La procédure de « mini-abus de droit » en droit fiscal

Afin de pouvoir envisager la procédure de « mini-abus de droit » en droit fiscal, il faut s’intéresser à la procédure de l’abus de droit fiscal classique.

Procédure de l’abus de droit fiscal classique de l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales

L’abus de droit fiscal classique est définit au premier alinéa de l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales, selon lequel, « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. »

Il ressort de cet article, qu’un abus de droit fiscal est caractérisé lorsque des actes de droit privé sont passés par un contribuable dans le seul but de contourner la loi fiscale et donc dans le seul but de bénéficier d’un avantage fiscal indu. Dans cette hypothèse, l’administration fiscale dispose d’un pouvoir exorbitant, elle a le pouvoir de faire abstraction de l’acte pour la détermination de l’imposition, sans avoir à saisir le juge de l’impôt.

Il peut s’agir d’un acte par simulation, qui peut se matérialiser de plusieurs manières :

  • Soit par un acte fictif, cela consiste à édifier un schéma juridique qui ne correspond pas à la situation réelle du contribuable.
  • Soit par un acte déguisé, cela consiste à dissimuler la réalité d’une situation derrière un autre acte considéré comme étant plus avantageux fiscalement.
  • Soit par une interposition de personnes, cela consiste à dissimuler la réalité d’un contractant.

Il peut également s’agir d’un acte par fraude à la loi, qui nécessite la réunion cumulative de deux conditions :

  • Une condition objective, il faut que le contribuable ait violé l’esprit de la loi fiscale, il va falloir rechercher quel était le but poursuivi par le texte et se demander si le contribuable a bénéficié du texte conformément à sa logique, ou bien au contraire s’il s’est mis artificiellement en mesure de bénéficier de ce texte.
  • Une condition subjective, l’acte doit avoir un but exclusivement fiscal, il faut rechercher si l’opération poursuit un objectif qui n’est que fiscal ou si elle poursuit d’autres objectifs (exemple : objectif économique, objectif patrimonial ou objectif financier).

Si la preuve de la réunion de ces deux critères est rapportée, l’acte a alors été passé dans un but exclusivement fiscal, ce qui permettra à l’administration fiscale de l’écarter. L’abus de droit fiscal est une procédure lourde de conséquences pour le contribuable, elle est ainsi encadrée et offre un certain nombre de garanties, parmi lesquelles on peut citer : le visa du supérieur hiérarchique, l’avis du Comité de l’abus de droit fiscal et le rescrit.

Dans le cas où l’avis du Comité de l’abus de droit fiscal est en faveur de l’administration fiscale, il y a un renversement de la charge de la preuve. Celle-ci pèse sur le contribuable. La charge de la preuve pèse en générale sur l’administration fiscale en dehors de particularité propre à une procédure de contrôle.

La sanction d’un abus de droit fiscal est lourde. Les pénalités s’appliquent automatiquement. La sanction se compose, d’un rehaussement de l’imposition et d’une majoration des droits en principe de 80%. Il y a deux exceptions, la majoration est portée à 40% des droits dû dans deux hypothèses :

  • Lorsque le contribuable n’a pas eu l’initiative principale de l’acte constitutif de l’abus de droit.
  • Lorsque le contribuable n’a pas été le principal bénéficiaire de l’abus de droit.

Le rehaussement et la majoration s’accompagnent d’un intérêt de retard de 0,20% par mois.

L’abus de droit fiscal classique concerne tous les types d’impôts.

Procédure de « mini-abus de droit » en droit fiscal de l’article L. 64 A du Livre des procédures fiscales

Instituée par la loi de finances pour 2019, cette nouvelle procédure de l’abus de droit fiscal est codifiée à l’article L. 64 A du Livre des procédures fiscales. Elle propose une nouvelle définition de l’abus de droit qui se superpose à l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales.

L’article L. 64 A du Livre des procédures fiscales dispose en son premier alinéa « Afin d’en restituer le véritable caractère et sous réserve de l’application de l’article 205 A du code général des impôts, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. »

L’abus de droit fiscal au sens de l’article L. 64 A du Livre des procédures fiscales, également appelé « mini-abus de droit, » est applicable depuis le 1er janvier 2021 pour les actes réalisés à compter du 1er janvier 2020.

La procédure de « mini-abus de droit » fiscal offre la possibilité à l’administration fiscale de faire abstraction des actes ayant un but principalement fiscal. La mise en œuvre du « mini-abus de droit » fiscal se calque sur la procédure de l’abus de droit fiscal classique, en reprenant la réunion cumulative d’un critère objectif, bénéficier d’un avantage fiscal indu, et d’un critère subjectif, poursuivre un motif principalement fiscal.

La caractérisation d’un « mini-abus de droit » fiscal peut s’avérer complexe, en effet, il est difficile de prouver qu’un contribuable n’a poursuivi qu’un but principalement fiscal lors de la réalisation d’un acte. Un acte peut poursuivre d’autres objectifs qu’un objectif fiscal, comme, par exemple, un objectif patrimonial, un objectif économique ou un objectif financier. C’est lorsque les différents objectifs de l’acte, autre que l’objectif fiscal, sont négligeables par rapport à celui-ci que le but principalement fiscal de l’acte est caractérisé.

Les actes de droit privé des contribuables sont en principe opposables à l’administration fiscale tant qu’un juge n’a pas déclaré que ceux-ci étaient nuls. Ce principe de respect des situations de droit privé induit une présomption de sincérité. À ce principe va s’ajouter un principe de liberté des choix fiscaux, qui va autoriser le contribuable à opter pour la situation fiscale qui lui semble la plus favorable.

Pour qu’un « mini-abus de droit » fiscal soit écarté, il faut réussir à concilier la liberté offerte aux contribuables d’opter pour la situation fiscale qui leur ait la plus favorable avec la grande marge d’appréciation offerte à l’administration fiscale par la recherche d’un but « principalement fiscal. » Cette conciliation s’opère par une distinction entre, d’une part, le contribuable qui peut bénéficier d’un avantage fiscal expressément prévu par la loi parce qu’il répond aux conditions d’application, et le contribuable qui bénéficie d’avantages fiscaux par la mise en place de montages juridiques. Et d’autre part, le contribuable, qui se place fictivement dans une situation pour bénéficier d’un avantage dont il n’aurait pas dû pouvoir bénéficier et qui, en se plaçant dans cette situation, va à l’encontre de la volonté des rédacteurs du texte.

La procédure de « mini-abus de droit » fiscal est un complément de la procédure de l’abus de droit fiscal classique, ainsi l’administration fiscale peut décider de se placer sur l’une ou l’autre de ces procédures pour sanctionner un contribuable.

Cependant, la sanction du « mini-abus de droit » fiscal est moins lourde que celle de l’abus de droit classique. Il n’y a pas d’automaticité des pénalités. Il peut y avoir seulement une majoration. Si l’administration fiscale arrive à démontrer que le « mini-abus de droit » fiscal est délibéré, la majoration sera de 40%, si elle démontre qu’il y a eu des manœuvres fraudeuses, la majoration sera de 80%.

Le contribuable bénéficie de deux garanties en cas de procédure de « mini-abus de droit » fiscal ouverte contre lui, qui sont communes à la procédure d’abus de droit fiscal classique.

Premièrement, l’article L. 64 B du Livre des Procédures Fiscale permet à un contribuable lorsqu’il a décidé de réaliser un montage complexe, d’interroger l’administration fiscale par écrit. Cette demande est un rescrit, si l’administration fiscale ne répond pas dans les six mois, la procédure de « mini-abus de droit » fiscal ne lui est pas applicable.

Deuxièmement, s’il y a un désaccord entre l’administration fiscale et le contribuable, le Comité de l’abus de droit fiscal peut être saisi pour donner son avis, cette faculté est prévue par le second alinéa de l’article L. 64 A du Livre des procédures fiscales qui dispose que, « En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige peut être soumis, à la demande du contribuable ou de l’administration, à l’avis du comité mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 64 du présent livre. » Dans le cas où l’avis du Comité de l’abus de droit fiscal est en faveur de l’administration fiscale, la charge de la preuve pèse sur l’administration fiscale.

Le « mini-abus de droit » fiscal concerne tous les types d’impôts, à l’exception de l’impôt sur les sociétés. Cette exclusion est prévue à l’alinéa premier de l’article L. 64 A du Livre des procédures fiscales, qui renvoi à l’article 205 A du Code général des impôts.

Pour aller plus loin : https://www.aurep.com/fr/article/5/chronique/3/fiscal/82-reforme-de-labus-de-droit-fiscal-contenu-et-analyse-des

Agnès Magon

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