Prix du carburant : une fiscalité liée

Par rapport à la semaine dernière, les prix des carburants les plus vendus en France ont encore augmenté de deux centimes selon les chiffres du ministère de la Transition écologique.

Le gazole est à son plus haut niveau historique, atteignant en moyenne le prix d’1,567€ par litre. Même chose pour l’essence : le sans-plomb 95 a atteint 1,659€ le litre et le SP 95-E10 1,634€.

La hausse du carburant résulte t-elle d’une augmentation des taxes ? Comment l’exécutif y répond ?

Au préalable intéressons-nous à la manière dont le prix du carburant est fixé.

I/ Structuration des prix de l’essence et du gazole en France

Les prix des carburants sont composés du coût du pétrole brut, des coûts de distribution, des coûts d’acheminement, des marges nettes ainsi que des taxes

  • Le coût du pétrole brut

Il représente environ 30 % du prix du carburant sans plomb 95-E10 ou du diesel. Ce montant inclut :

            – le prix de la matière première : le pétrole (déterminé par les marchés internationaux selon l’offre et la demande).

            – le coût du raffinage (qui permet de transformer le pétrole brut en carburant).

Ces derniers temps, la reprise économique et la faible production ont ainsi conduit à une hausse des cours sur les marchés. Le cout est fixé au gré des rapports géopolitiques et des grandes négociations internationales.

  • Les coûts de distribution et d’acheminement

Ils représentent environ 7 % du prix final du carburant. Ils comprennent le stockage, le transport et le coût d’exploitation et de fonctionnement des stations-services.

  • Les marges nettes

Les marges sont réalisées par la station-service ou les magasins de grandes distributions et ne représentent qu’1 % du prix final, soit environ 1,5 centime par litre de carburant distribué.

  • Les taxes

Si les évolutions du prix du pétrole peuvent faire fluctuer le coût des carburants, la majeure partie de la note finale payée par les consommateurs vient des taxes imposées par l’État. Elles pèsent environ 60% du prix fixé par le secteur privé.

Les taxes les plus importantes appliquées au carburant sont la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques) et la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée).

A noter que d’autres taxes indirectes peuvent s’appliquer sur les carburants comme la TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes).

La TICPE porte sur certains produits énergétiques, notamment ceux d’origine pétrolière. Le montant de la TIPCE est défini chaque année par la loi de finances et peut être majoré par les conseils régionaux, pouvant aboutir à des TICPE différentes selon les régions.

A cette taxe (TICPE) s’ajoute la TVA venant s’appliquer séparément sur les carburants. Depuis 2014, son taux est fixé à 20 % en métropole (en Corse le taux est de 13%). Pour faire face à l’augmentation des prix à la pompe et plus largement à l’inflation, Monsieur Jean Castex vient d’annoncer ce vendredi 20 octobre une « indemnité classe moyenne » de 100 euros par personne.

II/ Une indemnité inflation de 100€ pour 38 millions de français

Cette dernière sera versée à tous les travailleurs et demandeurs d’emploi qui touchent moins de 2 000 euros net par mois (salaire médian en France) ainsi qu’aux retraités et étudiants, soit un total de 38 millions de Français.

Il s’agit d’une mesure attendue, compte tenu de ce que l’on veut obtenir comme résultat, c’est à dire un apaisement ponctuel de la facture d’énergie avec un effet perceptible pour le consommateur.

Le versement de cette indemnité sera automatique puisqu’elle sera versée directement par l’employeur, l’Urssaf, la caisse de retraite ou encore Pôle emploi aux salariés dès fin décembre. En janvier pour les agents publics et plus tard pour les autres catégories (retraités, indépendants, étudiants boursiers ou apprentis, et chômeurs en recherche active d’emploi).

Pour les salariés, les employeurs auront « l’obligation, par la loi, de verser l’aide », a fait savoir l’entourage du Premier ministre. Ils seront compensés par une baisse des cotisations patronales, une ligne de plus apparaîtra donc sur la fiche de paie.

Le coût est estimé à 3,8 milliards deuros et sera intégralement tiré du budget général de l’État et donc défiscalisée. « J’ai annoncé un déficit à 5 %, nous tiendrons cet objectif de 5 %. Il nous appartient de financer cette indemnité », a assuré le chef du gouvernement.

Une somme conséquente, mais qui reste bien moins lourde que le coût d’une baisse des taxes (TVA, TICPE). Le porte-parole du gouvernement vendredi matin a jugé qu’une baisse des taxes n’aurait pas été plus efficace pour contrer l’inflation. On vous explique pourquoi.

III/ Les raisons pour lesquelles la baisse des taxes n’est pas envisagée

Une manœuvre qui reste possible mais aux nombreuses limites.

  • Un système égalitaire mais pas équitable.

Egalitaire mais pas équitable car une baisse générale des taxes ciblerait tous les automobilistes : le plus modeste, comme le plus aisé. Une taxe se basant sur les services rendus, et non sur les facultés contributives des assujettis, contrairement à l’impôt.

  • Une mesure non écologiquement acceptable

Une mesure qui reviendrait indirectement à subventionner le pétrole, dans une période où l’exécutif appuie sa stratégie environnementale sur une diminution des énergies fossiles avec une politique prix/CO2.

  • Un effet peu visible sur le prix au litre

Par exemple, entre octobre 2000 et juillet 2002 sous le gouvernement Jospin, la TICPE flottante (anciennement appelée « TIPP ») avait été modulée quand le cours du baril de Brent variait à la hausse ou à la baisse de plus de 10%.

Selon un rapport de la Cour des comptes de 2005, celui-ci aurait diminué les recettes fiscales de l’Etat de 2,7 milliards d’euros en 22 mois et engendré une baisse des prix à la pompe n’ayant pas excédé 0,022 €/litre.

  • Des taxes difficilement réversibles

Les baisses de taxes sont difficilement réversibles (les diminuer parait plus simple que les augmenter).

Baisser les taux de TICPE et de TVA pour ensuite les réaugmenter une fois le prix du pétrole brut reparti à la baisse serait politiquement incorrect voir illogique.

Réduire les taxes (plus particulièrement la TICPE) pèserait lourd sur le budget de l’Etat. Renoncer à 1 centime de cette taxe couterait 1/2 milliard d’euros par an, un manque à gagner difficile à compenser.

En prenant en compte l’inflation actuelle sur le prix du gaz, de l’électricité, du pétrole, mais également en sachant que les taxes (directement appliquées sur l’ensemble du carburant pour la TVA, ou sur l’ensemble des produits pétroliers pour la TICPE) ont été fortement alourdies par les derniers gouvernements successifs (loi de Transition énergétique de 2015, Budget 2018), il serait difficile d’imaginer que ces dernières soient revues à la baisse en pleine reprise économique post-covid, et donc que le prix à la pompe diminue, tout comme de manière générale le prix des énergies.

Maxence DHAINAUT

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