La gestion collective des droits d’auteurs et des droits voisins

La gestion collective des droits d’auteur est le résultat d’un combat mené par les auteurs dès le XVIIIe siècle afin de revendiquer et faire respecter leurs droits sur leurs œuvres. C’est Beaumarchais, dramaturge et homme d’affaire français, qui est à l’origine de la première société des auteurs dramatiques après avoir réuni autour de lui une trentaine d’auteurs afin de faire revendiquer leurs droits. Cette réunion va mener, le 3 juillet 1777, à la fondation du Bureau de Législation Dramatique qui deviendra, par la suite, la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) en 1829. 

Ces revendications étaient devenues une nécessité pour les auteurs face aux Comédiens du Français qui, à l’époque, disposaient d’un monopole. Les auteurs de pièces étaient contraints de leur proposer de jouer leurs textes contre une modique rémunération, malgré des recettes parfois conséquentes suite au succès de certaines pièces. 

Du coté littéraire, c’est Louis Desnoyers qui réunit une assemblée d’écrivains dont faisait notamment partie Honoré de Balzac. Ensemble, ils fondent la société des gens de lettres en 1838, une société civile qui deviendra à partir de 1981 la Société Civile des Auteurs Multimédias. 

Cependant c’est surtout dans le domaine musical que la gestion collective des droits d’auteurs et des droits voisins est la plus reconnue, avec notamment la création de la SACEM en 1851 à la suite d’un procès intenté par Ernest Bourget contre un café-concert des Champs-Élysées afin d’obtenir rémunération pour la représentation de son œuvre. 

Depuis, la gestion collective des droits d’auteurs et des droits voisins est apparue nécessaire face à l’avènement des modes de diffusions et des nouvelles technologies, ainsi que les effets de la mondialisation, rendant plus difficile la gestion individuelle d’un auteur ou d’un titulaire de droits voisins sur ses droits. 

Fabrice Siiriainen définit la gestion collective comme « l’activité d’une personne morale qui a pour objet principal l’exercice des droits d’auteur et/ou des droits voisins de ses membres ou d’ayants droit, pour le compte de ceux-ci, c’est-à dire dans un cadre fiduciaire. 

L’exercice de ces droits consiste, le cas échéant, dans la fixation des conditions et délivrance des autorisations d’exploitation, dans le contrôle, la perception et la répartition des rémunérations dues en contrepartie de l’exploitation des droits. Les membres des sociétés de gestion collective sont obligatoirement des auteurs, des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, des éditeurs ou leurs ayants droit. La gestion collective poursuit également la promotion des intérêts moraux et matériels de ceux dont les droits sont ainsi exercés, notamment dans le cadre d’une action culturelle, voire sociale. » 

De cette définition, nous pouvons dégager plusieurs éléments concernant la gestion collective. 

  1. L’activité d’une personne morale 

La gestion collective des droits, de par son caractère collectif, est portée par une personne morale que le législateur avait qualifié avec la loi du 3 juillet 1985 de « sociétés de perception et de répartition des droits » qui étaient exclusivement des sociétés civiles dont les associés devaient être des auteurs, des artiste-interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, des éditeurs ou leurs ayants-droits. 

La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a permis d’introduire une nouvelle forme de gestion collective. L’article 321-1 du code de la Propriété Intellectuelle, alors consacré aux sociétés de perception et de répartition des droits, est alors modifié par une ordonnance du 22 décembre 2016 et fait apparaître la notion d’organisme de gestion collective. L’article 321-1 du code de la propriété intellectuelle définit ainsi ces organismes de gestion collective comme étant « des personnes morales constituées sous toute forme juridique dont l’objet principal consiste à gérer le droit d’auteur ou les droits voisins de celui-ci pour le compte de plusieurs titulaires de ces droits, tels que définis aux livres Ier et II du présent code, à leur profit collectif, soit en vertu de dispositions légales, soit en exécution d’un contrat. » 

Le même article précise également que l’organisme doit soit être contrôlé par leurs membres, également titulaires de droits, soit être à but non lucratif. Cependant, les organismes de gestion collective peuvent désormais se constituer sous une autre forme que celle de société civile, forme jusqu’ici imposée par le législateur. 

Les fonctions des organismes de gestion collective, bien qu’étendues, restent similaires aux sociétés de perception et de répartition des droits, en ce qu’elles ont pour objet l’exercice des droits d’auteurs et des droits voisins dont elles ont la charge pour le compte de leurs titulaires. 

  1. L’exercice des droits d’auteurs et des droits voisins dans un cadre fiduciaire 

En droit civil français, la fiducie est définie à l’article 2011 du code civil comme 

« L’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. » 

On retrouve cette logique dans la gestion collective, bien que la qualité de fiduciaire ne soit pas accordée par le législateur à une société de gestion. En effet, les auteurs ou titulaires de droits voisins souhaitent faire administrer leurs droits par l’organisme de gestion collective, qui agit pour le compte de ses membres. Les organismes de gestion collective « agissent au mieux des intérêts des titulaires de droit qu’ils représentent », nous indique l’article 321-1 du Code de la Propriété intellectuelle, on peut ainsi penser la gestion collective comme une sorte de « fiducie spéciale » dans laquelle l’organisme, « fiduciaire », a l’obligation de gérer les droits de l’auteur ou titulaire de droits voisins, « constituant », dans son intérêt. 

Concrètement, la fonction première de la gestion collective dans le cadre de l’exercice des droits d’auteurs et des droits voisins est de délivrer des autorisations d’exploitation et de percevoir les redevances auprès des exploitants, pour ensuite les répartir aux titulaires de droits. 

L’autre fonction non négligeable des organismes de gestion collective est la qualité d’ester en justice pour la défense des droits dont ils ont la charge. Ainsi l’article 321-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Les organismes de gestion collective régulièrement constitués ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont ils ont statutairement la charge et pour défendre les intérêts matériels et moraux de leurs membres, notamment dans le cadre des accords professionnels les concernant. » 

Les organismes de gestion collective peuvent ainsi demander la réparation de l’atteinte à l’intérêt collectif des associés mais aussi se constituer partie civile ou intenter une action en contrefaçon. 

Depuis la loi du 6 août 2004 modifiant la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978, les organismes de gestion collective peuvent également mettre en œuvre des traitements de données afin de lutter contre les téléchargements illicites. A ce sujet le Conseil constitutionnel dans une décision du 29 juillet 2004 avait posé comme condition que « les données recueillies ne pourront acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d’une procédure judiciaire ». En octobre 2004, le CNIL précisait dans une note explicative que les organismes de gestion collective ont la possibilité de recourir à des « traitements ayant pour finalité la constatation des infractions » afin de « recenser les actes de contrefaçon sur Internet et à engager des poursuites et réunir les preuves nécessaires à l’engagement des poursuites pénales ou civiles. » 

Par ailleurs, les organismes de gestion collective ont la charge de négocier des contrats avec les majors des industries culturelles et de mener des opérations de lobbying pour le compte des auteurs et titulaires de droits voisins qu’ils représentent. 

Au-delà de ces fonctions dans le cadre de l’exercice des droits d’auteurs et droits voisins dont les organismes de gestion collective ont la charge, nous verrons que ces organismes doivent également participer à la promotion de la culture dans l’intérêt des auteurs et titulaires de droits voisins qu’ils représentent mais également dans l’intérêt du public. 

  1. La promotion des intérêts moraux et matériels des auteurs et titulaires de droits voisins dans le cadre d’une action socio-culturelle 

L’article 321-1 II du code de la propriété intellectuelle dispose que « Les organismes de gestion collective peuvent mener des actions de promotion de la culture et fournir des services sociaux, culturels et éducatifs dans l’intérêt des titulaires de droits qu’ils représentent et du public. » 

Les organismes de gestion collective ont ainsi pour rôle de participer au développement du secteur culturel et éducatif. C’est d’ailleurs une obligation depuis l’Ordonnance du 22 décembre 2016 portant transposition de la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins. 

Selon l’article L324-17 du code de la propriété intellectuelle, les OGC contribuent à trois types d’actions : 

  • Des actions d’aide à la création d’une œuvre ou de son interprétation 
  • Des actions d’aide à la diffusion du spectacle vivant et au développement de l’éducation artistique et culturelle 
  • Des actions d’aide à la formation des artistes interprètes et des auteurs 

Le législateur impose donc une participation des OGC au financement du secteur culturel français par des dépenses d’intérêts collectifs, utilisant 2 types de sommes : 

  • 25% des sommes provenant de la rémunération pour copie privée (article L311-1 du code de la propriété intellectuelle).
  • La totalité des sommes dites « irrépartissables », c’est-à-dire des sommes perçues par l’organisme qui n’ont pas pu être réparties au profit de leurs destinataires soit en application des conventions internationales auxquelles la France est partie, soit parce que leurs destinataires n’ont pas pu être identifiés ou retrouvés avant l’expiration du délai de 5 ans prévu à l’article L324-16. 

Les organismes de gestion collective ont également la possibilité d’utiliser à ces actions tout ou partie des sommes dites irrépartissables à compter de la fin de la troisième année suivant la date de leur mise en répartition, sans préjudice des demandes de paiement des droits non prescrits. 

La répartition de l’ensemble de ces sommes sont soumises à un vote de l’assemblée générale de l’organisme de gestion collective prononcé à la majorité des deux tiers. À défaut, une nouvelle assemblée générale devra se prononcer à la majorité simple. 

Sonia DESMEULES 

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