Le Droit au silence dans les procédures fiscales

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil »

L’article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme protège ainsi le droit au procès équitable. Dans les procédures fiscales, ce droit s’entend par le fait de ne pas répondre aux demandes de l’administration fiscale. C’est le droit au silence. Il est accordé à l’administration comme aux contribuables.

I – Le droit au silence octroyé à l’administration

  • Le principe de la règle du « silence vaut accord » (SVA)

Par principe lorsqu’un contribuable effectue une demande auprès de l’administration, celle-ci dispose d’un délai de 2 mois pour y répondre. Au-delà de ce délai et sans réponse, la demande est considérée comme acceptée.

Cependant, il existe différentes hypothèses dans lesquelles l’administration fiscales n’est pas tenue de répondre dans un délai de deux mois.

  • Le cas des rescrits

Le contribuable peut rédiger un rescrit qui est une consultation écrite transmise à l’administration fiscale sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal ou l’interprétation de l’un d’eux. L’administration peut alors prendre position sur le montage juridique exposé afin de dire s’il est constitutif d’un abus de droit ou non (l’article L. 80 A alinéa 1 du livre des procédures fiscales (LPF)). L’abus de droit étant un acte frauduleux ou la manœuvre consistant à éluder l’impôt en masquant la réelle situation par un acte juridique apparemment régulier mais non sincère.

En pratique, les contribuables n’ont pas de réel intérêt à utiliser le rescrit, car cela risquerait d’attirer l’attention sur eux.

La difficulté tient au fait que l’administration fiscale n’a aucun délai pour se prononcer, si elle ne répond pas, l’incertitude plane car il n’y a aucune prise de position formelle. Le silence de l’administration, ici, ne vaut pas accord.

Le principe du SVA vaut donc acceptation au-delà d’un silence de deux mois. Dans certains cas, lorsque la procédure est complexe, les délais peuvent être prolongés. Tel est le cas lorsque l’objet de la demande est l’exercice de la mission de tiers de confiance, alors le délai applicable est de 3 mois en cas de difficultés (article 95 ZH du CGI).

D’autres exceptions au délai de 2 mois sont légales, tel est le cas du rescrit d’abus de droit cité ci-dessus, le délai applicable est ici de 6 mois (article L 64 B CGI, LPF). Le rescrit qualification de la nature des revenus dispose quant à lui d’un délai de 3 mois (L 80 B 8° CGI, LPF). 

  • Limite

En cas de silence gardé par l’administration fiscale pendant un délai de 6 mois, le contribuable ne peut plus être poursuivi pour abus de droit. Si l’administration répond, elle prend position formelle sur laquelle le contribuable s’appuiera.

II – Le droit au silence octroyé au contribuable

  • Un droit au silence ambigu du contribuable

Le silence du contribuable est strictement règlementé. En effet sur demande de l’administration, il peut être obligé de transmettre les informations demandées mais il peut utiliser son droit au silence.

L’administration fiscale possède un pouvoir de rectification et de vérification, en effet, celle-ci veille à la juste répartition de l’impôt. L’administration fiscale peut donc demander au contribuable de rectifier leur déclaration en cas d’inexactitudes ou d’omissions relevées dans la déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale.

Son pouvoir n’est pas toujours accompagné de mesures contraignantes.

L’Article 57 du LPF dispose qu’à peine de nullité, la proposition de rectification doit être motivée de manière à ce que le contribuable puisse faire connaître son acceptation ou formuler ses observations. Cette proposition doit indiquer à ce dernier la possibilité de se faire assister du conseil de son choix et doit être signée. Le plus souvent, les propositions de rectification taisent la possibilité pour le contribuable son droit au silence.

Le contribuable a un délai de 30 jours à compter de la réception de la notification pour répondre aux demandes de l’administration fiscale (sur demande de sa part, le contribuable peut obtenir un délai supplémentaire de 30 jours de plus).

S’il ne répond pas, il est considéré comme acceptant tacitement (CE, 17 janvier 1990 n°68477).

Il existe une autre situation plus complexe pour le contribuable. C’est la procédure de l’examen de la situation fiscale des personnes physiques (ESFP) qui peut concerner tous les contribuables. Toutefois, ce type de contrôle est surtout mis en œuvre à l’encontre des contribuables pour, selon l’article L.12 du LPF, « contrôler la cohérence entre d’une part les revenus déclarés et d’autre part la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal ».

Le caractère contraignant de cette mesure ne figure pas dans sa définition. Le contribuable n’est donc pas tenu de s’y soustraire, ni d’y répondre ou de collaborer avec le vérificateur.

L’administration peut observer que si contribuable ne se prête pas au jeu de l’ESFP elle peut utiliser la procédure d’éclaircissement et de justification (article L. 16 du LPF). Une procédure qui n’est pas non plus contraignante, mais la sanction peut être lourde. Sur un plan purement stratégique, les avocats conseillent régulièrement à leur client de ne pas collaborer dans le cadre d’un ESFP et donc de garder le silence pour obliger l’administration à diligenter une demande d’éclaircissement et de justification.

  • Les limites du silence du contribuable

L’article L80 D du LPF dispose que « les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l’expiration de trente jours à compter de la notification du document par lequel l’administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu’elle se propose d’appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l’intéressé de présenter dans ce délai ses observations ».

L’administration ne peut donc pas sanctionner le contribuable avant le délai de 30 jours qui lui est accordé pour sa réponse à compter de la notification de la demande de rectification.

De plus, le contribuable ne doit pas confondre son droit au silence et l’obstruction à la procédure fiscale.

Cet article dispose que lorsque l’administration, durant de la procédure, demande des documents au contribuable, celui-ci est obligé sous peine de sanction, c’est le cas lors des vérifications de comptabilité qui est une procédure contraignante pour le contribuable. C’est-à-dire que le contribuable est obligé de transmettre les documents, d’aller aux rendez-vous fixés physiquement.

  • Les sanctions du silence gardé
  • Concernant l’abus de droit, en cas de silence dans la procédure fiscale, l’administration fiscale peut sanctionner le contribuable frauduleux d’une majoration (article 1729 du CGI). En effet, un contribuable qui ne répondrait pas à une demande de rectification de l’administration est dans son droit. Cependant, s’il ne répond pas dans le cadre d’une procédure contraignante il pourra voir le montant contesté, par l’administration fiscale, majoré de 40% ou 80% en cas d’abus de droit.
  • Concernant l’ESFP : si aucune réponse n’est apportée, l’administration fiscale peut engager des investigations plus poussées mais aucune sanction n’est prévue par la loi.
  • Concernant la procédure d’éclaircissement et de justification : cela peut mener selon l’article L16 du LPF à une taxation d’office en cas d’absence de réponse sur plusieurs points comme les revenus foncier, les gains de cession de valeurs mobilières, les droits sociaux ou encore sur les plus-values réalisées. Le contribuable, en refusant de collaborer, va pousser l’administration fiscale à présumer que les crédits bancaires ou les comptes courants non justifiés après la demande de justification sont des revenus. Le contribuable a toujours la possibilité de rapporter la preuve que la taxation d’office n’était pas justifiée.

Conseil : Si vous êtes soumis à un contrôle, n’hésitez pas à vous rapprocher d’un avocat fiscaliste dès le début de la procédure pour vous accompagner, et de fait, ne pas être sanctionné.

Louise CRIVILLE

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