Les pactes d’associés

« La création et le fonctionnement d’une société se concrétisent par de nombreux actes juridiques de portée fort diverses »

Paul Le Cannu

Alors que les pactes d’associés étaient utilisés pour les sociétés cotées, ces derniers ont trouvé écho dans nombreuses sociétés permettant un large développement.

Les pactes d’associés permettent d’anticiper certains différends et désaccords pouvant naitre entre les associés ou les dirigeants tout au long de la vie sociale. Ce sont des conventions extrastatutaires (venant en complément des statuts) répondant ainsi à divers objectifs, rendant ces derniers nécessaires dans les sociétés regroupant plusieurs associés de divers horizons notamment.

On y trouve nombreuses clauses, permettant d’organiser au mieux les relations entre associés mais surtout, permettant la continuité de la société.

Le pacte trouve sa source dans le droit des contrats et la liberté contractuelle contrairement aux statuts trouvant leur source dans la lex societatis.

La durée du pacte pose nombreuses difficultés. En effet, la question majeure est de savoir si cette dernière doit être déterminée ou non. Les conséquences juridiques ne sont alors pas les mêmes.
Si le pacte est à durée déterminée,  alors en vertu de l’article 1212 du Code civil, sa rupture unilatérale avant le terme est impossible, c’est le principe même de la force obligatoire. Il s’est posé, en pratique, la question de calquer la durée du pacte sur la durée de la société qui généralement est de 99 ans, en effet, en vertu de l’article 1210 dudit code « les engagements perpétuels sont prohibés ». La Cour de cassation dans un arrêt rendu le 19 mars 2002 a affirmé qu’une durée de 99 ans pour des associés personnes physiques était contraire à l’article 1210. Cependant dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 15 décembre 2020 Sasu Kering France Participations c/ Analytic Project Inc, les juges du fonds ont affirmé que cette durée de 99 ans n’était pas contraire à l’article 1210 dès lors que les cocontractants sont des personnes morales.
Cependant, si le pacte est à durée indéterminée, en vertu de l’article 1211 dudit code, la résiliation est possible à tout moment, à condition toutefois de respecter certaines conditions.

On aperçoit alors tout l’enjeu de la qualification.

En pratique, leur rédaction se décompose en deux parties, d’une part celle relative aux parts ou actions (selon la forme sociale), afin d’appliquer ce développement à toutes les formes sociales, nous parlerons de titres. Cela vise par exemple la cession des titres à une personne déterminée, ou encore interdire à un associé de vendre c’est ce que l’on appelle une clause d’inaliénabilité qui est valable pour dix ans maximum etc. Ces modalités de transfert permettent de ne pas diluer le capital et aux associés déjà en place de préempter augmentant ainsi leur quote-part de capital et pourquoi pas, à terme, obtenir la majorité. D’autre part celle relative aux droit et pouvoirs desdits associés. Cela vise par exemple l’étendu du pouvoir d’information, une clause de non-concurrence pour un des associés fondateurs etc.

Les pactes d’associés ont l’avantage d’être plus précis que les statuts, permettant de régir les relations entre certains ou tous les associés. Mais également de garder sous un certain contrôle la gouvernance en régissant les pouvoirs. En effet, les décisions considérées comme importantes devront être adoptées selon des conditions précises ; les pouvoirs des dirigeants et organes sociaux seront prédéfinis et limités. Il est fréquent de trouver également des clauses imposant au dirigeant de tenir informer lesdits organes à certaines fréquences.

Alors que les statuts sont à la disposition des tiers, les pactes sont confidentiels, et opposables aux signataires seulement, bien que tous les associés ne soient pas parties au contrat.

Afin que le pacte soit utile, il ne doit pas stipuler les mêmes clauses que les statuts, mais bien apporter des précisions, et pourquoi pas, comme évoqué précédemment, prévoir des points relatifs à la continuité sociale qu’on ne trouve pas dans les statuts.

C’est d’ailleurs dans les SAS, où la rédaction statutaire est libre, et pouvant prévoir un minimum de clause, que les pactes d’associés trouvent écho.

Il est par ailleurs nécessaire de rédiger un préambule afin d’expliciter la finalité du projet, et d’y ajouter toute définition afin que le contrat soit exempt de toute équivocité.

Cependant, une difficulté reste à soulever, qui est l’articulation entre le pacte d’associés et les statuts. La jurisprudence, se refuse à hiérarchiser ces derniers, et dans un arrêt rendu le 5 juin 2019 favorise une interprétation combinée des deux supports. Seulement, le 13 juin 1995 la Cour de cassation octroie une force supérieure aux statuts que dans l’hypothèse d’un conflit relatif au fonctionnement de la société.

Il est alors conseillé, en pratique, de rédiger le pacte d’associés en complétant les statuts sans y contrevenir, et ce afin d’éviter une inopposabilité du pacte.

Laura HERY

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