Ce texte s’inscrit dans la continuité de deux lois majeures, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, et la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
Le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a été présenté en Conseil des Ministres le 1er février 2023, par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, M. Gérald Darmanin, le ministre de la justice, M. Éric Dupond-Moretti, et le ministre du travail, M. Olivier Dussopt.
Ce projet comporte vingt-six articles répartis au sein des six titres suivants :
- Titre I – Assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail et la langue
- Titre II – Améliorer le dispositif d’éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l’ordre public
- Titre III – Sanctionner l’exploitation des migrants et contrôler les frontières
- Titre IV – Engager une réforme structurelle du système d’asile
- Titre V – Simplifier les règles du contentieux relatif à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers
Le Conseil d’Etat a rendu son avis sur le projet de loi le 26 janvier 2023, puis une étude d’impact a été réalisée. La Défenseure des droits a émis un avis défavorable le 23 février 2023. Actuellement, le projet de loi a été déposé devant le Sénat qui doit l’examiner au cours du mois de mars 2023.
Les points abordés ne résument pas l’ensemble du projet, mais s’apparentent aux principales mesures.
L’amélioration de l’immigration
Le projet de loi conditionne la délivrance des autorisations de séjour à un certain niveau de connaissance de la langue française, qui sera déterminé par décret. Elle modifie à cette fin le code du travail, qui dispose que les employeurs auront la possibilité de proposer à leurs salariés étrangers une formation en français langue étrangère (FLE).
Le premier est une carte de séjour temporaire portant la mention « travail dans des métiers en tension » pour une durée d’un an. Les conditions d’obtention de cette carte sont les suivantes : l’étranger doit justifier d’une ancienneté de séjour d’au moins trois ans sur le territoire français, d’une expérience de huit mois pendant les derniers vingt-quatre mois dans un métier ou une zone géographique caractérisée « par des difficultés de recrutement ».
Si les conditions sont remplies, elle sera délivrée de plein droit. Cette mesure est prise pour faire face à la pénurie de main d’œuvre présente dans certains secteurs de travail spécifiques, comme la restauration ou le bâtiment.
La seconde carte de séjour créée, portant la mention « talent- professions médicales et de la pharmacie » pour une durée de treize mois. Elle bénéficiera aux praticiens diplômés en dehors de l’Union européenne pour faire face aux besoins de recrutement des établissements de santé.
Le contrôle de l’immigration
Le projet criminalise les infractions commises par les passeurs en bande organisée ou « dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ». Elles sont passibles de quinze ans de réclusion criminelle et 1 000 000 euros d’amende, avec une peine plus sévère pour les dirigeants de ces réseaux.
Afin de mieux protéger les étrangers contre les employeurs abusifs, le projet crée une amende administrative d’un montant maximal de 4 000 €, doublée en cas de récidive.
Le projet réforme de manière substantielle le régime d’éloignement des étrangers menaçant l’ordre public. Désormais, les étrangers en situation régulière relèveront du régime de l’expulsion. Quant aux étrangers en situation irrégulière, ils seront soumis à la procédure de reconduite à la frontière.
En outre, une réserve d’ordre public vient modérer les protections contre l’obligation de quitter le territoire, qui concernent principalement les étrangers entrés en France avant l’âge de 13 ans, les parents d’enfants français et les conjoints de Français ou encore les étrangers gravement malades.
Le respect des principes de la République
Le projet va ajouter une condition de délivrance des titres de séjour, celle du respect des principes de la République, qui va être insérée dans une nouvelle section du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cette disposition s’applique à tous les documents de séjour à l’exception de ceux des ressortissants algériens.
L. 412-7. « – L’étranger qui sollicite un document de séjour s’engage à respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers. »
Le manquement à ces principes sera sanctionné par le non-renouvellement ou le retrait du titre de séjour.
La réforme du contentieux des étrangers
Le projet de loi a prévu plusieurs dispositions en vue de l’accélération du traitement des recours contre le refus de protection au titre de l’asile : la création de nouvelles chambres territoriales, la spécialisation de ces chambres, la modification du mode de désignation de certains membres et le recours quasi-systématique au juge unique. Toutefois, les deux premières mesures présentent un caractère réglementaire selon l’avis du Conseil d’Etat.
Concernant la formation des juges, le projet de loi souhaite modifier la procédure en vigueur en faisant de l’exception un principe. Le juge unique deviendra la formation par principe, et le renvoi en formation collégiale serait l’exception dans le cas où le litige « présente des difficultés sérieuses ».
Dans un communiqué, le Syndicat de la juridiction administrative (SJA) s’oppose au juge unique et affirme que la « remise en cause de la collégialité dans cette matière très sensible serait de nature à affaiblir la justice administrative et le régime des droits et libertés fondamentales »
Actuellement, la simplification du contentieux des étrangers représente un enjeu majeur, car cela correspond à 40% de l’activité des juridictions administratives. Le projet reprend les propositions de l’étude du Conseil d’Etat du 5 mars 2020, « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous ».
La mesure principale revient à réduire le nombre de procédures devant le juge administratif de douze à quatre. Le projet de loi crée un nouveau livre IX au sein du CESEDA pour les regrouper. Ces quatre procédures se déclinent en fonction du degré d’urgence de la requête et diffèrent sur les délais de recours et de jugement.
Avis de la Défenseure des droits
Le 23 février 2023, Mme Claire Hédon émet un avis défavorable à l’encontre de ce projet de loi. Elle affirme que « le projet de loi déposé au Sénat est de nature à porter gravement atteinte aux droits [fondamentaux des étrangers]. » Elle observe notamment un durcissement des contrôles aux frontières, des dispositions instrumentalisant le droit au séjour pour sanctionner les étrangers et des atteintes à leur droit à un recours effectif.
Selon elle, un des points les plus sensibles du projet demeure le recours au juge unique devant la CNDA : « Le recours au juge unique vide de sa substance le délibéré qui constitue un gage d’impartialité de la justice. Le principe doit demeurer la collégialité, et le juge unique l’exception. Inverser cette logique est un risque majeur. »
Pour aller plus loin :
- Avis du Défenseur des droits, n°23-02, 23 février 2023
- Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi (CE, avis, 26 janvier 2023, N° 406543)
- Communiqué du Syndicat de la juridiction administrative (SJA), 23 février 2023.
Perrine CAMILLERAPP