La clause de non-concurrence : comment ça fonctionne ?

Laisser un salarié en pleine nature n’est pas toujours chose aisée. Dans de nombreux domaines, la clientèle, les secrets de fabrications ou encore les stratégies, sont des éléments très précieux. Il appartient alors à l’employeur d’insérer une clause afin de pallier une éventuelle concurrence de la part du futur « ex-salarié » : la clause de non-concurrence.

Par un arrêt en date du 5 mai 2021 (Cass. Soc n°20-10.092), la Cour de cassation va se prononcer sur le respect d’une telle clause.

En l’espèce, la Haute-juridiction a été amenée à se demander dans quelles mesures un salarié viole la clause de non-concurrence.

Elle a ainsi considéré qu’aucune contrepartie n’est due au salarié qui, tenu par une clause de non-concurrence d’une durée de 12 mois à compter de la rupture de son contrat de travail, quitte son entreprise pour s’engager le lendemain avec une autre, et se voit par la suite rompre sa période d’essai.

La rupture de la période d’essai et le non-maintien dans la nouvelle entreprise n’a aucune incidence sur l’appréciation de la Cour, qui va considérer que la violation de la clause par le salarié entraîne automatiquement l’annulation du versement de l’indemnité compensatrice.

Cette position stricte sur les conditions de mise en œuvre de la clause de non-concurrence est une bonne occasion de rappeler le régime de cette clause particulière, avec les obligations qui incombent à chacune des parties, et les sanctions en cas non-respect de ces obligations.

  1. Définition

Une clause de non-concurrence se définit comme une clause insérée au contrat d’un salarié, qui lui interdit, après la rupture de son contrat de travail, d’exercer une activité concurrente de celle de son employeur. L’activité interdite au salarié peut être soit au service d’une société concurrente, soit par création du salarié d’une société ou à titre individuel, susceptible de concurrencer la société avec laquelle il vient de rompre son contrat de travail.

  • Conditions

La particularité de cette clause est d’avoir pour objet de restreindre la liberté du salarié. Dès lors il est évident que la validité de cette clause est subordonnée à plusieurs conditions.

Tout d’abord, la clause de non-concurrence doit satisfaire aux conditions générales de l’article L.1121-1 du Code du travail, qui prévoit que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». Ces dispositions expliquent que, pour être valable, la clause de non-concurrence doit répondre à 4 critères cumulatifs :

  • Elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ; en l’espèce une activité commerciale comme celle qu’exerce l’entreprise à tout intérêt à limiter l’impact de la concurrence sur son territoire, et à éviter de voir ses salariés passer d’une entreprise à l’autre.
  • Elle est délimitée dans le temps et dans l’espace :
    • Cette limite doit être précise (Cass. Soc. 8 janvier 2020, nº 18-16.667) et proportionnée à l’activité exercée (Cass. Soc. 7 mai 1991 n° 87-43.470)
    • Ainsi, une clause prévoyant une durée de 5ans a été jugée excessive (Cass. Soc. 7 mai 1991 n° 87-43.470) ;
  • Elle doit être proportionnée à l’objet du contrat (Cass. Soc. 4 janvier 1994, 92-14.121) ;
  • Elle comprend une contrepartie financière versée par l’employeur au salarié. Le montant de la contrepartie ne doit pas uniquement dépendre de la durée du contrat ni être prévu tant que le contrat court toujours.

Dans sa mise en œuvre, l’employeur doit prêter attention à ce que la clause ne soit pas potestative, et lui réserve le droit d’imposer une clause de non-concurrence après la rupture du contrat de travail. Auquel cas la clause est nulle (Cass. Soc 12 février 2002 n°00-41.765).

Sur accord du salarié, du contrat de travail, ou des dispositions conventionnelles, l’employeur peut renoncer à exercer la clause de non-concurrence, au plus tard à la date de départ du salarié de l’effectif. Il peut être intéressant de mentionner cette faculté dans la clause en question.

Au niveau de sa rédaction, la clause doit être libellée de façon très précise, car l’interprétation du juge est stricte, et elle ne peut être étendue au-delà de ce qui a été prévu entre le salarié et son employeur.

3.   Sanctions

Pour apprécier le régime des sanctions en cas de non-respect de la clause de non-concurrence, il est nécessaire de se placer du côté de l’employeur puis du salarié. Il convient également d’aborder le cas du nouvel employeur qui peut lui aussi être sanctionner.

  • L’employeur :

En cas de non-respect de son obligation par l’employeur – le versement de la contrepartie financière – la clause de non-concurrence n’est plus valable, elle est nulle. Le salarié n’est donc plus tenu par cette clause.

Par ailleurs, il reviendra au juge d’octroyer ou non des dommages et intérêts au salarié en réparation du préjudice subi par ce dernier. L’employeur devra tout de même s’acquitter de la contrepartie financière au prorata du temps où la clause était valable.

  • Le salarié :

Plusieurs sanctions ont été prévues par le juge en cas de non-respect de la clause par le salarié :

  • Le remboursement d’indemnités de clause de non-concurrence déjà perçues, et ce même en cas de violation temporaire ou de courte durée (Cass. Soc. 5 mai 2004 n°01-46.261) ;
  • Les éventuels frais engendrés par une procédure devant le juge ;  
  • La cessation de la nouvelle activité, sous astreinte si nécessaire (Cass. Soc. 10 décembre 1996 n°94-43.015)
  • Le paiement de dommages et intérêts à l’ancien employeur, au titre de l’article L1231-1 du code civil et de l’inexécution de son obligation contractuelle

Les dommages et intérêts peuvent être prévus par avance par une clause pénale, qui ne s’impose cependant pas au juge, ce dernier pourra la réévaluer le cas échéant.

Concernant l’indemnité prévue par la clause de non-concurrence, le salarié en perd tout le bénéfice en cas de violation, même temporaire ou de courte durée (Cass. Soc. 5 mai 2004 n°01-46.261). La violation entraîne également la restitution des sommes perçues à tort, mais n’affecte pas l’indemnité versée à raison pendant la période durant laquelle la clause a été respectée (Cass. Soc. 18 février n°01-40.194).

D’un point de vue pénal, le salarié s’expose à des poursuites s’il se rend coupable d’un détournement de clientèle, au titre des dispositions de l’article 314-1 du Code pénal.

  • Le nouvel employeur

Le nouvel employeur peut aussi se rendre complice de la violation de la clause de non-concurrence.

Il paraît toutefois logique que ce dernier ne peut être poursuivi dès lors qu’il engage un salarié lié par une clause de non-concurrence.

Il conviendra alors de déterminer la mauvaise foi du nouvel employeur avec le salarié, cette charge de la preuve pèse sur l’ancien employeur. La mauvaise foi se caractérise ici par la connaissance de l’existence d’une clause par l’ancien employeur. La responsabilité délictuelle du nouvel employeur pourra être engagée au titre la concurrence déloyale.

Cette action est cumulable avec celle que l’ancien employeur peut exercer contre le salarié.

BRUCKER Martin

CHTATAR Haroun

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