Des quotas légaux de femmes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes

 « Si vous me permettez de filer la métaphore du plafond de verre, je dirais que la loi Copé-Zimmermann a permis de construire un escalier extérieur, puisque le recrutement des conseils d’administration et des conseils de surveillance se fait généralement de manière extérieure à l’entreprise, ces individus, n’en faisant pas eux-mêmes partie. L’objectif de la proposition de loi que je soumettrai à mes collègues députés et qui, je l’espère, pourra cheminer au Sénat, est de construire un escalier intérieur. Les personnes qui sont au Comex et au Codir faisant généralement partie de l’entreprise, il s’agit de permettre à des femmes d’atteindre des postes à responsabilités depuis l’intérieur de l’entreprise. »

Ces mots ont été tenus par Madame Marie-Pierre RIXAIN devant la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale.

En effet, Marie-Pierre RIXAIN, députée et présidente de la délégation précitée a déposé le 23 mars 2021 une proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle. Elle commentait alors en l’espèce, l’article 7 de cette proposition de loi visant à introduire un article L.1141-11 du Code du travail disposant alors que dans les entreprises d’au moins mille salariés “La proportion des cadres dirigeants et des cadres membres des instances dirigeantes de chaque sexe ne peut être inférieure à 30 %”. La proposition prévoit de porter ce taux à 40% d’ici 2030.

Cet article a également pour objet de faire peser sur l’employeur l’obligation de publier, chaque année, les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les cadres membres des instances dirigeantes.

Il paraît alors opportun d’évoquer le contexte législatif préexistant en matière de parité au sein des instances dirigeantes avant de démontrer que cette loi est nécessairement adaptée à notre réalité sociale.

  • La loi RIXAIN, une réponse face à l’absence de ruissellement de la loi COPE-ZIMMERMANN

La loi COPE-ZIMMERMANN avait également, dix ans plus tôt, instauré un quota de 40% de femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance. Un bilan décennal positif peut alors être dressé pour cette loi qui a permis de doubler le taux de femmes présentes au sein de ces instances dirigeantes. En effet, seulement 20% de femmes siégeaient au sein des conseils d’administration et de surveillance en 2011 contre 46% aujourd’hui. L’objectif ayant été outrepassé, ces chiffres démontrent qu’au-delà d’une volonté de se conformer à la loi et d’éviter une potentielle sanction financière, cette loi a accompagné et chaperonné l’évolution des mentalités.

Toutefois, l’effet de ruissellement escompté ne s’est pas produit. Ainsi, concernant les entreprises du SBF 120, la part de femmes au sein des autres instances dirigeantes reste aujourd’hui inférieure à 25%.

Le Ministre de l’économie et des finances, Bruno LE MAIRE a alors appelé à “passer à la vitesse supérieure” face à une situation qui ne s’améliore pas assez vite en matière d’égalité salariale et de représentation au sein des postes à hautes responsabilités.

Ce passage à la vitesse supérieure, cette avancée, les députés la souhaite adaptée et mesurée.

  • Un champ d’application mesuré et la volonté de pallier les particularités de certains secteurs d’activité

Cette proposition de loi vise à tendre vers la parité au sein des instances dirigeantes qui sont ainsi définies par son article 7 comme “toute instance mise en place au sein de la société par tout acte ou toute pratique sociétaire aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions”.

On comprend alors aisément que le but est de permettre aux femmes d’occuper des postes à responsabilités correspondant à leurs compétences et à leurs ambitions carriéristes.

Les quotas ont alors fait débat au sein des organisations patronales. Cependant, les chiffres précédemment évoqués démontrent d’une part, les limites de l’autorégulation et d’autre part, la profonde efficacité des quotas.

Les réticents et opposants à la “discrimination positive” soutiendront alors qu’imposer de nommer une personne, au sein d’un organe de direction, en fonction de son genre et non de ses compétences n’est pas pertinent. Cependant, devoir recourir à la rédaction de textes législatifs pour soumettre les entreprises à un quota de 3 femmes pour 7 hommes, au sein des instances dirigeantes, démontre que la nomination en fonction du genre n’a pas attendu cette loi pour prendre du terrain. Cette proposition permet alors un rééquilibre qui, sans cette mesure, aurait été freiné par des stéréotypes persistants.

De plus, de part son champ d’application, cette proposition semble mesurée. En effet, elle concerne les entreprises de plus de 1000 salariés. Les grandes entreprises, outre certains secteurs d’activité, devraient alors rencontrer peu de difficultés à se conformer à cette obligation.

Le secteur d’activité, la situation initiale de l’entreprise, les efforts constatés dans l’entreprise en matière de représentativité entre les femmes et les hommes ainsi que les motifs de sa défaillance seront par ailleurs pris en compte dans la fixation du montant de la pénalité financière résultant du manquement à cette obligation. Le législateur adopte alors un raisonnement pragmatique et démontre une volonté de pallier les particularités de certains secteurs d’activité (notamment celui du BTP).

L’application de cette loi dans le temps paraît également adapté au temps nécessaire aux entreprises pour s’adapter à ses dispositions. En effet, la proposition prévoit que ce quota de 30% entrera en vigueur “le 1 er mars de la cinquième année suivant l’année de publication de la présente loi” et passera ensuite à 40% “à compter du 1er mars de la huitième année suivant l’année de publication” de cette loi. Les dispositions relatives à la pénalité financière imputée en cas de manquement, entreront quant à elles en vigueur en 2030.

Adoptée par l’Assemblée nationale à l’unanimité en première lecture, ce 12 mai 2021, le Sénat devrait se pencher sur cette proposition de loi d’ici le 27 octobre 2021.

Pour aller plus loin, la proposition de loi.

Shauna BERSON



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