Le 11 août 2018, la loi pour un État au service d’une société de confiance, aussi dite « Loi ESSOC », est promulguée. Elle vise à définir un nouvel équilibre dans les relations entre l’Administration fiscale et le contribuable. Cette loi tend ainsi à développer une logique d’accompagnement et de conseil, tant dans la dimension déclarative que contentieuse.
Cette loi est complétée par la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale en date du 23 octobre 2018 (loi n° 2018-898). Il est ici question de cibler et renforcer les sanctions à l’encontre des fraudeurs fiscaux, nationaux comme internationaux. En effet depuis plusieurs décennies l’Administration fiscale fait face à de plus en plus de problématiques fiscales comportant des éléments d’extranéité. L’Administration s’est ainsi vu confier un certain nombre d’outils de contrôle et de sanction, lui permettant ainsi d’appréhender plus efficacement cette problématique.
C’est dans ce contexte que la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale a modifié le deuxième alinéa de l’article 1649 A du Code général des impôts (CGI). Il est désormais prévu que :
« Les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger. ».
Cette veille a donc vocation à préciser les contours de cette obligation déclarative. Il s’agira alors de préciser les contribuables concernés, le contenu de la déclaration, le moyen d’y procéder et enfin les sanctions encourues en cas de non-respect.
- Suis-je concerné par cette obligation ?
Vous êtes concernés par cette obligation déclarative si :
- Première condition : Vous êtes une personne physique, une association ou alors une société qui n’a pas la forme commerciale et qui est domiciliée ou établie en France (par exemple une société civile immobilière soumise à l’impôt sur le revenu).
- Deuxième condition : Vous détenez un compte bancaire à l’étranger, qu’il soit utilisé ou non.
L’article 344 A de l’annexe III du CGI précise à ce titre que sont ainsi visées par cette obligation les personnes titulaires ou cotitulaires dudit compte bancaire. En outre, il est stipulé que sont aussi visés les bénéficiaires économiques ainsi que les ayants droits économiques.
Attention, vous êtes sujet à cette obligation que vous soyez titulaire d’un compte ou bénéficiaire d’une procuration.
- Que dois-je déclarer ?
L’obligation de déclaration d’un compte bancaire concerne tous comptes “ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger” (article 1649 A du CGI) durant l’exercice faisant l’objet de la déclaration.
Le Conseil d’Etat a été amené dans une décision rendue le 4 mars 2019 (n°410492) à préciser le terme “utilisé”. Il a estimé qu’un compte ne pouvait être qualifié de tel si les seuls mouvements de crédit et de débit n’étaient, respectivement, qu’un versement d’intérêts produit par les sommes sur ce dernier ou alors qu’un paiement de frais bancaires relatifs à sa tenue. Ainsi, il était nécessaire qu’une opération de crédit ou de débit soit réalisée du fait du détenteur du compte au cours de l’année.
Depuis la Loi de finances pour 2018, cette précision n’a que peu d’intérêt puisqu’en effet l’obligation déclarative concerne désormais tous comptes détenus à l’étranger. Il faut donc comprendre que même un compte inactif doit faire l’objet de cette déclaration.
Aujourd’hui, il faut donc déclarer tout compte qui a, à un moment de l’année, simplement existé.
- De quelle manière et à quel moment dois-je le faire ?
L’obligation déclarative est réalisée lors de la déclaration d’ensemble des revenus pour les personnes physiques (formulaire N°2042), ou de résultat pour les personnes morales. Il faut simplement y joindre une déclaration complémentaire.
Cette dernière se fait par le formulaire n°3916 intitulé “Déclaration par un résident d’un compte ouvert détenu, utilisé ou clos à l’étranger ou d’un contrat de capitalisation ou placement de même nature souscrit hors de France”.
Il faudra alors y renseigner, selon l’article 344 B de l’annexe III du CGI :
- la désignation et l’adresse de la personne dépositaire ou gestionnaire auprès de laquelle le compte est ouvert (on entend donc ici l’établissement bancaire par exemple) ;
- la désignation du compte : numéro, nature, usage et type du compte ;
- la date d’ouverture et/ ou de clôture du compte au cours de la période au titre de laquelle la déclaration est effectuée
- les éléments d’identification du déclarant. Si le déclarant est le bénéficiaire d’une procuration, il devra identifier le titulaire du compte.
L’identification comprend, pour une personne physique, les noms, prénoms, date et lieu de naissance ainsi que l’adresse. Le déclarant personne physique exploitant d’une activité professionnelle donnant lieu à une déclaration spécifique de résultats, devra ajouter l’adresse du lieu d’activité et, s’il y a lieu, le numéro SIRET et l’appellation sous laquelle est exercée l’activité.
Quant à la personne morale, elle précisera sa dénomination ou raison sociale, sa forme juridique, son numéro SIRET et l’adresse du siège social ou du principal établissement.
- Que risque-je en cas de défaut ou de mauvaise déclaration ?
Dans le cadre d’un contrôle opéré par l’Administration fiscale, tout contribuable n’ayant pas procédé à la déclaration de ses comptes bancaires ouverts, utilisés, détenus ou clos à l’étranger peut être sanctionné. Les sanctions applicables en la matière diffèrent selon que la déclaration comporte des inexactitudes ou fasse défaut.
Il est prévu à l’article 1736 du CGI que chaque inexactitude ou omission est sanctionnée d’une amende de 150 euros.
En revanche, si aucune déclaration n’est effectuée, l’Administration fiscale contraindra le contribuable de payer une amende à hauteur de 1 500 euros par ouverture ou clôture de compte non déclarée.
De plus, les sommes, titres ou valeurs transférés à l’étranger ou en provenance de l’étranger par l’intermédiaire de ce compte non déclaré feront l’objet d’une présomption de revenus qui, de ce fait, seront imposables. A cela s’ajoute une majoration de 80% énoncée à l’article 1729-0 A du CGI qui s’applique sur les sommes figurantes ou ayant figurées sur le compte qui aurait dû être déclaré et ainsi augmenter considérablement l’impôt dû à ce titre.
Enfin, le défaut de déclaration ouvre le droit à l’Administration fiscale de soumettre le contribuable à une obligation de fournir des informations et justifications quant à l’origine et les modalités d’acquisition des sommes apparaissant sur le compte non déclaré (article L.23 C LPF).
Ces dispositions traduisent une véritable logique de lutte contre la fraude fiscale. A ce titre il est précisé que l’amende applicable en cas de défaut de déclaration est portée à 10 000 euros lorsque l’infraction porte sur la non-déclaration d’un compte bancaire détenu dans un État n’ayant pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires.
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A titre subsidiaire il convient de préciser que cette obligation déclarative ne se limite pas aux comptes bancaires. Par exemple tout contribuable ayant souscrit à un contrat d’assurance vie ou à un contrat de capitalisation à l’étranger est tenu de le déclarer à l’Administration fiscale française.
Ce régime ne semble pas être sujet à de futures évolutions. La loi de finances pour 2022, encore en discussion aujourd’hui, ne prévoit aucune nouvelle disposition à cet égard.
Pour aller plus loin :
- BOFIP, Déclaration des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos hors de France
- BOFIP, Infractions et pénalités fiscales
Fanny GILLERY et Gautier LARDY