« La résiliation du bail des locaux affectés à l’exploitation du fonds de commerce du débiteur constitue un acte de disposition étranger à la gestion courante de l’entreprise »
Chambre commerciale de la Cour de cassation, 8 septembre 2021, pourvoi n°20-12.340
Une société qui fait l’objet d’une procédure de sauvegarde ou d’un redressement judiciaire va être « mise sous cloche ». Ainsi, après le jugement d’ouverture, un mandataire judiciaire va être désigné et la situation de la société va être gelée afin de faire un bilan économique et social. L’activité va être maintenue afin d’assurer la pérennité de la société et les créanciers vont déclarer leurs créances afin de préparer un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Pendant cette période, le débiteur va voir ses droits de gestions limités afin de garantir l’efficacité de la procédure collective.
Ainsi, il existe deux acteurs majeurs dans ces procédures. D’une part, le juge-commissaire est choisi parmi les juges du tribunal de commerce afin de superviser les dossiers de procédure collective. L’article L.621-9 du Code de commerce précise que le juge-commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence. D’autre part, les mandataires judiciaires sont désignés de manière obligatoire comme cela est prévu à l’article L.212-1 du Code de commerce. Ils assurent le fonctionnement quotidien de la procédure et représentent les intérêts des créanciers.
Le pouvoir de gestion du débiteur est donc restreint et trois limites sont visibles. Tout d’abord, il lui est interdit de payer toutes les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture. Ensuite, sans l’autorisation du juge-commissaire, il ne peut passer des actes de disposition étrangers à gestion courante de l’entreprise. Enfin, il est privé du droit de passer des actes entrant dans les pouvoirs attribués par la loi ou le tribunal à l’administrateur.
Néanmoins, il peut conclure des actes conservatoires, des actes de gestion courante ou d’une manière générale, tous les actes qui ne rentrent pas dans la compétence d’un autre organe.
Un arrêt rendu le 8 septembre 2021 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation a de nouveau apprécié la notion d’acte de gestion courante. Il s’agit d’un concept jurisprudentiel pouvant être défini comme une opération habituelle présentant un lien avec l’activité professionnelle du débiteur et qui est conforme aux usages de la profession. La considération du caractère courant de l’acte est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond, notamment en tenant compte de l’activité de l’entreprise.
Dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le débiteur peut accomplir seul les actes de gestion courante et ceux-ci sont réputés valables à l’égard des tiers de bonne foi.
De surcroît, la Cour de cassation apprécie habituellement si un acte passé par le débiteur relève de la gestion courante ou non, en tenant compte de l’activité de celle-ci. Par exemple, constitue un acte de gestion courante la vente d’appartement pour une société de construction immobilière. À l’inverse, ne relève pas d’un acte de gestion courante une entreprise de fabrication de meubles qui met en location une partie de ses locaux pour une durée déterminée. C’est en ce point que l’arrêt rendu le 8 septembre 2021 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation apporte une nouveauté.
En effet, elle énonce le principe à portée générale suivant : la résiliation du bail des locaux d’exploitation dans lequel le débiteur exploite son fonds de commerce ne constitue pas un acte de gestion courante de l’entreprise, sans qu’il y ait lieu de s’intéresser à la nature de son activité. Cela emporte la conséquence suivante : le débiteur qui souhaite résilier le bail du local d’exploitation du fonds de commerce suppose l’autorisation du juge-commissaire.
Si le débiteur ne respecte pas cette obligation et comme le dispose l’article L622-7 du Code de commerce, les actes étrangers à la gestion courante peuvent être annulés. Cette obligation s’applique à toutes les entreprises, peu importe l’activité exercée par le débiteur, puisque celle-ci n’est pas appréciée par le juge.
Chambre commerciale de la Cour de cassation, 8 septembre 2021, pourvoi n°20-12.340
Ludivine RICHY