La notion de harcèlement moral
L’interdiction du harcèlement moral s’accompagne nécessairement d’une obligation de prévention à la charge de l’employeur. Ce dernier doit non seulement veiller à adopter un management exempt de tout harcèlement, mais il doit également prévenir les agissements de harcèlement au sein de l’entreprise et, le cas échéant, les sanctionner.
En vertu de l’article L.1152-1 du Code du travail, « aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
De cette définition découlent trois éléments essentiels pour caractériser une situation de harcèlement moral :
Des agissements répétés : en effet, un fait unique ne peut pas être caractérisé de harcèlement moral. En revanche, la Cour de cassation a jugé qu’un fait unique pouvait être sanctionné sur le fondement du harcèlement sexuel (Cour de cassation, chambre sociale, 17 mai 2017, n° 15-19.300).
Une dégradation des conditions de travail du salarié qui peut notamment se manifester par un état dépressif et/ou anxieux ;
Une atteinte aux droits et à la dignité du salarié, à sa santé physique ou mentale ou à son avenir professionnel. C’est le cas notamment lorsque l’employeur confie au salarié des tâches inférieures à ses compétences.
Ce délit est réprimé à l’article L222-33-2 du Code pénal qui prévoit une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Les obligations de l’employeur
En application de l’article L.1152-4 du Code du travail, l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral au titre de son obligation de sécurité.
Cette obligation se scinde en deux temps : la prévention (C. trav., art. L. 1152-4) et la sanction.
Ainsi, l’employeur doit informer et sensibiliser ses salariés sur le sujet. Cela peut se traduire par la mise en place d’affichages légaux obligatoires ou par la formation de l’ensemble des salariés.
Cela a pour but d’améliorer les connaissances du salarié mais également d’identifier les signes de harcèlement.
L’employeur a le devoir d’agir par le biais du règlement intérieur. Ce dernier doit rappeler les dispositions prévues par le code du travail relatives aux harcèlements moral et sexuel, et aux agissements sexistes. Il peut également mentionner des exemples de pratique constitutive de harcèlement moral.
L’employeur peut également se faire aider par le CSE qui peut proposer des actions de prévention. Il peut également faire appel au médecin du travail.
D’autre part, l’employeur joue un rôle primordial en aval d’une situation de harcèlement moral. Il doit réagir rapidement et efficacement pour mettre fin à la situation par le grâce à des mesures appropriées. Pour cela, l’employeur peut notamment réaliser une enquête interne.
L’enquête interne se déroule en deux temps :
Une première phase d’identification au sein de laquelle l’employeur recherche des informations précises, il recueille des témoignages, écoute les parties en cause.
Ensuite, l’employeur devra traiter la situation qui lui est soumise. En effet, si les faits sont avérés l’employeur devra prononcer une sanction disciplinaire à l’égard du salarié fautif pour mettre fin à la situation. Il est de jurisprudence constante que le harcèlement constitue une faute grave (Cass. Soc. 5 mars 2002, n°00-40.717).
La responsabilité de l’employeur
L’inaction de l’employeur est susceptible d’engager sa responsabilité.
Autrefois, l’employeur était soumis à une obligation de résultat. Ainsi, il suffisait qu’un risque se réalise, ou même qu’un salarié soit simplement exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée (Cass. Soc. 11 mars 2015 : n°13-18603).
La jurisprudence a cependant évoluée en faveur des employeurs et désormais ils sont soumis à une obligation de sécurité de moyen. Par conséquent, l’employeur ne manque pas à son obligation de sécurité s’il justifie avoir pris les mesures de prévention et les mesures immédiates propres à faire cesser ce harcèlement.
En revanche, l’employeur peut engager sa responsabilité pour manquement à son obligation de sécurité lorsque le harcèlement moral n’est pas établi.
En effet, dans un arrêt du 27 novembre 2019 (n°18-10551), la Cour de cassation a jugé que si le risque de harcèlement moral existe, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour le prévenir. S’il ne le fait pas, il sera condamné, que le harcèlement moral soit finalement établi ou non.
La charge de la preuve pèse sur l’employeur. Il doit prouver qu’il a respecté chacune de ces obligations.
Kaysa AIT CHALAL