Le 1er juin 1996 le tribunal correctionnel de Paris, puis le 4 juin 1997 la Cour d’appel de Paris, condamnent Bernard Tapie à 18 mois de prison dont 6 mois fermes pour fraude fiscale et 30 mois de prison avec sursis pour abus de biens sociaux. Il s’agit là de l’affaire du Phocéa, concernant le yacht de luxe appartenant à une filiale de la société détenu par ce dernier.
Sa condamnation était notamment fondée sur le fait que ce yacht de luxe était enregistré comme navire marchand, tandis que l’administration le considérait comme bateau de plaisance. En conséquence, l’ancien député avait amorti ce bateau et fait passer les frais liés à ce bien en charges d’exploitation, à tort car cela lui permettait de réduire son imposition. Le juge fiscal est alors intervenu pour confirmer l’appartenance à la catégorie de bateau de plaisance, ne permettant pas de déduire les charges qui y sont liées, en raison de leur caractère somptuaire.
➔ Quel est le principe applicable en matière de déductibilité des charges ?
En principe, pour qu’une charge ou une dépense soit déductible, elle doit répondre à quatre conditions posées par l’article 39.1°.1 du Code Général des Impôts (CGI)
1°/ La dépense doit se traduire par une diminution de l’actif net de l’entreprise
2°/ La dépense doit être exposée dans l’intérêt de l’exploitation
3°/ La dépense doit être régulièrement comptabilisée et appuyée de justification suffisante
4°/ La dépense ne doit pas être expressément interdite par la loi ou faire l’objet d’une limitation
Cette dernière condition fait un renvoi direct aux dépenses ayant un caractère somptuaire.
➔ Qu’est-ce qu’une dépense somptuaire ?
Une dépense somptuaire est une charge que l’administration fiscale ne considère pas comme « utile » à l’activité de l’entreprise et qui de ce fait n’est pas déductible du résultat fiscal. Autrement dit, les amortissements pratiqués et/ou les charges liées à un bien considéré comme n’étant pas utile à la pratique de l’activité de l’entreprise, ne pourra faire l’objet d’une déduction fiscale.
L’article 39.4 du CGI donne la liste des charges et dépenses non déductibles, ou dépenses somptuaires :
- Celles ayant trait à l’exercice de la chasse et l’exercice non professionnel de la pêche.
- Celles résultant de l’achat, de la location ou tout autre opération faite en vue d’obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d’agréments, ainsi que l’entretien de ces résidences.
- Celles résultant de l’achat, de la location ou tout autre opération faite en vue d’obtenir la disposition de yachts ou bateaux de plaisance à voile ou à moteur, ainsi que les dépenses d’entretien.
- Celles résultant de l’amortissement des voitures particulières, pour une faction de leur prix d’acquisition excédant un plafond
Toutefois, concernant les trois premières, ces dépenses seront admises en déduction par le juge fiscal, si elles présentent un caractère social. Autrement dit, il ne faut pas que ces dépenses soient exclusivement réservées aux intérêts personnels du ou des dirigeants, mais doit pouvoir profiter à l’ensemble du personnel de l’entreprise.
Dans cette hypothèse, ces dépenses pourront être déduites. Cela s’explique par le fait que faire bénéficier ces dépenses au personnel dans son ensemble, permet de faire entrer cette charge comme étant dans l’intérêt de l’entreprise, c’est-à-dire dans l’une des conditions de l’article 39.1°.1.
Bien que visées par ce même article, certaines charges ne sont pas qualifiée comme des dépenses somptuaires, telles que :
- Celles résultant de l’achat, la location ou l’entretien des demeures historiques classées.
- Celles résultant de l’achat, la location ou l’entretien des résidences servant de siège social à l’entreprise ou des résidences servant à accueillir du public.
A savoir : cas particulier des voitures de tourisme
Dispose d’un régime spécifique,
- Les dépenses relatives à ces dernières sont déductibles si elles sont nécessaires à l’activité. (Exemple auto-école)
- Si leur utilisation n’est pas essentielle, les dépenses sont soumises à plafond.
➔ Comment s’opère le contrôle de ces dépenses ?
Afin de contrôler la recevabilité de la déductibilité des dépenses, la société concernée doit transmettre un relevé détaillé de ses frais généraux, c’est-à-dire des frais engagés dans le cadre de ses activités quotidiennes. Ce document doit apparaître dans la liasse fiscale, excepté pour les entreprises individuelles qui sont dispensées d’en produire.
Sur ce relevé, doit figurer cinq catégories de dépenses :
– Les rémunérations directes et indirectes versées aux personnes les mieux payées de l’entreprise.
Au-delà de 200 salariés, il faut prendre en compte les 10 personnes les mieux payées. En-deçà de 200 salariés, il faut prendre en compte les 5 personnes les mieux payées.
Un autre seuil a été instauré, mais cette fois concernant le montant de ces rémunérations. En effet, cette catégorie de dépense sera à communiquer par l’entreprise, dès lors que :
- Le seuil de 300 000€ de rémunérations des 10 personnes les mieux payées sera atteint
- Le seuil de 150 000€ de rémunération des 5 personnes les mieux payées sera atteint Dans la pratique cette catégorie est souvent communiquée puisqu’elle touche une très grande partie des entreprises, étant donné la facilité à atteindre ces seuils.
– Les frais de voyage et de déplacement de ces mêmes personnes.
Lorsque le seuil de 15 000€ est franchi, l’entreprise communique cette information dans sa liasse fiscale (peu importe le seuil de 200 salariés).
– Les dépenses liées aux véhicules dont peuvent disposer ces mêmes personnes.
Lorsque le montant de ces dépenses excède les 30 000€, l’entreprise joindra cette information dans sa liasse fiscale (peu importe le seuil de 200 salariés).
– Les cadeaux de toutes natures supérieurs à 3 000€.
Ce montant correspond au total de l’ensemble des cadeaux. Toutefois, les objets de faibles valeur conçus spécialement pour la publicité et dont la valeur unitaire ne dépasse pas 73€ TTC ne sont pas visés par cette déclaration.
– Les frais de réception.
Il s’agit des dépenses engagées dans le cadre du développement des relations d’une entreprise avec ses clients, fournisseurs ou autres relations d’affaires. L’entreprise devra communiquer cette information dès lors que le seuil de 6 100€ sera franchi.
Parmi ces cinq catégories, si l’une venait à manquer alors que l’entreprise devait la communiquer en raison du dépassement de seuil, elle se verrait sanctionnée d’une amende de 5% du montant non déclaré. En revanche, cette amende sera réduite à 1% si les dépenses concernées sont déductibles, autrement dit celles engagées dans l’intérêt de l’entreprise. En cas de dépense partiellement déductible, la partie de la dépense qui l’est, sera amendée à 1% de montant, puis la partie qui ne l’est pas, à 5% du montant non déclaré.
Néanmoins, cette amende ne sera pas appliquée s’il s’agit d’une première infraction commise par l’entreprise sur l’année civile en cours, et les trois années précédentes, lorsque cette entreprise a, soit spontanément réparé son erreur ou omission, soit à la première demande de l’administration fiscale.
Pour aller plus loin : Ce que dit le BOFIP sur les dépenses somptuaires
Nicolas Grosperrin—Dourlens
Bravo Nico quel travail je suis vraiment épatée tu as vraiment trouvé ta voie