plus de recul sur le sujet.

Marie Ducrotté

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