Les conventions de trésorerie

A l’origine, la notion de groupe de sociétés était assez peu encadrée par la législation. Afin de correspondre à une certaine réalité économique, les contours de cette notion ont été prévus coup par coup par des réformes législatives successives et la jurisprudence.  Des règles ont notamment été prévues pour simplifier les flux financiers au sein des groupes.  

En effet, les groupes de sociétés ne disposent pas d’une personnalité juridique propre, ou d’un patrimoine. Il est alors impossible de conclure des conventions bancaires au nom du groupe. Les conventions de trésorerie ont donc été instaurées afin de pouvoir gérer la trésorerie du groupe à son échelle. Au lieu de recourir à un emprunt bancaire, la société mère a recours à une avance de trésorerie, ce qui permet de réduire les coûts financiers liés aux emprunts. Les excédents de trésorerie des sociétés seront alors centralisés dans un compte géré par la société mère pour combler les déficits éventuels des autres sociétés.  

  • La notion de convention de trésorerie, une dérogation au monopole bancaire  

Les conventions de trésorerie sont des actes fondamentaux au sein des groupes de sociétés. Elles sont utilisées à des fins d’optimisation des financements et de maîtrise des risques juridiques et fiscaux.  En effet, les flux financiers et prêts entre sociétés d’un même groupe sont très fréquents. La convention de trésorerie permet donc de poser un cadre à ces mouvements financiers.  

Les conventions de trésorerie peuvent à la fois être réglementées en droit des sociétés, en tant que conventions réglementées et également en droit bancaire. Elles sont considérées comme des conventions réglementées au sens des articles L. 225-38 et L. 225-86 du Code de commerce lorsqu’elles ne sont pas conclues à des conditions normales.  

Elles ont été introduites par la loi bancaire du 24 janvier 1984 au sein de l’article L. 511-5 du Code monétaire et financier. Celui-ci dispose qu’ « est interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel. 

Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement. »  

Ainsi, en principe, les avances entre sociétés sont interdites en raison de l’existence du monopole bancaire et des établissements de crédit. Il existe cependant une dérogation à ce monopole. L’article L. 511-7 alinéa 3 indique notamment que les entreprises d’un même groupe peuvent « procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l’une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres. ». Les conventions de trésorerie sont donc autorisées par le Code monétaire et financier.  

  • La validité de la convention de trésorerie  

Afin que l’opération soit valable, il faut qu’il s’agisse d’une véritable convention de trésorerie à l’intérieur d’un même groupe, c’est-à-dire qu’il ne faut pas qu’elle soit en faveur d’un tiers. Il faut donc que les sociétés aient des liens de capital entre elles et que l’une détienne un contrôle effectif sur l’autre.  

La rédaction de l’alinéa 3 peut paraître ambiguë à ce sujet puisqu’il n’emploie pas le terme de « groupe » mais utilise la notion « d’entreprise ayant des relations de capital avec des sociétés conférant un pouvoir de contrôle effectif ». La jurisprudence retient une conception large de cette notion. Elle englobe alors la notion de groupe, et selon un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du décembre 2003, n°02-13.449, “peu importe que ce contrôle soit assuré par une personne physique en qualité d’entrepreneur individuel ou de dirigeant de la société”. 

Enfin, pour que la convention ne soit pas remise en cause, il est nécessaire qu’une contrepartie financière soit prévue afin que la convention soit équilibrée. La rémunération sera cependant moins importante que celle qui aurait pu être versée à un établissement bancaire, ce qui justifie l’existence même de la convention. 

  • Les difficultés générées par le principe de convention de trésorerie 

La convention de trésorerie permet à un groupe de sociétés d’optimiser sa gestion. Cependant, sa mise en place et son fonctionnement au sein du groupe de sociétés peuvent poser de sérieuses difficultés. En effet, les incidents peuvent intervenir lors de la vie habituelle du groupe de sociétés mais également, et surtout, à l’occasion d’un leveraged buy-out (LBO). Ce mécanisme permet à une société holding, qui est une société regroupant les parts ou actions de sociétés afin d’en assurer une unité de direction, d’être constituée pour acquérir des titres d’une société cible et financer cette acquisition grâce aux fonds provenant de cette dernière. La convention de trésorerie peut donc donner lieu à une confrontation d’intérêts distincts et opposés entre sociétés. Il faut alors éviter de rompre les équilibres à maintenir en permanence au sein du groupe à l’occasion d’opération de LBO particulièrement. Ces difficultés peuvent provenir d’abus de majorité, de pouvoir ou de biens sociaux. 

  • Abus de majorité

L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 18 avril 1961 met en exergue les déséquilibres nés, nécessairement, du fait des actionnaires majoritaires dans une convention de trésorerie, lorsque cette dernière relève de décisions prises à l’encontre de l’intérêt social de l’entreprise et dans le but d’avantager les actionnaires majoritaires. Cet abus de majorité peut être aussi le fait de décisions émanant des dirigeants sociaux étant également majoritaires et disposant d’un contrôle effectif de la société.  

  • Abus de pouvoir et de biens sociaux

Outre l’abus de majorité, l’abus de pouvoir et de biens sociaux sont également des difficultés générées par la convention de trésorerie. En effet, il faut rechercher si l’intérêt du groupe de sociétés peut être pris en compte pour rendre une décision conforme à l’intérêt social des entreprises. Il a été retenu la qualification d’abus de biens sociaux et du crédit d’une société concernant la convention de trésorerie, car ladite société a consenti des sacrifices. Ces derniers n’ayant pas été faits dans l’intérêt du groupe, mais seulement pour permettre à la société holding d’acquérir ses actions. De plus, ils présentaient des risques trop importants au regard de la fragilité financière de la société holding ayant un endettement important. La convention de trésorerie a empêché la société de procéder aux investissements nécessaires, les résultats s’en étant trouvés grevés. Enfin, ces sacrifices opérés étaient dépourvus d’une contrepartie suffisante pour la société, les intérêts étant inférieurs au taux de base bancaire ainsi qu’aux intérêts versés par la société holding à la banque. (Cass. Crim. 10 juillet 1995, n° 94-82.665

La responsabilité civile, voire pénale, de toute personne ayant recours à ces types d’abus à l’occasion d’une convention de trésorerie, sera donc engagée. 

Pauline JOUAS et Nolwenn LOCUFIER 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *