La directive mobilité transfrontalière des entreprises : une simplification entre États membres qui entre en vigueur en janvier 2023

« Visant à créer un corps commun de dispositions régissant le processus décisionnel et la protection des “parties prenantes” que sont les associés minoritaires, les créanciers et les salariés la directive réalise une avancée que la pratique attendait depuis longtemps tant à l’égard du transfert de siège social (dénommé transformation transfrontalière dans la directive) d’un État membre vers un autre, que de la scission transfrontalière. Elle modifie aussi les dispositions régissant les fusions transfrontalières, afin d’en rapprocher le régime de celui des transformations et les scissions transfrontalières. »

L’entrée en vigueur de la Directive

Le Conseil de l’Union Européenne a récemment décidé de réformer le droit de la transformation, de la fusion et de la scission transfrontalière des entreprises au sein de l’Union européenne. Cette directive a notamment apporté de grands changements concernant le transfert du siège social.

C’est par le biais de la directive dite « Mobilité » du 27 novembre 2019 que ces grands changements sont apparus. Celle-ci est entrée en vigueur le 1er janvier 2023 et doit être transposée par les États membres au plus tard le 31 janvier 2023. Elle a réformé la directive 2017/1132 en mettant en avant une accessibilité et une facilité nouvelle pour les entreprises. La directive commencera à s’appliquer 36 mois après son entrée en vigueur.

L’Union européenne souhaite en effet adoucir les règles relatives à la liberté d’établissement concernant les entreprises, au sein du marché unique.

L’évolution de la mobilité transfrontalière des entreprises dans le temps

La mobilité des entreprises au sein de l’Union européenne a vécu des changements de jurisprudence drastiques. A l’origine, le principe de liberté d’établissement s’applique, une société pouvant s’implanter dans l’État de son choix. Cependant, aucune règle ne vient consacrer la liberté de mobilité des sociétés et en préciser les contours. En matière de mobilité, l’Union européenne a préféré harmoniser le droit des sociétés.

Après plusieurs arrêts rendus par la Cour Judiciaire de l’Union Européenne qui ont fait « couler de l’encre », finalement, l’arrêt Polbud du 25 octobre 2017, sera retenu et appliqué dans la directive. Cet arrêt avait instauré le principe selon lequel le transfert de siège statutaire est une opération qui relève pleinement de la liberté d’établissement y compris lorsque ce transfert s’effectue sans déplacement du siège réel, et sans exercice d’activité économique dans l’État d’accueil.

La définition de la transformation transfrontalière par la directive

Le législateur européen a fini par réagir en adoptant un projet. La directive de 2019 consacrant l’arrêt Polbud va moderniser les règles relatives aux fusions, et étendra ces règles à toutes les formes de mobilité, y compris une mobilité par transformation transfrontalière.

La directive définit la transformation transfrontalière comme l’opération par laquelle la société, sans être dissoute ou liquidée, transforme la forme juridique sous laquelle elle est immatriculée dans un État membre de départ en une des formes juridiques de l’État membre de destination, et transfère au moins son siège statutaire dans l’État membre de destination, tout en conservant sa personnalité juridique.

Les conséquences concrètes de la Directive

Concernant les fusions et scissions de sociétés anonymes au sein d’un même État membre, la directive mentionne les étapes de la procédure de fusion et de scission ainsi que le moment où elles prennent effet, leurs conséquences et garanties pour les tiers. S’agissant des conversions, fusions et scissions de société anonyme à responsabilité limitée basées dans différents États membres, la directive précise les conditions applicables, les étapes de la procédure ainsi que les mesures anti-abus.

Concernant le transfert de siège, la directive cadenasse les possibles fraudes en posant un système de double contrôle de la légalité qui sera envisagé par un contrôle de l’État de départ, et un deuxième contrôle de l’État d’accueil.

S’agissant de l’État de départ, une autorité compétente doit délivrer un certificat préalable de légalité. Cela signifie que l’autorité devra faire une vérification formelle des formalités exigées par la directive. L’idée est d’apprécier la compensation allouée aux associés qui s’opposeraient à la mobilité. La législation leur confère un droit de retrait. Au-delà de l’aspect formel des choses, cette même origine doit avoir un contrôle substantiel des finalités de l’opération : elle regarde si l’opération n’est pas abusive ni frauduleuse. Si elle l’estime abusive ou frauduleuse, elle ne délivre pas le certificat de légalité, l’opération ne pourra pas se faire.

Par la suite, un second contrôle est exercé par l’État d’accueil. Celui-ci est moindre mais il ne vise que les opérations qui concernent la question de l’enregistrement ou de l’immatriculation de la société, ainsi que les modalités relatives à la participation des salariés. On veille à la protection de plusieurs catégories de personnes : les associés minoritaires (qui n’ont désormais plus de droit de veto comme avant) puisqu’il faut une majorité renforcée des 2/3 et au plus 90%. On retrouve aussi une protection des créanciers sociaux qui doivent avoir été informés du projet de transfert du siège social et qui doivent avoir reçu des garanties suffisantes. Si elles ne sont pas suffisantes, ils peuvent faire opposition devant l’autorité administrative ou judiciaire dans les trois mois ou engager des poursuites contre l’État d’origine dans un délai de deux ans. Enfin, les salariés sont eux aussi protégés, ils doivent avoir été informés du projet, consultés et doivent conserver leur droit à la participation dans la gestion de la société.

Manon DAUBY et Elsa HUET

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