Une différence de diplôme peut-elle légitimement fonder une différence de traitement entre deux salariés ?

La Cour de cassation, en sa chambre sociale, s’est récemment prononcée à ce sujet. Dans un arrêt du 15 septembre 2022 (21-12.175), elle a affirmé qu’une différence de diplôme, ne peut à elle seule, fonder une différence de traitement sans justification objective supplémentaire. 

Dans cette affaire, une salariée, récemment licenciée, reproche à son employeur une atteinte au principe d’égalité car une salariée exerçant la même profession n’était pas affiliée à la même catégorie et, de fait, percevait une rémunération plus élevée. 

L’employeur justifiait cette différence par le diplôme supplémentaire que possédait la salariée sans en apporter la preuve matérielle. La cour d’appel n’a pas demandé la fourniture de cette preuve et a accepté la différence de traitement.  

La Cour de cassation a donc cassé l’arrêt de la cour d’appel de Limoges en date du 21 décembre 2020 car elle n’a pas recherché la preuve objective de cette différence de traitement. La Haute Juridiction rappelle qu’il est, par principe, impossible de traiter différemment deux salariés uniquement en se fondant sur le fait qu’ils n’aient pas les mêmes diplômes ou que l’un ait un diplôme de plus que l’autre.  

Une telle différence de traitement sera cependant admise, s’il est prouvé qu’un diplôme confère des compétences supplémentaires à l’un des salariés. Ces connaissances doivent être utiles dans l’exercice de ce poste, donc en lien avec celui-ci. Ces justifications seront laissées à l’appréciation des juges du fond qui en évalueront la véracité et l’efficience. 

Notion d’égalité de traitement  

La différence de traitement se distingue de la notion de discrimination, en ce que cette dernière repose sur la prise d’une décision ou d’un comportement fondé sur un critère prohibé par les textes, notamment ceux listés à l’article L. 1132 du Code du travail.  

Pour dénoncer une différence de traitement, il suffira au salarié de l’invoquer selon des données factuelles et l’employeur devra apporter des preuves contraires. Cette accusation pourra être contrée par des documents qui attestent de l’inexistence d’une différence de traitement entre les travailleurs ou par des documents qui font état d’un critère objectif sur lequel l’employeur se serait fondé pour la mettre en œuvre.  

Le célèbre arrêt Ponsolle du 29 octobre 1996 (92-43.680), retranscrit à l’article L.2271-1 du Code du travail,  pose un adage fondateur en la matière : « à travail égal, salaire égal ». 

En revanche, ce principe ne remet pas pour autant en cause le pouvoir de l’employeur d’individualiser les salaires. Il est libre d’octroyer des augmentations individuelles, dès lors qu’elles sont décidées en fonction de critères objectifs et vérifiables et non selon ses considérations personnelles (Cass. Soc., 2 oct. 2001, no 99-17.577). La Haute juridiction impose une différence de diplôme et un critère objectif vérifiable pour fonder une différence de traitement légitime.  

Une solution conforme à la jurisprudence antérieure de la Haute Juridiction  

 La solution du 14 septembre 2022 ne semble pas novatrice, en ce qu’elle s’intègre dans la lignée jurisprudentielle actuelle, à la recherche d’un rétablissement de l’égalité des chances. En effet, la Cour de cassation a eu, à de nombreuses reprises, l’occasion de se prononcer et d’identifier des critères objectifs.  

Pour exemple, dans un arrêt du 13 novembre 2014 (n°12-20-069), la Cour a estimé que l’ancienneté était un critère objectif  pouvant compléter la différence de diplôme entre deux salariés.Dans cet arrêt, un ingénieur nouvellement embauché et qualifié  ne percevait pas la même rémunération que son homologue sans diplôme mais ayant 20 ans d’ancienneté  dans l’entreprise. Les juges du fond ont estimé qu’ils étaient à niveau égal en ce que l’ancienneté compensait le niveau de diplôme invoqué, dès lors aucune différence de rémunération entre eux ne pouvait être appliquée.  

Il semblerait que les juges du fond définissent et reconnaissent ces éléments objectifs de manière casuistique. Dès lors, les critères présentés comme vérifiables aujourd’hui sont susceptibles d’évoluer et de se multiplier au cours des décisions rendues. Par conséquent, à ce jour, aucune liste limitative de ces critères ne peut être dressée. 

En effet, il a également été jugé par la chambre sociale, que la différence de diplôme pouvait justifier à elle seule un traitement inégalitaire dans l’hypothèse particulière où ce diplôme est utile à l’exercice des fonctions. Un salarié titulaire d’un BTS « expression visuelle » ne pourra ainsi dénoncer un traitement indifférencié face à un collègue titulaire d’un DESS ( Diplôme d’études supérieures spécialisées) en ingénierie multimédia, diplôme utile à la fonction occupée, dès lors la différence de rémunération est autorisée. (Cass. Soc., 17 mars 2010, n°08-43.088) 

Quant au devenir de cette décision, on peut envisager qu’à l’image de la législation relative à la discrimination, ladite solution concernant la rémunération, puisse s’appliquer à la période de recrutement et aux perspectives d’évolution professionnelle. 

Apolline LASSOIE et Ilona SENECAL

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