Lutte contre la corruption internationale, retour sur le hors-jeu de la FIFA !

« The winner to organize the 2022 FIFA WORLD CUP is … Qatar ! »

 (« Le pays gagnant qui organisera la Coupe du Monde 2022 de la FIFA est le Qatar ! ») 

Sepp BLATTER, ancien président de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA)

A l’énonciation de ses mots, le 2 décembre 2010, un sentiment d’incompréhension secouera la planète football. A la surprise générale, les États-Unis, candidat favori, ont vu l’organisation de la Coupe du Monde leur échapper, au profit d’un pays pourtant outsider1, le Qatar. 

Immédiatement, un sentiment de controverse va peser sur cette décision. A tel que point que le journal le Sun qualifiera dès le lendemain ce choix de « truqué ». Le Times ira lui jusqu’à accuser le système de désignation des pays hôtes de la Coupe du Monde d’être corrompu.  

Aujourd’hui, alors que la planète entière a le regard tourné vers le Qatar pour le début de la compétition, ce sentiment de controverse s’est étendu à l’ensemble de la société. Les nombreux scandales, en matière de droit du travail sur le traitement des ouvriers sur les chantiers, ou en matière d’écologie avec les effets dévastateurs d’une compétition organisée en plein désert ont éclaboussé l’image de cette Coupe du Monde et avec elle l’image de l’institution en charge de cet événement planétaire, la FIFA.  

On parle en effet, de véritable boycott, certaines villes françaises ne diffuseront pas les matchs sur grands écrans (Paris, Marseille, Rouen,… ), certains sponsors ont décidé de se désolidariser de l’image de la compétition. 

 « Ce mondial de la honte »2 est le résultat d’une décennie d’accusations, d’enquêtes, de condamnations impliquant les dirigeants de la plus haute sphère du football, allant même jusqu’à comparer cette institution aux plus grands cartels de trafiquants de drogues. Corruption et malversation, ces infractions de cols blancs3 constituent des infractions pénalement répréhensibles. Sous l’angle du droit pénal des affaires, retour sur une décennie de troubles au sein de la FIFA.  

2015 – L’affaire du « FIFAGATE », un tacle contre la corruption à l’échelle internationale

Pour donner suite à l’attribution du Mondial 2022 et aux révélations des médias, les autorités américaines vont enquêter sur les conditions d’attributions du Mondial. Un homme va être mis en cause, Chuck BLAZER. Cet homme d’affaires américain, ancien membre du comité exécutif de la FIFA, va être l’élément déclencheur de ce scandale. Celui-ci a été arrêté pour fraude fiscale par le Fédéral Bureau Investigation (FBI), police fédérale des États-Unis d’Amérique. Dans le cadre d’un accord, il aurait collaboré avec le FBI, dans le cadre de l’enquête ouverte contre les membres du comité exécutif de la FIFA, en charge de la désignation du pays hôte.  

Ainsi le 27 mai 2015, 7 responsables sont arrêtés à Zurich en Suisse alors qu’ils devaient assister au 65e congrès de la FIFA, deux autres sont également inculpés. Dans les faits, les responsables sont accusés d’avoir reçu des pots-de-vin et des rétrocessions d’honoraires afin de donner leur voix dans l’attribution du mondial de 2022 au Qatar mais également en Russie en 2018 et au mondial Sud-Africain de 2010. L’acte de mise en accusation du procureur général de New-York évoque tout un ensemble d’infractions portant sur un système de corruption mis en place contre les membres du comité exécutif. Autre fait important, la FIFA en tant que personne morale va également être mis en cause.  

En conséquence de ces arrestations, deux hauts dignitaires vont être reconnus coupables de corruption et de racket à la suite de l’enquête. Le paraguayen Juan Angel NAPOUT, ancien président de la Confédération sud-américaine de football, a été condamné à 9 ans de prison. José Marie MARIN, l’ancien président de la fédération brésilienne de football a également été condamné à 4 ans de prison par la justice américaine.  

L’arsenal juridique en matière de lutte contre la corruption internationale

Cette véritable offensive de la justice américaine contre la plus grande instance du football, a illustré l’avancée et le poids immense que détient la justice américaine en matière de lutte contre la corruption internationale. Véritable arme économique, le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA)4 est une loi fédérale américaine de 1977 qui étend la compétence des juges américains en matière de lutte contre la corruption d’agents publics à l’étranger. Grâce au caractère extra-territorial de cette loi, la justice américaine à la possibilité d’agir en justice sur son sol, en dépit de la nationalité des suspects, ou du pays dans lequel l’infraction a été commise.  

A l’échelle nationale, le Code pénal français définit, à travers l’article 433-15,  la corruption comme l’agissement par lequel une personne investie d’une fonction déterminée, publique ou privée, sollicite ou accepte un don, une offre ou une promesse en vue d’accomplir, retarder ou omettre d’accomplir un acte entrant, d’une façon directe ou indirecte, dans le cadre de ses fonctions. 

Le droit français distingue la corruption passive de la corruption active. La corruption passive suppose qu’une personne exerçant une fonction publique profite de cette fonction en sollicitant ou en acceptant des dons, promesses ou avantages en vue d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction cette personne reçoit le nom de corrompu. 

A l’inverse, la corruption active requiert qu’une personne physique ou morale obtienne ou essaie d’obtenir, moyennant des dons, des promesses ou avantages, d’une personne exerçant une fonction publique, qu’elle accomplisse ou retarde ou s’abstienne d’accomplir ou de retarder un acte de sa fonction ou un acte facilité par elle ; le tiers reçoit le nom de corrupteur. 

 Avec la loi SAPIN II, entrée en vigueur le 1 décembre 20166, la France renforce sa législation afin de lutter contre la corruption internationale avec la création de l’Agence française anti-corruption. Elle a pour mission d’intervenir auprès des acteurs publics et privés, dans des missions de recommandations, de contrôles, dans la gestion de la prévention mais également dans l’application des sanctions liée à la corruption. Sur le plan de la corruption internationale, cette loi a eu pour objectif, d’étendre le pouvoir des juridictions françaises dans les cas de corruption d’un agent public à l’étranger, s’inspirant ainsi du modèle américain du FCPA.  

En-dehors du champ d’action des États à l’internationale, une véritable coopération s’est organisée autour de la lutte contre la corruption internationale, aussi bien à l’échelle régionale que mondiale. 

Sur le plan régional, la convention civile sur la corruption du Conseil de l’Europe de 2003 ou la convention pénale sur la corruption de 2002 constituent les plans d’action sur lesquels se fonde l’Europe en la matière. Les autres continents ont également saisi les besoins d’une coopération avec les conventions interaméricaine, la convention de l’Union Africaine, ou encore la convention arabe sur la lutte contre la corruption.  

Sur le plan mondial, l’Organisation des Nations-Unies joue un rôle essentiel dans la lutte en matière de corruption, notamment par l’intermédiaire l’Office des Nations Unies contre les drogues et le crime ou encore avec l’entrée en vigueur de la Convention Mondiale contre la Corruption de 2005. Sa mission est également rejointe par l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE), l’entrée en vigueur en 1999 de la convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers.  

Malgré tous les moyens mis en œuvre dans la lutte contre la corruption, à toute les échelles, le dernier rapport de 2021 de l’organisation non-gouvernementale « Transparency International » agissant en matière de lutte contre la corruption, à travers leur indice de perception de la corruption, a révélé « que le contrôle de la corruption a stagné ou empiré dans 86% des pays au cours de la dernière décennie »7. La corruption est encore un fléau ancré dans notre société, qui touche même le football.  

L’ouverture par le parquet financier de Paris d’une information judiciaire en 2019 sur les méthodes d’attribution de la Coupe du Monde 2022 apportera peut-être la lumière sur les zones d’ombres de ce scandale du « QATARGATE »8. Il en va de même pour la justice américaine qui n’a toujours pas refermé le dossier « FIFAGATE ». Même si certaines condamnations ont déjà été prononcées à l’encontre d’anciens dignitaires concernant de la corruption, celle-ci semble encore ternir l’image du football. Le match contre la corruption dans le football ne semble pas encore être arrivé à son terme. 

Affaire à suivre !  

1 Concurrent dont les chances de remporter une compétition sont réduites, mais non négligeables

2 https://www.mediapart.fr/journal/international/dossier/qatar-le-mondial-de-la-honte

3 D’après l’expression de Edwin Sutherland, désigne les crimes financiers commis par une personne respectable et et de haut rang social dans le cadre de sa fonction

4 https://www.justice.gov/criminal-fraud/foreign-corrupt-practices-act

5 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042780049

6 https://www.gouvernement.fr/action/la-loi-pour-la-transparence-l-action-contre-la-corruption-et-la-modernisation-de-la-vie

7 https://transparency-france.org/publications/indices-de-perception-de-corruption/#.Y39k0S_pN7h

8 https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/12/09/mondial-2022-au-qatar-le-parquet-national-financier-ouvre-une-information-judiciaire_6022226_3224.html

Enzo BERTHELIN 

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