La nouvelle fiscalité des cryptomonnaies

Autant décriés pour leur impact écologique, qu’adorés pour leur potentiel, les cryptomonnaies n’ont en tout cas pas fini de faire parler les spécialistes de la matière fiscale. 

Ce que la Cour de Justice de l’Union Européenne définissait comme étant « une devise virtuelle utilisée, à titre principal, pour les paiements entre particuliers sur Internet ainsi que sur certaines boutiques en ligne acceptant cette devise (…) Le système de la devise virtuelle autorise la détention et le transfert à titre anonyme de sommes de cette devise au sein du réseau par les utilisateurs détenant des adresses qui pourraient être comparées à un numéro de compte bancaire. » a été depuis la loi PACTE du 22 mai 2019, codifiée à l’article L. 54-10-1, 2 du code monétaire et financier. 

Développée à partir de 2008, la blockchain est, en premier lieu, une technologie de stockage et de transmission d’informations. Cette technologie offre de hauts standards de transparence et de sécurité car elle fonctionne sans organe central de contrôle. 

Plus concrètement, la blockchain permet à ses utilisateurs – connectés en réseau – de partager des données sans intermédiaire.  

En d’autres termes, et comme le rapporte le site lafinancepourtous.com : Pour définir la blockchain, le mathématicien Jean-Paul Delahaye donne l’image d’ « un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible ».  

Depuis le boom du bitcoin fin 2017, le législateur a réussi – après de nombreux débats – à mettre en place un texte portant sur la taxation des plus-values réalisées par les particuliers ; lors d’une cession à titre onéreux et occasionnel d’actifs numériques à l’article 150 VH bis du Code Général des Impôts (CGI).  

En pratique, la frontière entre le régime des plus-values des particuliers et le régime des bénéfices professionnels reste floue. L’administration fiscale précise seulement que « Les critères d’exercice habituel ou occasionnel de l’activité résultent de l’examen, au cas par cas, des circonstances de fait dans lesquelles les opérations d’achat et de revente sont réalisées (les délais séparant les dates d’achat et de revente, le nombre d’actifs numériques vendus, les conditions de leur acquisition, etc.). »  

Lorsque l’activité d’achat-revente est considérée comme exercée à titre habituel, et pour son propre compte, elle constitue une activité commerciale par nature dont les revenus sont à déclarer dans la catégorie des BIC (article 34 du CGI) tout comme les plus-values qui en découlent (BOI-BIC-CHAMP-60-50 n°730). Le résultat imposable tiré de cette activité est déterminé selon les règles de droit commun applicables aux bénéfices industriels et commerciaux (BIC). 

Il est à noter qu’à partir du 1er janvier 2023, les gains réalisés à titre professionnel seront imposés selon le régime des bénéfices non commerciaux (loi n°2021-1900 du 30 décembre 2021 à l’article 70),  suivant le régime des opérations boursières. Le caractère professionnel de l’opération sera alors apprécié en essayant de déterminer si le contribuable s’est mis dans des « conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations ».  

Attention ! Avec l’essor des activités utilisant ces cryptomonnaies, le Conseil d’Etat a plusieurs fois eu l’occasion de requalifier des investissements réalisés à titre privé, par des particuliers, en revenus professionnels entrant dans le champ d’application des BIC. 

Le législateur montre bien son intérêt de mettre en place un cadre plus strict pour les opérations de cessions de cryptomonnaies (et actifs numériques en général). Toutefois, cette nouveauté ne va clairement pas résoudre toutes les questions que les praticiens se posent actuellement et les litiges avec l’administration fiscale risquent d’être nombreux… 

  • Quel est le champ d’application de l’article 150 VH bis du CGI ?  

Cet article s’applique aux plus-values réalisées à titre occasionnel par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du CGI ; soit directement, soit par personne interposée, lors de la cession d’actifs numériques ou de droits s’y rapportant. 

Pour l’application de l’article 150 VH bis du CGI, il convient de retenir les cessions de l’ensemble du foyer fiscal et non pas du seul contribuable. 

Les plus-values imposables sont celles qui proviennent de la cession à titre onéreux d’actifs numériques selon la définition de l’article L. 54-10-1 du Code Monétaire et Financier, c’est-à-dire les « tokens » et les « cryptomonnaies ». 

Pour être imposable, la cession doit être réalisée à titre onéreux en contrepartie :  

  • de monnaie ayant un cours légal ; 
  • de l’échange d’un bien autre qu’un actif numérique ; 
  • de l’échange avec soulte d’un actif numérique ; 
  • d’un service. 

Si une cryptomonnaie est cédée en échange d’une autre cryptomonnaie sans soulte – c’est-à-dire sans somme d’argent qui, dans un partage ou un échange, compense une inégalité – la plus-value est mise en sursis d’imposition (aucune plus-value n’est constatée, l’opération est considérée comme intercalaire). Toutefois, cette même plus-value mise en sursis risque d’être taxée ultérieurement, sauf à ce que le contribuable décide de donner ses actifs numériques, auquel cas la plus-value serait purgée (en effet l’imposition n’est due qu’en cas de cession à titre onéreux, la donation n’entraîne pas l’imposition de la plus-value). 

Enfin, les cessions dont le prix est inférieur à 305 € au cours d’une année sont exonérées, ce seuil est à apprécier pour chaque foyer fiscal (hors opérations bénéficiant du sursis d’imposition). 

  • Quelles sont les modalités d’imposition ?  

La plus ou moins-value brute est égale à la différence entre, d’une part, le prix de cession et, d’autre part, le produit du prix total d’acquisition de l’ensemble du portefeuille d’actifs numériques divisé le quotient du prix de cession sur la valeur globale de ce portefeuille. 

Pour plus d’information concernant les modalités de calcul il faudra ce référé au lien suivant : BOI-RPPM-PVBMC-30-20

Pour rappel, les moins-values brutes subies au cours d’une année d’imposition au titre des cessions d’actifs numériques sont imputées exclusivement sur les plus-values brutes de même nature réalisées par le foyer fiscal du redevable au titre de cette même année.  

Les plus-values brutes sont soumises à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8 % (art. 200 C CGI) ainsi qu’aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au taux global de 17,2 % ; soit à un taux global de 30 %. 

A compter de l’imposition des revenus de 2023, l’article 79 de la loi n°2021-1900 du 30 décembre 2021 rend l’option au barème progressif de l’impôt sur le revenu possible. Cette option ne concernera que les plus-values de cession d’actifs numériques (hors revenu de capitaux mobilier ou plus-value mobilière), une bonne nouvelle. 

  • Quelles obligations déclaratives incombent aux particuliers et aux professionnels détenant des cryptomonnaies ? 

Les redevables doivent porter à la connaissance de l’administration fiscale au travers de la déclaration annuelle de l’impôt sur le revenu le montant global de la plus ou moins-value réalisée au titre des cessions imposables de l’année (article 41 duovicies J et K de l’annexe III du CGI).  

Il faut joindre à la déclaration une annexe n° 2086 sur laquelle il convient d’évaluer et de reporter l’ensemble des plus ou moins-values réalisées à l’occasion de chacune des cessions imposables effectuées au cours de l’année. Les opérations ayant bénéficié du sursis ne sont pas à déclarer. 

Attention car l’administration fiscale peut demander au contribuable des justifications sur les éléments ayant servis de base au calcul de la plus-value déclarée. 

En parallèle, l’article 1649 bis C du CGI dispose que les personnes physiques sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus, les références des comptes d’actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger. La même obligation s’applique aux associations ainsi qu’aux sociétés n’ayant pas la forme commerciale domiciliées ou établies en France lors de leur déclaration de résultat. 

La condition de détention d’un compte de cryptomonnaies est réputée remplie lorsque le contribuable en est titulaire, cotitulaire, ayant droit ou bénéficiaire économique.  

En cas d’absence de déclaration le contribuable risque une amende 750 € par compte non déclaré. Cette amende est réduite à 125 € par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 € par déclaration.  

Ces montants sont respectivement portés à 1 500 € et 250 € lorsque la valeur des comptes est supérieure à 50 000 € à un moment quelconque de l’année (BOI-RPPM-PVBMC-30-30). 

Pour aller plus loin, notamment sur les activités de minage : BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40 n°1080 

Lilian LE QUERE

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