Les relations contractuelles de consommation dans le Métaverse

Le Métaverse est là ! Mais le Métaverse, c’est quoi ?

Le Métaverse est un monde conceptuel entièrement virtuel dans lequel des individus pourront évoluer en 3D tout en restant chez soi ! Cette nouvelle technologie permettant de relier les individus entre eux ne sera bientôt plus de la science-fiction, bien que cela risque de chambouler notre monde juridique actuel.

La grande publicité (notamment depuis le changement de nom de la société « Facebook Inc. » en « Meta Platforms, Inc. ») et l’avènement des mondes virtuels nous fait prendre conscience que notre droit doit toujours trouver à s’appliquer, notamment dans nos relations contractuelles. Cette affirmation est d’autant plus vraie dans les cas où ces contrats sont encadrés par des statuts particuliers nous octroyant des droits, devoirs et protections.

Ce bouleversement juridique ne sera pas sans faire trembler la caractérisation des contrats et statuts actuels de consommateur.

1. Les contrats de consommation dans le Métaverse

Au sens de l’article liminaire du Code de la consommation, le droit de la consommation s’applique aux rapports contractuels entre un consommateur et un professionnel. Ce même article vient définir ces deux notions comme suit :

• Un consommateur est une personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

• Un professionnel est une personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

Avec l’arrivée récente de la Blockchain permettant de réaliser des NTF ou encore avec des jeux- vidéo immersifs comme « les Sims » ou « Second Life », on s’est rendu compte que les consommateurs adorent acheter des biens virtuels avec de l’argent pourtant bien réel. Puisqu’il y a une demande, on trouve rapidement une offre, et de plus en plus de géants investissent dans des mondes virtuels pour y proposer leurs produits (on peut citer par exemple Nike ou encore Adidas dans des projets NFT ou encore Ikea dans « les Sims »).

Cette tendance autour de ces achats virtuels ne semble pas s’amoindrir et tend même à se développer au vu du marketing de masse autour de ces pratiques. Nous sommes donc face à une véritable révolution du monde de la consommation, où, dans l’idée de protéger les consommateurs, il sera nécessaire de qualifier les acteurs et contrats de la consommation.

1.1 La qualification virtuelle de consommateur et de professionnel

1.1.1 Vers de nouveau méta-consommateur ?

A première vue la qualification juridique du consommateur semble tout à fait alliable avec le Métaverse, cela vient du fait que le code de la consommation a largement envisagé la question de la consommation faites par le biais du numérique. Ainsi, pour qualifier un consommateur, il faut :

• Une personne physique …

Cela suppose donc qu’on soit face à un humain ayant personnalité juridique, donc un humain titulaire de droit. Quant à son application dans le Métaverse, le droit s’étant adapté à l’omniprésence du numérique, on sait que celui-ci ne s’arrête pas, le droit ne s’arrête pas aux frontières du virtuel. Nous restons des sujets de droit au travers de nos interactions virtuelles.

• … Qui n’agit pas dans le cadre de son activité.

Plusieurs interprétations peuvent être formulées sur ce critère et celui-ci nécessitera l’interprétation souveraine des juges du fond. En effet, la caractérisation d’une l’activité professionnelle dans un monde virtuel tel que le Métaverse peut être critiquée et critiquable avec nos critères actuels. En outre, serait-il possible de qualifier une « activité commerciale virtuelle » le fait d’émettre des actes virtuels de commerce ? Si on répond par l’affirmative, alors, la vente de biens virtuels dans un MMORPG tel que « World of Warcraft » pourrait être qualifiée d’activité commerciale virtuelle, cette conception devrait être largement débattue au sein de la Doctrine.

Bien que la qualification d’un Méta-consommateur puisse faire l’objet de débats, elle reste largement enviable dans le monde du Métaverse. Dans le cas où le droit de la consommation ne parviendrait pas à s’y appliquer, puisque la consommation sera primordiale dans ce Monde virtuel, des adaptations législatives ne tarderont pas à arriver pour protéger le consommateur.

1.1.2 La qualification d’un Méta-professionnel ?

Tout comme le consommateur, la qualification juridique d’un Méta-professionnel est tout à fait envisageable pour les raisons précitées. En droit positif, la qualification d’un professionnel nécessite :

• Une personne physique ou morale …

Concernant ce critère, c’est exactement la même logique qu’avec le consommateur, le seul critère est d’avoir la personnalité juridique. Donc à partir du moment où la personnalité juridique existe dans le monde réel, rien ne s’oppose à ce qu’elle existe au sein du Métaverse.

• … Qui agit dans le cadre de son activité.

Pour ce critère, les choses se compliquent il sera nécessaire que ce rapport virtuel se rapporte à une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Ces activités n’emportent pas les mêmes difficultés de qualification, certaines sont largement qualifiables et d’autres semblent impossibles à qualifier.

1.1.2.1 Une qualification sans difficulté des activités commerciales et libérales

Les activités commerciales et libérales sont les activités les plus communément retranscrites dans les univers virtuels et ont déjà pu les observer.

• L’activité commerciale est le fait de faire l’achat de biens ou marchandises dans le but de les revendre dans un but lucratif (exemple d’adaptation virtuelle : l’achat-revente de meuble virtuel est largement observé dans le jeu immersive « Second Life » exercé à titre habituel).

• L’activité libérale est le fait d’exercer une activité professionnelle qui relève de prestations intellectuelles ou conceptuelles à titre indépendant (exemple d’adaptions virtuelle : la prestation d’actes médicaux ou de santé largement observé dans les jeux types « Role Play »).

Finalement, la seule véritable contrainte est qu’il y ait une rémunération effective et reconnue dans le Monde réel pour que ces activités puissent être caractérisées. Il doit y avoir des incidences économiques réelles.

1.1.2.2 La qualification complexe des activités industrielles ou artisanales

Dans le cadre de ces qualifications, les choses se compliquent et deviennent plus conjoncturelles et dépendront grandement de la structure et l’organisation du Métaverse.

• Activité industrielle : il s’agit de la conception, la fabrication et à la vente de biens matériels, on parle d’activités de production ou transformation de biens.

• Activité artisanale : il s’agit de la production, transformation, réparation et prestation de services relevant de l’artisanat, le champ de l’activité est limité par une liste établie par décret.

La qualification de ses activités se heurte à deux problématiques majeures :

  • Une problématique technique : dans les Mondes virtuels les activités de production sont largement envisageables notamment avec la possibilité « Crafter » (c’est-à-dire, concevoir des biens virtuels en transformant, travaillant, fusionnant d’autres biens virtuels), pour autant, ce qui donne un sens juridique à l’activité de production industrielle ou artisanale, c’est avant tout que ces activités impliquent des moyens techniques et/ou intellectuels pour les mettre en place.

Dans un Monde virtuel où cette capacité ne nécessiterait aucune compétence ou moyen, cela n’aurait aucun intérêt (dans le cas contraire : ces productions seront faites pour leur propre compte). Finalement, le seul cas où la qualification d’un industriel ou d’un artisan est envisageable, c’est le cas où la reproduction du Monde réel dans le Métaverse poussée à l’extrême (impliquant des ressources limitées et précises, des modes de production de machines compliquées et coûteuses). En outre, seule la création d’un Monde virtuel très avancé dans son réalisme donnera du sens à cette qualification.

  • Une problématique juridique : celle-ci concerne avant tout l’activité artisanale, en effet, l’activité est strictement limitée par décret. Juridiquement, il serait presque inconcevable d’étendre l’exercice d’une prestation réalisée dans le Monde réel à l’exercice d’une prestation virtuelle. En outre, sauf interprétation contraire des juges du fond, pour que cela soit possible, une intervention législative semble nécessaire.

1.1.2.3 La qualification impossible d’une activité agricole

Une activité l’agricole semble impossible à qualifier en tant que tel dans le Métaverse. Cette activité peut se définir comme l’exercice d’une activité liée à l’exploitation d’un cycle biologique végétal ou animal. L’impossibilité de qualification trouve sa source dans deux principales raisons.

• Une activité strictement encadrée et fixée à une conception naturelle de l’activité : dans un Monde virtuel, aussi réaliste soit-il, il semble peu probable voire impossible d’instaurer des conceptions se rapprochant de la réalité au point qu’une activité agricole soit qualifiable.

• Une activité qui répond à aux besoins naturels des Hommes. L’agriculture répond avant tout à un besoin humain, celui de se nourrir. Ce besoin ne pouvait exister virtuellement (même s’il peut être implanté fictivement), donnant que peu de poids et de sens au fait d’exercer une activité agricole.

1.2 Les contrats de consommation dans le Métaverse

Si l’on réussit à qualifier que la relation contractuelle concerne un consommateur et un professionnel, alors, les dispositions protectrices du code de la consommation trouve à s’appliquer. Par ailleurs, deux grands types de contrats sont appréhendés dans le droit de la consommation les contrats d’achat ou de prestations de services, ainsi que les contrats de crédit à la consommation.

1.2.1 Les contrats de consommation d’achat ou de prestation de services dans le Métaverse

L’article L. 221-1 du code de la consommation vient définir deux types de contrats qui trouvent à s’appliquer dans les relations contractuelles numériques : le contrat conclu à distance et le contrat conclu hors établissement. L’intérêt de qualifier ces contrats est que ceux-ci permettent d’appliquer un régime très protecteur pour le consommateur.

1.2.1.1 Le contrat conclu à distance

Légalement, un contrat conclu à distance est un contrat conclu sans qu’il y ait eu de rencontre physique en simultanée entre le professionnel et le consommateur, et ceux, qu’importe le recours technique de communication. Cette définition implique la réunion de deux critères :

• La conclusion d’un contrat sans rencontre simultanée

A première vue, on pourrait considérer que puisque les relations contractuelles dans le Métaverse ne sont pas physiques et simultanées, alors chaque contrat d’achat ou de prestation de services entre un consommateur et un professionnel relève du champ d’application de ce contrat.

Cependant si, sans qu’il y ait une rencontre physique entre le professionnel et le consommateur, il y a eu une rencontre virtuelle au sein du Métaverse, cela permettrait-il d’écarter la qualification du contrat conclu à distance ? Puisque la définition légale implique qu’il faut une rencontre physique, on peut largement envisager que ce n’est pas le cas. Il demeure tout de même possible, notamment si le Métaverse devient de plus en plus important, que les juges puissent n’interpréter qu’une rencontre en simultané du professionnel et du consommateur dans le Métaverse puisse être qualifiée de rencontre physique, mais cela demanderait une réinterprétation complète de ce qu’est une rencontre physique ou non. Dans l’état actuel des choses, cette solution semble toutefois peu probable.

• L’utilisation de n’importe quel recours technique

Le fonctionnement du Métaverse impliquant l’utilisation d’un moyen numérique de mise en relation entre le professionnel et le consommateur et que recours technique du numérique est largement répandu dans l’état actuel de la consommation, rien ne semble s’opposer à ce que le Métaverse soit considéré un recours technique permettant la qualification du contrat conclu à distance.

1.2.1.2 Le contrat conclu hors établissement

Le code de la consommation définit qu’un contrat conclu hors établissement est un contrat conclu dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité de manière habituelle. Dans cette définition légale, la notion de « lieu » est primordiale, pour autant, celle-ci reste interprétable dans le Métaverse.

En effet, On peut poser la question suivante : Peut-on considérer qu’un lieu virtuel est un lieu ? Juridiquement, cette question est rarement envisagée. Si l’on considère que c’est le cas, les sollicitations dans un domicile virtuel par un de professionnel dans le Métaverse pourraient être considérées comme des contrats conclus hors établissement, mais cela reste pour le moins très hypothétique dans le sens où il faudrait que le professionnel ait un lieu où il exerce son activité à titre habituel dans le Métaverse, mais également qu’il décide de quitter ce lieu virtuel pour conclure des contrats dans un autre lieu virtuel.

Nous sommes ici face à un cas d’école, d’autant plus que la qualification de contrat conclu à distance permet largement de recouvrir les conclusions de contrat virtuel entre professionnel et consommateur.

1.2.2 L’impossible existence actuelle de crédit à la consommation dans le Métaverse

Le code de la consommation encadre très strictement le crédit à la consommation, celui-ci est entouré de règles formelles et d’ordre public (l’information préalable, délai de rétractation, exécution contrat). Le droit de la consommation ne laisse rien au hasard compte tenu de l’importance et du danger potentiel que ces contrats revêtent.

Ici, le droit est très formaliste, notamment dans la qualification de l’établissement prêteur partie au contrat, en outre, puisque la législation est très lourde. Dans l’état actuel du droit, il semble impossible de permettre à des établissements de crédit virtuel d’attribuer des crédits à la consommation.

Ainsi, pour que cela soit possible, des réformes législatives seront nécessaires, ce qui permettra aux métas-consommateurs de contracter des crédits virtuels tout en étant protégé par le code de la consommation.

Le Monde du Métaverse n’implique qu’une qualification de nos rapports contractuels, comme on peut s’en douter, il s’agit d’une seconde société où on peut également y trouver ses déviances, incivilités, délits et crimes. Le droit pénal doit également s’adapter aux nouvelles considérations sociales qu’entraine le Métaverse. A ce sujet, l’observatoire de la justice pénale a publié un article relayant les infractions pénales commises dans le Métaverse.
Lien de l’article : https://www.justicepenale.net/post/infractions-dans-le-m%C3%A9tavers-un-terrain-de-jeu-virtuel-pour-des-d%C3%A9linquants-bien-r%C3%A9els

Charly FERMENT

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